Hier, le Président Alpha Condé et le chef de file de l’opposition se sont rencontrés, mais la rencontre semble accoucher de peu, sinon que de quelques promesses. Des jeunes ont pourtant payé le lourd tribut de la vie et la rencontre d’hier, pour certains, devait permettre de décrisper les tensions et de dénouer une crise induite par nos inconséquences. La rencontre d’hier, cela n’engage que mon opinion, fut dangereuse et informelle. L’ordre des questions à débattre ne fut pas connu avant la soi-disant rencontre du salut populaire et par sa durée, elle était une politique de communication pour certains.
Le dialogue du salut doit se tenir dans un autre cadre, dans de meilleures conditions. Au vu des questions urgentes à aborder, il n’est pas de l’intérêt des Guinéens de voir en la rencontre d’hier comme celle de l’issue favorable. Les vraies questions devant conduire à des élections transparentes, intègres et inclusives, doivent être abordées ici et maintenant, mais pas lors d’une causerie qui s’apparente à celle des copains. Tant la rue n’apportera rien de bénéfique sinon que les larmes, les regrets et frustrations, tant les rencontres informelles n’apporteront que la perte du temps et puis la transgression.
La grande pomme de discorde entre le pouvoir et l’opposition semble l’ordre des élections. Le pouvoir semble inflexible, pour lui, pas questions d’organiser les communales avant les présidentielles. Il est acculé, l’économie est exsangue et les manifestations de l’opposition ont impacté son environnement des affaires, les niveaux de ses recettes fiscales ont fondu. Il n’a donc les moyens, dit –il. L’opposition, elle, appelle à faire respecter la loi, à organiser les communales avant les présidentielles. Les conseillers communaux illégalement installés par le pouvoir en place peuvent servir de satrapes électorales, clame –t-elle.
Chaque camp défend ses convictions et les points de rupture sont évidents, il faut concéder non pas pour sauver un pouvoir en mal de bilan, mais pour éviter que s’assombrisse l’avenir d’un peuple tenu en otage des décennies durant. Il faut dialoguer, c’est l’exhortation de tous. Mais sur quoi, un tel dialogue doit-il se porter ? Sur les points ci-dessous :
1) La question du rétablissement des conseillers communaux ou de leur remplacement par d’autres devant être choisis par le truchement du consensus sur la base : de la compétence, de la probité morale, de l’intégrité. L’idée qui taponne à l’esprit le plus vite est celle de les faire remplacer par les membres de la société civile. Les déclarations et les agissements de certains acteurs de la société civile guinéenne montrent que nombre de ses acteurs sont à la quête de la rente financière et qu’ils n’ont pas la vocation de défendre les intérêts du corps social guinéen. Importe cette remarque, il va falloir chercher du nombre des Guinéens des personnes incarnant une série de valeur à définir et dont les choix peuvent être consensuels.
2) L’ordre des élections. L’idée du couplage permettrait la solution conciliante, bien que cette option soulève la nécessité d’appeler à un financement externe plus grand en vue de la tenue des élections. Nous n’avons pas les moyens nécessaires pour le couplage de nos élections, mais au vu de nos réalités et des conséquences de l’inaction, il faut faire appel à un financement externe de nos élections.
3) La question du découpage électoral. Les élections de 2010 ont montré que le découpage électoral peut être une arme de victoire pour un pouvoir. La question doit être abordée et la CENI doit être conviée à montrer ses solutions, celles-là discutées par tous les partis lors du dialogue.
4) La question de la composition de la Cour constitutionnelle. Le Président Alpha Condé, par le décret du 30 Mars 2015 a installé cette Cour et ses neuf membres ont prêté serment le 3 Avril. En cas de contentieux, cette Cour devra trancher, c’est ce que dit l’article 94 de la constitution. Mais si elle infondée au pouvoir en place, sa décision en cas de contentieux est connue d’avance. L’opposition ne semble pas faire de cette question une problématique majeure. La substitution des procès verbaux lors des présidentielles de 2010 et l’annulation de 164 976 suffrages de l’UFDG, 144 667 du RPG et 76 255 de l’UFR montrent que cette question est d’une imminence. Sur 3 304 396 votants au total, seulement 1 771 970 suffrages furent valablement exprimés, soit seulement 46, 68 %. Quel crime ! Je ne soutiens pas l’idée de meubler nos institutions par les acteurs de nos politiques, mais par des citoyens responsables, compétents et d’une grande probité morale. Je ne dis non plus pas ceux-là promus, manquent des qualités susmentionnées. La neutralité doit être l’une des attitudes escomptées des acteurs d’une telle instance. Je refuse aussi que nos institutions soient vassalisées et qu’elles juchent sur leur épaule un pouvoir, l’exécutif. J’appelle à faire de la question de la composition de la Cour constitutionnelle un point du dialogue, il serait vain de venir dénoncer son impartialité quand les résultats définitifs des présidentielles seront délibérés et puis d’appeler ses partisans à la rue.
5) La question du recensement et de la sécurisation du fichier électoral.
