Monsieur le Président, C’est avec peu de conviction que j’emploie le titre « Président » à votre égard, après la mascarade électorale du 11 octobre dernier. Qu’à cela ne tienne, mon patriotisme étant si fort, mon devoir de citoyen si présent, et ma grande préoccupation pour la réalisation du projet commun de tous les guinéens, je préfère ne pas parler des élections et de votre titre de président, mais d’un autre sujet d’une grande importance.
Je vous écris cette lettre suite à l’évasion spectaculaire des prisonniers de la maison centrale de Coronthie qu’a connu notre capitale ce lundi dernier.
Contre toute attente, des oiseaux en cage se sont envolés dans la nature causant panique et effroi dans la cité en essuyant des tirs à l’arme automatique face à nos forces de l’ordre qui ont tant bien que mal répliqué.
Ce qui est réputé être la plus haute maison de sécurité du pays s’est révélé n’être qu’une bâtisse en paille aussi fragile qu’une toile d’araignée.
Monsieur le Président, je suis dans la crainte et l’indignation tout comme le peuple de guinée en vous écrivant cette lettre espérant attirer votre attention sur ce fait.
La maison centrale de Conakry abrite toutes sortes de détenus: du petit pickpocket au grand malfrat, des emprisonnés sans procès, des tueurs à gages, sans parler des brebis galeuses radiées des forces de l’ordre… nous avons là un cocktail explosif qui sévit entre les quatre murs de cette geôle. C’est à notre grande surprise que cette casse a eu lieu en un jour ouvrable plein d’activités sous le nez et la barbe des autorités compétentes.
Cette prison sensée recadrer et réorienter les délinquants afin qu’ils s’acquittent de leurs dettes envers la société cache une grosse manne financière due aux pratiques non-orthodoxes qu’elle connait. Ventes et consommation de stupéfiants, alcool, rackets et partage de butins, la grosse machine mafieuse est aussi lucrative pour les responsables pénitenciers que les détenus.
Ce » Prison Break » nous interpelle à plus d’un titre quant aux responsabilités du Ministère de la sécurité, de celui de la justice ainsi que du service pénitentiaire.
Monsieur le Président, avant toute approche, il faut rappeler combien les prisons en général et particulièrement la maison centrale sont vétustes et délabrées. Ne répondant pas aux normes du standard international, ces milieux sont infects et vecteurs de toutes sortes d’épidémies. Des prisonniers galeux, sidéens, amaigris par la faim qui ne sont plus que l’ombre de leurs propres personnes y vit victimes d’un système sanitaire inexistant dans un surpeuplement absolu d’où la plupart attendent un procès qui n’a presque jamais lieu.
Monsieur le Président, c’est un citoyen déçu, inquiet qui vous vient avec des sentiments de frayeur totale quant à l’avenir de notre pays. Votre gouvernement devrait cependant se pencher sur cette question épineuse et songer à mettre en place des services de sécurité adaptés à tous nos compatriotes.
Le manque de matériels adéquats dans le maintien d’ordre lors des émeutes, les gaz tranquillisants et l’insuffisance de patrouilles mobiles ont démontré la vulnérabilité de ce centre. Pendant plus de deux heures, la gendarmerie et la police ont été incapables de rétablir l’ordre dans ce pénitencier et ses alentours vu le déchaînement des évadés qui n’ont fléchi qu’après intervention musclée du B.A.T.A (Bataillon des troupes aéroportées), notre seule unité d’élite.
Ne songeriez-vous pas Mr le Président à la création d’une unité spéciale de gardes-pénitentiaires ou alors tout au moins leurs formations et équipements? Que pensez-vous des droits humains étant donné que ces personnes emprisonnées subissent maltraitances, tortures et autres sévisses dans des cellules étroites, insalubres et pléthores? Que dire de la responsabilité du Ministère de la justice quant aux multiples procès qui pendent avant d’établir ou non une quelconque culpabilité vue que la présomption d’innocence existe? Comment des détenus presque nus, surveillés à la loupe ont-ils réussi à s’approprier des armes à partir du cachot? Théorie du complot???
Monsieur le Président, les réformes engagées au sein de nos forces de l’ordre sont certes salutaires, encore toutes fois faudrait-il les garantir pour asseoir l’Etat de droit que vous chérissez tant.
Les tribunaux, les juges, la police, la gendarmerie, le service pénitentiaire au-delà de leurs sacerdoces respectifs ont besoin de rééducation profonde.
Garantir la sécurité des uns et des autres ressort de votre responsabilité ainsi que celle du gouvernement, loin de moi toute prétention de donneur de leçons.
Espérant de vous une compréhension patriotique, veuillez agréer, Monsieur le Président de la République l’expression des sentiments d’un citoyen consterné et soucieux de la quiétude et du bien-être national.
Par Boubacar Binany BAH
Administrateur Général de www.guineeinfos.org
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