Censure

Thierno Madjou Sow, selon Bah Oury (témoignage)

La funeste nouvelle vient de me parvenir : Dr Thierno Madjou SOW a rendu l’âme aujourd’hui (jeudi 12 novembre, NDLR) à Conakry. Sa disparition laissera un vide dans le paysage politique guinéen. Avec sa mort, c’est tout une époque de l’histoire de notre pays qui tire ainsi sa révérence.

Issu d’une famille aristocratique de Kébaly dans Dalaba , très jeune il opta pour la cause de l’émancipation des paysans du servage et rentra en dissidence avec les pratiques féodales qui prévalaient. Cet engagement humaniste se mua rapidement en une farouche volonté pour l’indépendance et la souveraineté nationale. Il fut avec beaucoup d’autres, ceux qui ont parcouru toutes les régions de Guinée pour  prêcher la cause de l’indépendance et de l’égalité en droit de tous les citoyens guinéens.

Cet engagement altruiste lui valut d’être pendant plus d’une décennie, éloigné du pays natal.  En pleine guerre froide, il fut des plus écoutés parmi les africains résidents dans le bloc soviétique. Son retour en Guinée dans les années 70 était assimilé à une résidence surveillée. Le PDG -RDA qu’il avait contribué à faire naître, n’était plus alors le parti qu’il avait rêvé pour la Guinée. Ce n’est qu’après la mort de Sékou TOURE en mars 1984, que Dr Thierno Madjou SOW reprit goût à l’action politique.

C’est en ce moment que je l’ai rencontré et apprécié. Jeune, connaissant mal la Guinée de cette époque, j’ai appris à connaître le pays et ses hommes en écoutant le vieux sage qu’était devenu Thierno Madjou SOW. Sa demeure à la Minière était le lieu où se rencontraient, se côtoyaient des intellectuels, des diplomates et des jeunes étudiants. Dans un environnement très modeste, des hommes et des femmes de toutes les générations se s’y sont croisés. C’est là que les idées devant faire naître d’abord dans la clandestinité, l’UFDG et par la suite l’Organisation des défenses des droits de l’homme (OGDH) ont vu le jour.

En effet, Dr    Thierno Madjou SOW, Samba TOURE, Ahmed Tidiane CISSE et moi-même ont été les signataires en 1989 du manifeste de l’OGDH au moment où la Guinée était dans un régime d’exception du CMRN du Général Lansana CONTE. Cet embryon d’organisation a servi de creuset où toutes les forces démocratiques en gestation se sont retrouvées. Les associations des victimes des exactions de juillet 1985 travaillaient en bonne intelligence avec celles des victimes du camp Boiro. Le pluralisme syndical (USTG, UGTG) était en balbutiement … Les mouvements des étudiants étaient également encouragés. Bref la société guinéenne se réveillait après trois décennies de torpeur du fait de la dictature.

Thierno Madjou SOW était au centre de tous ces combats. Sa disparition d’aujourd’hui est celle d’un compagnon de route et d’un mentor.

Que les rêves qu’il a nourris toute sa vie pour son pays, puissent se réaliser pour l’intérêt de tous.

A sa famille, à ses proches et à ses camarades de l’OGDH recevez l’expression de mes sincères condoléances. Que l’âme du défunt repose en paix !

BAH Oury

membre fondateur de l’OGDH

1er Vice-Président de l’UFDG

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