Le journaliste Cheikh Yerim Seck aime attirer les regards. Après la publication de son article du 9 juin où les références et les préjugés ethniques frisent l’hérésie, le voilà qui revient à la charge – sans doute échaudé par le flot de réactions négatives – pour se livrer à des justifications aussi paresseuses que pathétiques. Bien entendu, et comme il fallait s’y attendre de sa part, il plonge à poils dans un grand bouquet de fleurs et demande qu’on lui prépare une belle mousse pour se donner de la consistance. Morceaux choisis : « Jamais, dans l’histoire quadri-annuelle de dakaractu, et celle, aujourd’hui vieille de cinq jours de conakryactu, je n’ai écrit un article qui ait eu un tel retentissement. Jamais, sous ma signature, un article n’a enregistré un tel nombre de connexions et de commentaires ». Quoique de telles déclarations soient impossibles à vérifier, on voit bien là que la vanité n’étrangle pas tout le monde. Qu’importe !
Lisez notre « star » de la semaine : « En Guinée, je viens de découvrir que les gens se parlent sans s’écouter. Sans doute parce que je n’écris pas suffisamment bien, m’ont été imputés avec une extrême véhémence les clichés que j’ai évoqués pour les fustiger. La passion a atteint des proportions telles que le débat dérape par des raccourcis et des amalgames ». Quel culot !
Y a-t-il raccourci plus dangereux que de faire mine de décréter un « problème Peul », de désigner, avec une désinvolture déconcertante, parmi la quinzaine d’ethnies de la nation guinéenne en construction, la composante la « plus instruite », celle qui toujours selon Yerim serait perçue comme « prompts à trahir, foncièrement communautaristes et portés sur le népotisme », inventer de toutes pièces un sentiment de colonisé chez les Malinkés, les Soussous et les Forestiers, sans aucune étude préalable, sans la moindre once de preuve ? Que fait-on des autres minorités (Bagas, Nalous, Diakhankés, Toma, Guerzés, bassari, etc… et la liste est longue !) ? Est-ce à dire que tous ceux là agissent sans réfléchir, comme des moutons de panurge, pour satisfaire les desseins de politiciens immoraux qui trouvent un intérêt évident dans la division des Guinéens ? Le drame dans le raisonnement de Yerim, plus proche de la tragi-comédie que d’une réalité qu’il a visiblement du mal à comprendre, c’est que tout cela est fait non pas pour susciter un pseudo-débat qui nous détourne de la vérité mais dans un but bassement mercantiliste.
Et notre donneur de leçons n’est pas au bout de sa démonstration : « Mais certains Guinéens nient l’évidence. Et refusent qu’on nomme les choses. Conakryactu refuse d’être complice d’une connivence au détriment de la vérité ». Ah bon ? Nous mettons au défi Cheikh Yerim Seck d’écrire un article au Sénégal en soulignant en gras « le toucouleur Macky Sall, le wolof Abdoulaye Wade, le diakhanké Amath Dansoko, le lébou Mamadou Diop, le bijoutier Ousmane Tanor Dieng ou le griot Cheikh Yerim Seck (tant qu’à faire puisqu’il faut dire la vérité !) », sans provoquer un tollé général. Le jour où Yerim s’aventurera à coller, avec la frénésie dont il fait preuve en Guinée, une ethnie aux grands Guides religieux (on ne parle pas des sous-fifres mais de Cheikh Amadou Bamba, El Hadj Malick Sy, Seydou Nourou Tall, Limamou Laye, etc ou encore Serigne Moctar Mbacké ou Cheikh Ahmed Tidiane Sy !) qui font et défont le destin des hommes politiques sénégalais, ou de dénoncer le système imposé de fait par ces religieux intouchables, il ne mettra les pieds au Sénégal que pour se présenter au tribunal. S’il est si attaché à la « vérité » pourquoi ne pas s’y essayer ?
« Je suis d’autant plus placé pour faire ce constat que ma posture de journaliste étranger me donne un privilège inouï: on me parle des questions sensibles en Guinée sans prendre de gants, convaincu qu’il s’agit d’enjeux qui ne me concernent pas et en face desquels je ne peux être que neutre. » Comme c’est touchant ! En ce qui nous concerne, l’expérience qu’on a de Yerim et de son goût immodéré de certaines pratiques qu’il n’est pas besoin de citer ici, ne nous mettent pas du tout en confiance.
Pour l’anecdote, feu Mohamed Ghussein, directeur de la communication du ministère des finances, sous Lansana Kouyaté à l’époque Premier ministre de Guinée et Ousmane Doré, ministre de l’économie et des finances, avait montré à un journaliste d’une grande agence de presse internationale, à l’intégrité irréprochable, une facture de 600000 euros dont le paiement était réclamé avec insistance par un confrère de Jeune Afrique qui se reconnaitra entre ces lignes. La facture qui portait une simple signature du bonhomme de JA, se présentait sans papier entête et Ghussein, embarrassé, s’était épanché auprès de son ami en qui il avait le plus confiance dans ce domaine. Le journaliste de la presse internationale s’en était offusqué et conseillé à Ghussein de demander au ministre des finances de ne pas payer cette facture qui ne reposait sur absolument rien de sérieux. Un échange d’emails aigres doux s’en était suivi entre le journaliste de Jeune Afrique et Ghussein, en présence du confrère de la presse internationale qui peut témoigner de ce fait incontestable.
Pour revenir à nos oignons, ce qui est en cause quand on veut discuter de certaines questions sensibles comme l’ethnie ou la religion (exemple : affaire Charlie Hebdo), c’est la responsabilité du journaliste. Nous ne pouvons pas, sous n’importe quel prétexte, descendre dans la gadoue ou balancer une boule puante dans le but inavouable de se faire de la publicité, surtout quand on avance des arguments qui ne pèsent pas plus lourd que le duvet d’un canard.
« Remuer la plume dans la plaie » était aussi, à quelques nuances près, le crédo des défenseurs de l’Allemagne nazi ou des marchands d’esclaves qui théorisaient tout cela dans leurs propres publications. Mais il y a une nette différence entre l’information et la propagande.
L’un de nos devoirs est d’aider au renforcement de la cohésion nationale en ne commettant pas le crime de donner du crédit aux potins de Monsieur tout-le-monde qui, conscient qu’il ne manipule pas un médium de masse, a la liberté de penser et de dire ce qu’il veut en fonction de son niveau de compréhension des choses.
Seulement, nous journalistes, nous n’avons pas le droit, par nécessité ou par cupidité, par avidité ou par ambition, de tenter de nous substituer à l’information, la vraie, celle qui peut aider au renforcement de la cohésion nationale. Toutes les fins, pour ainsi dire, ne sauraient justifier tous les moyens.
Babou Camara