L’un des champions de lutte contre la pauvreté, le récipiendaire du Nobel d’économie en 2015, Angus Deaton, dans un article « Weak States, poor countries » publié en 2013 et republié le 12 septembre 2015 chez « Project Syndicate » mettait l’accent sur un point très négligé par les dirigeants politiques des pays en développement . C’est bien la mise en place des gouvernements efficaces dans les pays en voie de développement.
Partout où les créations des richesses furent réussies , les gouvernements jouèrent des rôles importants à travers : l’amélioration de l’efficacité de la règle de droit , la mise en place des bonnes pratiques de protection des droits de propriétés , l’amélioration du climat des affaires en vue de l’attraction des flux d’investissement étrangers importants , la bonne définition des politiques éducatives , sociales , industrielles , économiques et la mise en place des institutions appropriées et efficaces . Elever le niveau de vie des populations d’un pays passe par la mise en place d’un gouvernement efficace. Le gouvernement de copains crée la misère et la perdure. Celui des compétences crée les richesses, favorise l’élévation des niveaux de vie.
Le président Alpha Condé est réélu pour un second mandat de cinq années. Il a réussi son pari de passer dès le premier tour avec une majorité confortable. Il se doit d’être reconnaissant à ses électeurs et à son peuple dans sa globalité. Le plus important est qu’il réussisse à laisser aux prochains dirigeants des héritages solides et des réalisations. L’économie guinéenne se trouve à un niveau très mal, elle est en récession. Les chocs exogènes dus à Ebola sont pour quelque chose.
Je ne veux pas trop m’étaler sur son bilan, je l’ai déjà établi. Dans l’analyse de celui-là, il a été dit que l’une de ses faiblesses, sinon sa plus grande faiblesse au cours de son premier quinquennat, fut d’avoir constitué un gouvernement pléthorique qui ressemblait plus à un groupe qu’à une équipe. En vérité, il était un tonneau des danaïdes.
Je n’ai pas été un supporteur d’Alpha Condé, je ne suis pas celui d’un politique guinéen. Je suis du côté des idées et je ne supporte pas un homme. Je suis un libre serviteur de la vérité et celle-là n’a pas de camp, elle n’est ni de gauche ni de droite. Par ailleurs, je suis du côté du peuple guinéen et tout ce dont je cherche n’est que son bien. La personne la mieux placée pour sortir ce pays du bourbier est le président. C’est une lapalissade que de dire qu’il a le pouvoir de décision et l’obligation morale de se décider pour le bien de son peuple.
Je suggère au président Alpha Condé de ne pas répéter quelques erreurs du passé et de constituer pour le salut du peuple de Guinée, un gouvernement qui doit être une équipe et non un groupe. Je comprends très bien qu’il lui était difficile de se libérer de certaines considérations électoralistes et d’autres contraintes au cours de son premier quinquennat. Il est libre, en théorie, je le crois.
Le président Alpha Condé doit donc :
- Veiller à une bonne description des postes ministériels pour éviter la collusion des pouvoirs et l’enchevêtrement des compétences. La bonne description des postes permettra de favoriser la synergie des compétences. Les réalisations et performances individuelles ne sont pas celles collectives. Dans une équipe, les performances globales doivent triompher des individualités.
- Veiller à la constitution d’un gouvernement de taille moyenne. L’idée qui consiste à croire qu’il faut un gros gouvernement pour résoudre les myriades de nos maux est une illusion. Cette idée ignore le paradoxe de la structure qui stipule que plus la taille d’une équipe est modérée autant la synergie des compétences est facile à réaliser .
- Veiller à sélectionner les meilleures compétences de partout, du parti victorieux et de son alliance, tout en promouvant l’ouverture. Il faut chercher les compétences dans la diaspora, elle s’y trouve aussi. Le compromis politique ne doit pas triompher des compétences. Les compétences doivent triompher du sens de l’Etat et de l’engagement politique des cadres à nommer. L’idée de la quête de la compétence relative qui consiste à nommer des alliés, copains, compétents, mais médiocres par rapport à d’autres d’ailleurs, doit prendre fin. Je comprends qu’il est plus facile de travailler avec des gens partageant le même sens de l’Etat que d’autres ne le partageant pas. Mais ceux-là qui partagent le même sens de l’Etat peuvent se trouver ailleurs dans la diaspora, il faut aller les chercher.
- Rompre avec le modèle de superpuissance et de primauté du ministère de l’économie et des finances. Il nous faut un modèle de gouvernement pro-growth et ce dernier doit avoir des leviers de succès qui sont des départements stratégiques suivants : le ministère de l’économie , l’éducation , la santé , la justice , l’agriculture , l’industrie , des mines , le tourisme, le commerce , le tourisme , la culture . Tout département ministériel est stratégique, il faut donc promouvoir les compétences à la tête de chaque ministère.
- Mettre en place un modèle d’évaluation des performances de chacun des ministères et surtout de promotion des performances globales. Au lieu d’atteindre des échéances lointaines pour juger des réalisations de chacun des ministères, il serait sage de le faire à des échéances régulières de quelques mois en vue d’améliorer les performances du gouvernement. Le gouvernement devra communiquer son calendrier d’intervention au peuple et ses réalisations en toute transparence et sincérité.
Si le président Alpha Condé veut léguer à la Guinée un fort héritage, il a intérêt à mettre en place un gouvernement de compétence et non de récompense. S’il doit récompenser quelqu’un, ce serait bien le peuple de Guinée. La substitution de priorité, il doit s’en passer. L’avantage comparatif qu’il disposera par rapport à ses homologues africains sera son gouvernement et l’efficacité de celui-là.
La création de la richesse passera par la mise en place d’un gouvernement à même résoudre les deux problèmes majeurs de notre pays : la croissance économique et la réconciliation nationale. Pour réussir la réconciliation nationale et le défi de création des richesses, il faudra un gouvernement de compétence et non d’union nationale. Ce sont les compétences qui permettront la définition des stratégies de croissance économique et de réconciliation. Le gouvernement d’union nationale n’est qu’un mirage car il donne l’illusion de cohésion nationale et diffère les problèmes au lieu de les régler.
Différer les problèmes est le choix qu’opèrent les dirigeants velléitaires. Avoir le courage d’attaquer les maux dans leurs racines pour libérer les énergies du peuple et améliorer son bien-être, est le choix des dirigeants avertis et courageux. Le président Alpha Condé doit avoir le grand courage de constituer un gouvernement du salut national.
Ibrahima Sanoh
Citoyen guinéen.