L’alliance UFDG-FPDD, si l’on s’en tient aux réactions suscitées tous azimuts, constitue l’évènement politique de la fin du second trimestre 2015 en Guinée, dans un contexte où l’agenda politique reste traditionnellement dicté par Alpha Condé faisant et défaisant l’actualité au gré de la configuration des rapports de force existants.
Les réactions enregistrées, particulièrement passionnées, ont eu jusqu’ici pour fondement la dimension morale d’une telle alliance. Le pouvoir en place et ses acolytes, soudainement épris de justice, se sont érigés en gardiens du temple de la morale, trahissant ainsi une incapacité manifeste à résoudre leurs propres contradictions. Comment expliquer qu’aucune enquête sérieuse n’ait été diligentée pour rendre compte de la situation de la soixantaine de manifestants UFDG ayant perdu la vie lors des dernières législatives ? A la longue liste de martyrs déjà enregistrée, viennent s’ajouter les victimes des manifestations pacifiques d’avril 2015 ainsi que celles des assassinats ciblés, en toute méconnaissance de l’obligation constitutionnelle résultant pour l’Etat de respecter et protéger la personne humaine.
Dans une société où le droit et la justice n’ont plus cours, il convient de privilégier une lecture rationnelle et pragmatique de la situation, plutôt qu’exclusivement morale et émotionnelle. En effet, la meilleure réponse qui puisse être apportée aux maux qui gangrènent la société guinéenne réside dans une véritable alternance politique. Il est temps que les sacrifices consentis par nos compatriotes, hommes et femmes qui ont payé de leurs vies pour l’édification d’un état de droit et de démocratie en Guinée, portent leurs fruits, et qu’ils soient récoltés par tous les guinéens. Seul un cadre politique apaisé, inclusif et soucieux des droits et libertés fondamentales peut laisser émerger de réelles garanties de justice, et satisfaire ainsi aux exigences de vérité des victimes et leurs familles respectives.
Rien ne remplacera les personnes tombées sous les balles des répressions sanglantes menées durant ces dernières années, ou irréversiblement touchées dans leur intégrité physique et psychique. Si le chemin de la réconciliation passe nécessairement par le pardon, encore faudrait-il que les victimes et leurs familles sachent ce qu’elles sont appelées à pardonner et à qui. D’où l’impérieuse nécessité de la reconnaissance des crimes commis et de leur condamnation en justice pour rompre avec la culture d’impunité qui caractérise tant notre société.
Dans une dynamique de lutte pour le pouvoir où s’invitent régulièrement des considérations d’opportunités, ce n’est pas tant l’alliance UFDG-FPDD en elle-même qui est immorale que le fait de la faire passer pour un renoncement aux désirs légitimes de justice que les guinéens appellent de leurs vœux. Il n’y a, en effet, pas de conflit entre la soif légitime de justice et les aspirations de changement de régime dont cette alliance est le nom, dans la mesure où le second constituera le cadre de réalisation de la première en soutenant fermement l’état de droit et la démocratie dans notre pays. L’alternance politique se pose ainsi comme l’ultime recours à intenter au risque de manquer notre rendez-vous avec l’histoire.
Nadia Nahman
Secrétaire générale UFDG-Section Strasbourg (France)