Les élections du 2010 furent celles d’un grand scandale, les urnes furent bourrées dans certaines contrées, les fausses cartes d’électeurs furent distribuées, des bureaux de votes parallèles furent installés et même les mineurs s’invitèrent dans nos bureaux de votes. Le taux de participation aux présidentielles de 2010 fut bas, seulement 52 %, de surcroît toutes les contrées et régions n’eurent pas les mêmes chances lors des recensements électoraux.
Par ailleurs, l’intégrité du fichier électoral actuellement en vigueur doit être prouvée. La CENI doit être conviée à apporter la démonstration que le fichier électoral dans ses mains est exempt de toute pétrification. Au cas où , il serait inopérant et que son intégrité serait remise en cause , que les mesures de corrections soient proposées et que la CENI soit conviée à apporter implémentations dans un délai raisonnable.
6) Le chronogramme des élections. Comme les partis seront appelés à faire des concessions, on escompte qu’ils se mettent d’accord sur un chronogramme acceptable qui tienne compte des contraintes : de financement, de la préparation technique de la CENI et de sa capacité à organiser des élections transparentes, intègres et inclusives. Par ailleurs, l’autre contrainte à ne pas perdre de vue est que le mandat du Président de la République ne doit pas expirer, sinon il serait illégal. Comme le stipule l’article 28 de la Constitution, les présidentielles doivent se tenir au plus 90 jours et 60 au moins avant que n’expire le mandat du Président.
7) L’accès des partis politiques aux médias publics. Il n’est secret pour personne que nos médias publics sont des mégaphones du pouvoir en place. A l’époque Conté, ils faisaient les éloges du Général et jetaient aux gémonies les partis d’oppositions. Aujourd’hui, les mêmes réalités demeurent. Dans la conquête du pouvoir, il faut une égalité de traitement dans l’accès aux médias publics à tous les partis. Cette question doit être traitée et les modalités d’accès des partis d’opposition aux médias publics définies.
8) Le verrouillage des prochains accords. Les accords du 3 Juillet 2013 ont montré que l’opposition s’était fait rouler dans la farine. Elle a abordé des questions qui ne furent pas mis dans le document principal de l’accord, mais dans un document dit additif. La question n’était pas de savoir est-ce que la tenue des communales avait été abordée lors du dialogue, mais est-ce que dans le document principal elle y fut notifiée. Voyez-vous, c’est pour cela je dis que l’opposition fait des cadeaux à Alpha condé, car elle confond l’accessoire au principal.
Le dialogue doit porter sur les vraies questions. La diversion doit être évitée, le temps joue à notre encontre. Il faut éviter que le dialogue porte sur des comme celles-ci :
- La dissolution de la CENI. Evoquer le fait de son impartialité pour justifier sa dissolution serait irresponsable. Si les représentants des partis politiques à la CENI ont transhumé, il n’incombe pas de blâmer le pouvoir. Il faut éviter la diversion, les inconséquences de nos acteurs politiques expliquent l’inefficacité de la CENI.
- La dissolution du gouvernement en vue de la formation du gouvernement d’union nationale. Cette question serait une grosse diversion. Qu’apportera, à la Guinée et aux Guinéens, un gouvernement de partis politiques hétéroclites ? Rien, ils obéreront les charges de l’Etat, nous n’avons pas besoin.
- La prorogation du mandat du Président de la République. Cette autre idée est dangereuse, il n’est pas de l’intérêt des Guinéens que le Président de la République soit illégal. Voilà pourquoi, j’invite tous les partis à dialoguer et le Président Alpha Condé à créer le cadre du dialogue fécond, permettant de donner lieu à des compromis utiles et sincères.
- La réconciliation nationale avant les élections. Assez de Guinéens, même du nombre de nos partis politiques ne comprennent pas pourquoi, il faudrait qu’ait lieu une réconciliation nationale. Comme, ils ignorent les raisons d’un vœu national, je dis clairement que nous n’avons pas besoin d’une fausse réconciliation. Ma ferme conviction est qu’une réconciliation factice est plus dangereuse que l’absence de réconciliation. La politisation de la réconciliation est un crime contre le peuple de Guinée, nous n’accepterons pas la fausse réconciliation.
J’appelle à ce que la lumière soit faite au sujet de l’assassinat des jeunes lors des récentes manifestations et que la rigueur de la loi soit appliquée à tous. Que les auteurs des crimes d’assassinats soient punis et que ceux qui, dans l’exercice de leur droit à la manifestation pacifique ont enfreints la loi et entravés l’exercice des libertés individuelles subissent aussi la rigueur de la loi
Oui, on peut sortir de là, de ce bourbier ! La condition est de mettre la Guinée au-dessus de nos desseins personnels. Que le dialogue, le vrai se tienne, pour que les Guinéens parlent enfin des autres vraies questions, plus pertinentes, discutent des programmes politiques, évaluent les alternatives et effectuent leur choix d’avenir. Oui aux vraies questions et non à la diversion !
Ibrahima SANOH, Citoyen guinéen