Alors que dans trop de pays les pouvoirs en place s’acharnent à violer les lois constitutionnelles, les forces politiques d’opposition en Guinée semblent paradoxalement ne travailler qu’à les mettre en péril. Ainsi après cinquante ans de régimes autoritaires et militaires s’illustre à Conakry la difficulté d’implanter et de consolider l’état de droit.
Or sans stabilité politique et pérennité des institutions, aucun développement, aucune progression des investissements et donc amélioration des conditions d’existence ne sont possibles.
De telles circonstances étaient à portée de main. Une élection présidentielle acceptée nationalement et internationalement, des élections législatives aboutissant à un quasi équilibre entre majorité et opposition, une Commission électorale indépendante et paritaire, un Conseil constitutionnel et une Cour des comptes établis, une armée et une justice réformées, une liberté de la presse et de l’expression totale, aucun procès politique, une opposition libre de ses actions et de ses critiques, auraient dû poser des bases solides au progrès et à la délibération démocratique.
Sans stabilité politique et pérennité des institutions, aucun développement…
Dans le même temps le rétablissement des équilibres macroéconomiques, les accords passés avec les Institutions multilatérales, le contrôle du déficit budgétaire et de l’inflation confortaient la confiance des investisseurs étrangers et nationaux.
La tragédie de l’épidémie d’Ebola aurait dû convaincre toutes les forces politiques et la société civile de faire preuve de responsabilité et de privilégier l’unité nationale plutôt que de se confiner à un débat sur des élections locales secondaires qui ne s’étaient pas tenues depuis dix ans, donc antérieurement à l’élection présidentielle de 2010 !
Comment comprendre qu’une opposition sans projet, sans programme et sans unité, incapable ni de se soumettre aux Institutions ni a fortiori de contribuer à leur consolidation conteste et récuse la légitimité institutionnelle présente alors qu’elle s’était accommodée et avait consenti et collaboré à l’illégitimité qui avait si longtemps prévalu en Guinée ?
Face à ses contradictions, et sans perspectives positives elle s’engage dans une stratégie de la tension, par manifestations, démonstrations et provocations qui ne cherchent qu’à déstabiliser des institutions encore fragiles ou pousser le gouvernement à répondre par la violence à la violence.
Cette stratégie, outre qu’historiquement elle échoue toujours, est suicidaire pour le pays et contre productive pour l’opposition elle-même.
Quiconque est soucieux de l’avenir du pays doit appeler le président à la modération…
Elle implique de fait un refus de l’État de droit et de l’alternance démocratique car si l’opposition provoquait ainsi une intervention militaire, ou même une prise directe du pouvoir, elle se trouverait confrontée soit à une réaction identique des forces politiques opposées, donc une logique de guerre civile, soit au rétablissement d’un pouvoir militaire, donc dans les deux cas une terrible régression économique, financière et internationale du pays.
Quel que soit encore le chemin à parcourir en termes d’amélioration du niveau de vie, de modernisation des infrastructures, d’éradication de la corruption etc… quiconque est soucieux de l’avenir du pays doit appeler le président à la modération, au respect rigoureux de la loi et au refus de céder aux provocations, seuls remparts contre la logique de guerre civile.
Voila ce qu’il faut inlassablement répéter tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays pour contrecarrer des griefs sans fondements solides mais qui bénéficient du privilège accordé de façon critique, surtout en Afrique, aux discours d’opposition, tant l’idée d’un pouvoir légitime et attaché aux principes démocratiques est peu commune !
Jean-Paul Dessertine est économiste et banquier. (Jeune Afrique)