Censure

Après les réserves émises sur sa candidature par la FIDH : La réplique de l’avocat de Moussa Dadis Camara

Me Jean Baptiste Jocamey, avocat  du président du parti Forces patriotiques pour la démocratie et le  développement (FPDD), a choisi votre semainier pour  répondre aux 29 ONG de défense des droits humains dont la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH)  qui, dans un communiqué publié récemment, intitulé Guinée : Le temps de la justice ? Dans lequel, elles indiquent que « la candidature de Moussa Dadis Camara ne doit pas être un frein à la justice ni à la tenue d’une élection présidentielle », rappellent que Dadis devrait rendre des comptes devant la justice guinéenne sur « son implication présumée dans le massacre du 28 septembre 2009. » Lisez…

C’est  avec étonnement que j’ai pris connaissance du rapport intitulé ˝ Guinée : le temps de la justice˝ publié le 20 mai 2015 par des organisations se disant de défense des droits de l’homme dont notamment la Fédération Internationale de Ligue des Droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l’Homme (OGDH).

Selon ce rapport, « Le retour de Moussa Dadis CAMARA dans le jeu politique est une insulte faite aux victimes du 28 septembre 2009 et au peuple guinéen dans son ensemble. C’est devant la justice guinéenne qu’il devrait se présenter et non à l’élection présidentielle. Lorsqu’il était au pouvoir, monsieur Moussa Dadis CAMARA a violé chacun des 10 engagements pour les droits humains et une élection présidentielle apaisée, que nos organisations demandent aujourd’hui aux candidats d’endosser pour faire de la présidentielle de 2015, un moment de démocratie sans violence » et « Moussa Dadis CAMARA a déjà été entendu, depuis le Burkina Fasso en qualité de témoin et qu’il est aujourd’hui sous le coup d’une demande d’inculpation émanent de la justice guinéenne. Dans ce contexte, il est tout simplement impensable qu’il songe à revenir sur la scène politique guinéenne. Ce que nous attendons désormais, c’est qu’il soit formellement mis en cause par la justice, et qu’il réponde de ses actes devant un jury populaire aux côtés des 13 autres personnes déjà mise en cause dans l’affaire du 28 septembre 2009 ».

Ce rapport taillé sur mesure a été publié par leurs auteurs uniquement dans le dessin de porter atteinte à l’honneur et à la considération de mon client, le Président Dadis, aux yeux de l’opinion nationale et internationale. Et plus grave, il viole les lois de la République, notamment celles relatives à la présomption d’innocence, à l’indépendance des magistrats et au secret de l’instruction.

C’est pourquoi, en son nom et pour son compte, je me permets d’écrire ce que dessous pour réagir à ce rapport qui est tout sauf relevant du domaine d’intervention d’une organisation de défense des droits de l’homme. Mais plutôt un rapport politique.

Je voudrais rappeler tout d’abord, qu’une ONG n’est pas un parti politique mais une entité de la société civile. Et en tant que telle, elle doit se caractériser par sa neutralité, son impartialité, sa transparence et son objectivité. Dès lors qu’une ONG s’écarte de ses principes directeurs qui fondent sa crédibilité, elle ne peut plus ni se servir, ni servir ses membres, ni servir ceux à qui elle s’adresse.

Particulièrement, une ONG de défense des droits de l’homme se doit de rester et demeurer cantonnée dans son rôle de défense des droits humains : celui de sensibiliser au respect des droits humains, d’aider à la recherche de la vérité, au triomphe du droit et au respect des règles qui gouvernent et conditionnent l’existence humaine. Dans le cadre d’une procédure judiciaire, son rôle est d’amener l’ensemble des acteurs de la justice au respect des lois, et seulement des lois, en usant de son crédit qui doit rester et demeurer la limite de son activisme. Elle doit agir ni plus ni moins pour que les droits de toutes les parties à un procès, sans distinction aucune, soit respectés.

Mais le rapport intitulé « Guinée : le temps de la justice » publié par la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), l’Organisation Guinéenne des Droits de l’Homme (OGDH) et autres ONG de défense des droits de l’homme est tout sauf un rapport émanent d’ONG de défense des droits l’homme.

Comme rappelé ci-dessus, il s’agit en réalité d’un rapport politique, taillé sur mesure pour salir l’image du Président Dadis, porter atteinte à son honneur, à sa considération et à sa réputation. Il s’agit aussi d’une violation flagrante et grave des lois de la République, notamment celles relatives à la présomption d’innocence, à l’indépendance de la magistrature et au secret professionnel.

