Censure

Volonté d’ouverture ou simples calculs politiques ?

Le président Alpha Condé qui vient de se succéder à lui-même en remportant le scrutin du 11 octobre avec 57,84%, a entrepris une série de rencontres avec les candidats malheureux de cette élection, dont trois ont déjà été reçus au palais sekhoutouréa. S’agit-il là d’une réelle volonté d’ouverture politique dans la perspective de la mise en place d’un gouvernement de consensus ou d’une simple démarche destinée à phagocyter l’opposition ? La question mérite d’être posée, quand on sait que derrière tous les faits et gestes  du chef de l’Etat, on perçoit l’ombre de calculs politiques.

L’audience accordée au président de l’Union des forces républicaines, Sydia Touré, le lendemain de la proclamation des résultats provisoires par la Commission électorale indépendante, par le président Alpha Condé, qui venait d’être déclaré vainqueur du vote, n’était finalement que le début d’une initiative visant à échanger avec les 7 candidats adversaires qui ont affronté le candidat sortant lors de cette élection présidentielle. C’est le moins qu’on puisse écrire, vu que deux autres leaders politiques ont été  reçus le lundi dernier au palais Sékhoutoureya, où ils ont pu avoir un entretien avec le chef de l’Etat. Il s’agit de  Marie Madeleine Dioubaté, du PEG et de  Georges Gandhi Faraguet Tounkara, de l’UGDD.

Au sortir de cette rencontre, les deux invités ont donné leurs impressions à la presse. Et on percevait aisément la satisfaction qui se lisait sur les visages, d’avoir bénéficié de l’attention du président, à travers cette invitation. L’entretien entre   Marie Madeleine Dioubaté et Alpha Condé aura surtout porté sur le secteur de l’agriculture, et les défis à relever dans ce domaine. Comme elle le dira elle même en ces termes : « l’agriculture est, je crois,  sa première priorité. Le président veut s’impliquer dans l’agriculture. Il veut s’impliquer dans des projets de développement. Et je crois qu’aujourd’hui, c’est le développement du pays qui lui tient à cœur  »,  a-t-elle souligné.

Quant à Georges Gandhi  Faraguet Tounkara,  lui a eu un échange axé sur la réconciliation nationale. Passage obligé pour réussir un décollage économique, selon lui.

« Aujourd’hui, le plus important c’est que la Guinée se réconcilie avec elle-même. C’est que la Guinée se remette au travail du développement.  C’est que la Guinée se remette au travail de l’union, et que la Guinée se remette à l’unité, et qu’ensemble, sans exclusion, les filles et fils du pays puissent repartir vers un avenir meilleur », a souhaité le président de l’UGDD.

Avant de poursuivre en ces termes « c’est sur ces termes rassurants que nous quittons. Nous souhaitons bon vent au pays, dans l’entente, dans la cohésion sociale surtout. Concernant l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui confirme la victoire d’Alpha Condé, le leader de l’UGDD, n’y troue pas à redire. «  Nous sommes des républicains, nous ne pouvons que nous soumettre à la décision d’une institution républicaine», a-t-il lancé.

Dr Fodé Oussou Fofana, vice-président de l’UFDG, principal parti d’opposition, lui n’approuve pas la démarche du président, qui consiste à inviter les candidats malheureux à son palais, pour des échanges, destinés à s’accorder sur une sorte de  ‘’programme commun’’ de gouvernance. « Je pense que si on veut la réconciliation entre les Guinéens, ce n’est pas de cette façon. La réconciliation passe par la justice. Notre préoccupation ce n’est pas d’être reçus à Sékhoutoureya », a-t-il réagi, après la visite des deux candidats au palais.

Pour Fodé Oussou, « comment peut-on parler de réconciliation, pendant que nous avons nos militants qui sont injustement incarcérés ? Des gens ont perdu des biens, où était la justice ?, s’est-il interrogé. »

« Je pense que c’est une comédie politique, que de penser que c’est à travers ces rencontres qu’on pourrait réconcilier les Guinéens » a-t-il conclu.

Tout comme Fodé Oussou, certains observateurs ne croient pas trop en la volonté du président Condé de vouloir améliorer la gouvernance actuelle, en  débarrassant la Guinée de ces tares. Ils y voient plutôt un moyen de calmer les esprits, après sa victoire contestée par les autres candidats. Le président pourrait leur tendre la perche, en leur offrant des strapontins. Et une fois au gouvernement, ces gens n’auront nullement les coudées franches, si au niveau de la présidence de la république, la pléthore de conseillers existe. Ainsi que ces clans qui pèseraient sur les décisions du chef de l’Etat. Il s’agit notamment du tandem Kabinet Sylla dit Bill Gates et Dr Mohamed Diané, considérés comme des obstacles à l’amélioration de la gouvernance économique du pays.

La Guinée n’aurait donc pas intérêt à ce que sa classe politique parle d’une même voix, dans le seul but de se partager les ressources du pays, au grand dam des populations. Il faut une opposition forte, qui va jouer le rôle de contrepouvoir, en vue d’éviter des dérives, comme auxquelles on assiste depuis 2015…

Mamady Kéita/L’Indépendat

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