Député et membre de l’alliance républicaine, président de la commission de l’Information et des télécommunications à l’Assemblée Nationale, Alpha Ibrahima Sila Bah, s’est exprimé sur la situation sociopolitique du pays, la gestion d’Alpha Condé et d’une récente des parlementaires qui s’est déroulée à Washington à laquelle il avait pris part, dans cet entretien qu’il a accordé à notre reporter….
Quelle lecture faites- vous de la situation sociopolitique actuelle de la Guinée ?
Elhadj Alpha Ibrahima Sila BAH : La situation sociopolitique actuelle de la Guinée est très difficile et je suis très inquiet de l’avenir du pays, parce que le pays s’enfonce de jour en jour dans la division ethnique maintenue par le pouvoir en place. Cette division est un virus comparable à Ebola. Les politiciens peuvent s’en servir pour faire leur campagne. Je pense qu’il devrait y avoir un sursaut national pour lutter contre cette division ethnique.
Aujourd’hui on parle du dialogue mais de quel dialogue parle-t-on ? Il s’agit de partir encore dans un contexte ou le pouvoir en place a posé tous les jalons pour aboutir à une fraude massive pour la réélection d’Alpha Condé et perpétuer le régime de division qu’il a instauré en Guinée. Donc s’il faut partir dans un tel dialogue ce n’est possible. Quand toutes les institutions sont inféodées au pouvoir, par rapport à la constitution que nous avons aujourd’hui, le président de la République détient tous les pouvoirs avec l’absence de débats pour le futur du pays, je crois qu’on est rentré dans un processus extrêmement grave et pour sortir de cette crise, il nous semble que le dialogue ne devrait pas être simplement pour aller aux élections mais aussi faire un dialogue sur le devenir de la Guinée. Donc il faut un débat d’idées sur la société guinéenne, de ce qu’elle va devenir demain. Comment la sortir de ses maux sous le régime Alpha Condé et avoir une Guinée apaisée où tous ses fils et filles puissent se reconnaître dans leur pays. Donc nous devons avoir une sorte d’états généraux pour regarder de près la constitution guinéenne, analyser ses faiblesses et diminuer les pouvoirs du président de la République et équilibrer les pouvoirs. Ensuite, il faut qu’on regarde le code électoral tout ce qui entraine les divisions. Il faut le sortir dans les textes de lois et que quelqu’un qui prétend diriger ce pays soit reconnu comme une personnalité qui a l’ouverture d’esprit nécessaire pour diriger le pays, une personne impartiale. Il faut que toutes les nominations aux postes clés de ce pays soient l’objet d’une discussion préalable. Il ne faut pas seulement qu’un président, lui seul prenne des dispositions et nomme des gens sans contestation et comme il le voudra. La constitution guinéenne a des insuffisances notoires parce dans un pays multiethnique comme la Guinée avec une diversité régionale, on ne peut pas donner tous les pouvoirs à un président de la République. Donc, je propose que ces textes de lois soient mis à plat. Pour organiser une conférence nationale pour revoir tous les textes qui nous amènent aujourd’hui vers la division. Et les textes du pouvoir absolu du président doivent être revus pour qu’au niveau des collectivités que les préfets, maires, gouverneurs soient élus et non les représentants du Gouvernement. A la suite de cette révision de textes de lois, nous allons sortir une charte sur la base de laquelle il faut organiser des élections futures et c’est sur cela que le dialogue doit être orienté au lieu d’aller à un dialogue dans lequel les résultats sont connus au préalable. Toutes les institutions du pays comme la HAC sont inféodées à Alpha Condé malheureusement mais on ne peut pas continuer dans ce sens. Il faut vraiment que ce pays prenne conscience.
Quelle est votre avis sur l’effritement des relations entre Cellou et Sidya ?
Ce sont des problèmes de parcours qui arrivent de temps en temps mais qui peuvent se régler. Nous perdons notre temps à personnaliser des problèmes moins importants que les égos d’une personne. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est l’avenir de la Guinée qui est mis en jeu. Il ne s’agit pas de Sidya ni de Cellou, il s’agit de la Guinée, de sa jeunesse plongée dans le chômage, il y a le manque d’éducation, de santé. Il faut plutôt parler des problèmes essentiels de la Guinée pour le bien-être du peuple. Ce sont des manœuvres du pouvoir pour diviser l’opposition mais cela ne marchera pas.
Comment jugez-vous les tournées d’Alpha Condé et ses ministres à l’intérieur du pays ?
Alpha Condé et ses ministres sont en campagne électorale depuis qu’ils sont au pouvoir. Ils ont entrepris leur campagne en violant la loi et aucune institution ne dénonce cela. Ce qui explique que toutes les institutions sont inféodées à Alpha. Et, ce n’est pas l’opposition seulement, et la société civile, la jeunesse, le syndicat, bref tout le peuple doit savoir que nous sommes à un tournant décisif de jeter les bases du développement de la Guinée future et pour cela, toutes ces mauvaises habitudes acquises depuis des années ou le président est considéré comme étant Dieu ou le père de la Nation, qui pense que les budgets de l’Etat c’est son affaire personnelle à lui, en distribuant de l’argent de gauche à droite en dehors de ce qui est voté par la loi. Donc tout ceci est un cafouillage inexplicable et inacceptable pour les Guinéens. J’ai honte de voir ce que la Guinée devient aujourd’hui compte tenu de ce que les cadres guinéens ont pu démontrer leur capacité en dehors de la Guinée, dans les pays où ils ont servi et dans les institutions internationales mais en Guinée nous sommes dans cette muraille qui a été tissée depuis plus de 50 ans où les gens se satisfont du médiocre où les gens ne pensent qu’à eux-mêmes à la place de l’intérêt général.
Vous étiez hors de la Guinée durant les semaines passées. C’était dans quel cadre ?
La réunion du printemps de la banque mondiale et du Fonds monétaire s’est tenue à Washington au mois d’avril et cette rencontre a été aussi une occasion d’une conférence globale qui a réuni tous les parlementaires du monde avec plus de 1500 parlementaires émanant de plus de 140 pays, qui ont participé à cette conférence. C’était donc l’occasion des parlementaires du monde de se rapprocher des institutions de développement comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire et toutes les autres institutions internationales qui participent aux réunions du Printemps pour que les députés puissent parler directement aux instances sur le développement, sur l’efficacité de l’aide qu’ils apportent à nos pays et la perception des députés par rapport au travail de ces institutions. Donc c’était une occasion vraiment unique surtout cette année pour aussi parler des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Pour faire des échanges sur le post-OMD, faire le point sur les acquis, les faiblesses et projeter de futures perspectives ou le chômage et les questions climatiques en feront débat qui sont devenues aujourd’hui une préoccupation mondiale sur laquelle, il faut prendre des mesures immédiates. Et la Guinée a failli rater cette grande rencontre à laquelle nous avons été invités. Mais le président de l’Assemblée nationale Claude Kory Kondiano n’a pas voulu qu’on réponde à cette invitation, en refusant un quelconque financement pour cette mission. Je suis parti sur mes propres fonds pour aller participer à cette conférence si importante.
Interview réalisée par Alsény Fadiga In L’Indépendant