  • De l’atteinte à l’honneur et à la considération de monsieur Moussa Dadis CAMARA

En déclarant que « le retour de Moussa Dadis CAMARA dans le jeu politique est une insulte faite aux victimes du 28 septembre 2009 et au peuple guinéen dans son ensemble », les ONG et leurs membres auteurs dudit rapport démontrent à suffisance leur haine et leur acharnement à l’égard d’un homme qui a un respect religieux pour les victimes du 28 septembre 2009 et dont il a toujours salué la mémoire devant laquelle il s’est toujours incliné pieusement.  Mais cet acharnement dénote le parti pris de leurs auteurs qui, dans leur rapport, ont confondu le champ d’application des ONG de défense des droits humains et celui politique.

Sinon comment expliquer que l’annonce de la candidature de monsieur Moussa Dadis CAMARA à l’élection présidentielle de 2015, question éminemment politique, soit qualifiée « d’insulte faite aux victimes du 28 septembre 2009 et au peuple de Guinée dans son ensemble » ?

La différence est énorme entre la politique et la justice et la question doit être posée autrement en ces termes : monsieur Moussa Dadis CAMARA réunit-il les conditions nécessaires pour être éligible à la magistrature suprême ?

La réponse est affirmative et consacrée par les lois guinéennes relatives aux conditions d’exercice des mandats électifs en République. Le Président Dadis réunit favorablement toutes ces conditions et rien ne peut donc l’empêcher d’être candidat à une élection présidentielle en République de Guinée. A toutes autres élections d’ailleurs.

Aucun obstacle et amalgame possible en droit !

Il ne s’agit nullement donc ni d’une insulte aux victimes des évènements du 28 septembre 2009 ni d’une insulte au peuple de Guinée dans son ensemble.  Il s’agit tout simplement de l’exercice et de la jouissance d’un droit politique conféré par les lois de la République à tout guinéen majeur, non interdit et jouissant de l’ensemble de ses droits civils, civiques, de famille et politiques.

Toutes autres connotations ou interprétations données à l’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle, notamment celle déjà donnée par la FIDH, l’OGDH et compagnies, est tout simplement une atteinte à son honneur.

Et comme l’honneur est une valeur sociale protégée par notre droit pénal, le Président Dadis se réserve le droit, en temps opportun, de déposer plainte auprès des autorités judiciaires compétentes contre les auteurs de telles atteintes.

  • De la violation flagrante et grave des lois de la République, notamment celles relatives à la présomption d’innocence, à l’indépendance de la magistrature et à la violation du secret de l’instruction

Tout d’abord, le rapport intitulé «  Guinée : le temps de la justice » viole les règles relatives à la présomption d’innocence.

Je fais remarquer que le Président Dadis n’a jamais été mis en cause par les magistrats instructeurs en charge de l’affaire du 28 septembre 2009 car ayant été entendu en qualité de témoin le 28 février 2014 à la suite d’une commission rogatoire internationale ordonnée par eux et exécutée par leurs homologues burkinabés. Donc aucune charge ne lui a jamais été signifiée ni retenue contre lui.

Ceci dit, en tant que témoin, il avait répondu aux magistrats instructeurs en charge de l’exécution de ladite commission rogatoire internationale en leur expliquant ce qu’il sait des circonstances de la commission et de la perpétration des infractions commises le 28 septembre 2009 au stade du même nom. Ces déclarations qui relèvent du secret de l’instruction sont depuis à la disposition et à l’examen des magistrats instructeurs guinéens, seuls et uniquement seuls ayant compétence de déterminer en toute souveraineté et en toute indépendance la suite à réserver.

Par ailleurs, même si le Président Dadis venait à être mis en cause par une éventuelle inculpation, celle-ci ne signifie pas culpabilité. Dans ce cas comme en l’état actuel, il bénéficie de la présomption d’innocence, principe universel de droit consacré par les instruments juridiques internationaux ratifiés par la République de Guinée et partie intégrante de notre droit positif et par la constitution guinéenne, lois fondatrice de la République, en son article 9 alinéa 3 qui dispose que :

« Toute personne accusée d’un acte délictueux  est présumée innocente  jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’une procédure conforme à la loi».

La FIDH, l’OGDH et compagnies en déclarant à propos du Président Dadis que « c’est devant la justice guinéenne qu’il devrait se présenter et non à l’élection présidentielle », violent ce principe sacrosaint de droit, du reste universel, qui est la présomption d’innocence.

En effet, il appartient à la justice guinéenne de décider de la présentation ou non à elle du Président Dadis. Pas au président Dadis de prendre une telle décision. D’ailleurs, il a été déjà entendu par la justice guinéenne et je réitère qu’il a été toujours à la disposition de la Justice guinéenne,  reste à la disposition de la Justice de son pays et le restera pour toujours tant que nécessaire.

