C’est une question qui n’est point exagérée ! Elle vaut tout son pesant d’or, eu égard ce à quoi on assiste en matière de passation des marchés de l’Etat en Guinée, depuis quelques moments.
Ceci, en dépit d’une volonté forte exprimée par le président Alpha Condé lui-même, de conférer la transparence, l’égalité et l’équité requises aux procédures et mécanismes de passation des commandes publiques, de manière à ne privilégier ni léser personne.
Les réformes institutionnelles initiées et opérées dans ce sens, sont la preuve la plus éloquente de cette volonté, de rompre avec le passé et d’instituer une nouvelle gouvernance dont le seul aboutissant est de permettre que les compétiteurs pour l’acquisition d’une commande publique, partent sur un pied d’égalité et traités de la même façon, sans un soupçon de favoritisme.
Mais ce double objectif visé par ces réformes, au rang desquelles, il faut ajouter l’adoption et la promulgation d’un nouveau code des marchés publics, entré en vigueur depuis septembre 2015, a du mal à être atteint, du fait des hommes et des pratiques, qui ont juré de résister et de casser tout élan réformateur. Sapant ainsi continûment les initiatives et efforts du président Condé.
Un cas de flagrant abus d’autorité, doublé d’un mensonge d’Etat, est là pour rappeler à nos esprits et surtout à celui du chef de l’Etat, combien le combat contre un système et les antivaleurs que celui-ci incarne, est loin d’être gagné.
Du cas des Ets Kalilou Baro…
Il s’agit d’une affaire qui fait du raffut dans la cité. Et provoque de vives tensions entre les trois institutions intervenant en matière de passation de marchés publics.
Les Ets Kalilou Baro, puisqu’il s’agit d’eux, c’est l’une des dix-neuf (19) entreprises qui ont soumissionné pour les deux lots de fournitures diverses, pour le compte de ministère de l’intérieur, suite à un appel d’offres, lancé officiellement le 03 Août dernier.
Elle est l’une des trois entreprises qui ont introduit un recours auprès de l’ARMP (Autorité de régulation des marchés publics), au terme de l’évaluation des offres, pour vices de procédures et violations du code des marchés publics.
On sait ce qui s’est passé par la suite. Après un examen minutieux de tous les dossiers afférents à cet appel d’offres et aux conditions d’ouverture des plis et d’évaluation des offres, l’ARMP, à travers son comité de règlement des différends et des sanctions (CRDS), est arrivée à la conclusion que voici :
-D’abord qu’il y a eu confusion dans la fixation de l’heure d’ouverture des plis par la commission d’évaluation, deux communiqués ayant été pris pour le même objet, mais annonçant des horaires différents ;
-Ensuite que malgré cette confusion, la commission d’évaluation, a reçu et évalué toutes les offres le 28 Août dernier, même celles qui seraient arrivées en retard, à cause justement de la confusion délibérément crée.
Par conséquent, dans une décision en date du 05 Novembre dernier, le comité de règlement des différends et sanctions de l’ARMP, a d’une part, annulé le rapport d’évaluation établi sans la prise en compte de tous les plis ouverts au moment de la séance d’ouverture et d’autre part, a enjoint sans délai à la directrice nationale des marchés publics, de mettre en place une nouvelle commission chargée d’évaluer toutes les offres, en réaffirmant au passage le principe selon lequel tous les plis ouverts devant être évalués.
De la mise en place d’une nouvelle commission et du refus de celle-ci d’évaluer toutes les offres
Effectivement, ces décisions de l’ARMP, étaient sur le point d’être observées hier lundi, quand on apprît qu’un ordre est venu d’en haut, pour dire à la directrice des marchés publics, de ne pas laisser sa nouvelle commission, évaluer toutes les offres, et donc d’écarter celles des entreprises qui ont saisi l’ARMP.
Face à ce constat, des questions fusent et méritent des réponses pour l’avenir même de nos réformes :
-Qui a intimé à la directrice des marchés publics de ne pas traiter toutes les offres, conformément à une décision de l’ARMP, qui s’impose à tous ?
-Au nom de quelle loi, celui ou ceux qui ont donné cet ordre à la DNMP, ont agi ? Quels sont ses ou leurs desseins ?
-Que voulons-nous faire de nos textes de loi et de nos institutions ?
Ce qui est grave, c’est le fait qu’on apprenne que des individus tapis dans l’ombre à Sékoutoureya, et ailleurs, notamment à l’ACGPMP, et dans les arcanes des finances, à l’origine de cette magouille, auraient affirmé agir au nom du chef de l’Etat, en déplacement à la Valette, en Malte.
Il est urgent que le président Alpha Condé, à qui le peuple de Guinée, vient de refaire confiance pour un second mandat de cinq ans, d’où qu’il soit, intervienne pour remettre de l’ordre dans cette affaire, afin que force reste à nos lois et à nos institutions, à moins qu’on ait décidé de marcher sur elles, de les fouler au pied et de les étouffer.
Demba Sidicki Diallo