Mais il n’appartient pas à des activistes des droits humains d’organiser le calendrier des magistrats professionnels qui savent et maîtrisent leur travail.

Ce comportement de ces ONG de défense des droits de l’homme est non seulement un mépris à l’endroit du Président Dadis mais aussi un autre à l’endroit de la Justice guinéenne.

Sinon comment des activistes des droits humains, de surcroit ayant plusieurs années d’activisme, peuvent penser un seul instant que pour avoir été chef de l’Etat à l’époque où se sont produits les évènements malheureux et regrettables du 28 septembre 2009, le Président Dadis est déjà pour eux le responsable de ce qui c’est passé?

Comment insinuer la violation par lui au moment où il était au pouvoir (du 23 décembre 2008 au 15 janvier 2010) de prétendus dix (10) engagements pour les droits humains et une élection présidentielle apaisée « concoctés » le 20 mai 2015, soit plus de cinq (5) ans après ?

Voilà les raisons pour lesquelles la FIDH, l’OGDH et compagnies, dans leur quête biaisée d’un coupable et non du coupable,  démontrent à suffisance la légèreté et le très peu de sérieux qui caractérisent l’exercice par elles de leur mission, mission pourtant noble.

Le respect du principe de la présomption d’innocence s’impose à tous sans distinction aucune. Sa violation, sous d’autres cieux, est passible de sanction pénale pour atteinte à la présomption d’innocence.

Ensuite, il faut rappeler que l’article 109 de la Constitution consacre l’indépendance des magistrats quand il dispose que : « Les magistrats ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles dans les conditions déterminées par la loi. Les magistrats du siège, du parquet et de l’administration centrale de la justice sont nommés et affectés par le Président de la République, sur proposition du Ministre de la Justice, après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. Toute nomination ou affectation de magistrats sans l’avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature est nulle et de nul effet. »

La FIDH, l’OGDH et compagnie, en déclarant à propos du Président Dadis que « ce que nous attendons désormais, c’est qu’il soit formellement mis  en cause par la justice, et qu’il réponde de ses actes devant un jury populaire aux côtés des 13 autres personnes déjà mises en cause dans l’affaire du 28 septembre 2009 », portent atteinte à l’indépendance des magistrats instructeurs qui doivent prendre des décisions, non pour satisfaire les attentes d’une quelconque personne, mais en toute souveraineté et en toute indépendance.

Je rappelle que le juge d’instruction est saisi in rem, il ne l’est pas in personae. Autrement dit, il peut étendre son information à toute personne dont le nom ne figure pas sur le réquisitoire à fin d’informer du Procureur de la République que le saisit chaque fois qu’il estime que cette personne est à même de lui apporter des informations utiles à la manifestation de la vérité ou qu’il existe contre elle des indices graves et concordants d’avoir participé directement ou indirectement en tant que auteur, co-auteur ou complice à la perpétration ou commission d’une infraction. Dans ce cas, il peut décider de l’inculpation. Mais il le fait en toute indépendance et en toute souveraineté. Pas à la demande d’une tierce personne ou pour répondre à des attentes d’un tiers.

Ainsi, toute situation extérieure de nature à influencer le juge dans la prise de sa décision est une situation qui porte atteinte à l’indépendance du magistrat.

Qui sont donc la FIDH, l’OGDH et compagnies pour demander à la justice guinéenne la mise en cause du Président Dadis ? Ceci n’est pas leur travail !

Qui sont-elles pour dicter la marche à suivre à la Justice guinéenne ? Ceci n’est non plus pas leur travail.

Enfin, lorsque le fameux rapport du 20 mai 2015 indique « il (Moussa Dadis CAMARA) est aujourd’hui sous le coup d’une demande d’inculpation émanent de la justice guinéenne », ceci reste et demeure une violation du secret de l’instruction.

Mais je rappelle que la justice guinéenne n’a pas à faire une quelconque demande d’inculpation. C’est elle qui inculpe. C’est elle qui est saisie et il lui appartient à elle seule de poser des actes d’instruction nécessaire à la manifestation de la vérité et au triomphe du droit.

Néanmoins, je m’interroge qu’en même sur la véracité d’une telle information étant entendu que la décision d’inculpation qui émane des magistrats instructeurs doit être prise dans le secret, en toute indépendance et en toute souverainement.

Ou bien c’est un mensonge grossier ou bien la FIDH, l’OGDH et compagnies sont allées au-delà de leur mission de défenseur des droits de l’homme pour entrer dans le secret de l’instruction et le violer.

Quoi qu’il en soit, chacun est appelé à prendre ses responsabilités.

Maître Jean Baptiste Jocamey Haba

Avocat à la Cour

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