Dans cette interview qu’il a bien voulu accorder à notre reporter, l’Ambassadeur de l’Allemagne en Guinée aborde les sujets brulants du moment, à savoir la coopération guinéo allemande, la présidentielle du 11 octobre, le terrorisme. Lisez…
Bonjour Excellence. Vous représentez l’Allemagne en Guinée en tant que nouvel ambassadeur. Peut-on avoir vos premières impressions sur la Guinée, où vous avez pris récemment fonction?
Matthias Veltin : Je suis venu ici en juillet de cette année et c’était la première fois de faire la connaissance de la Guinée. J’ai déjà servi en Afrique de l’Ouest tout de même. Revenant à votre question, il faut dire que le peuple de Guinée est très accueillant. Que ça soit du côté des officiels que des gens qu’on rencontre dans la rue. C’est le premier constat depuis mon arrivée.
Bon nombre d’observateurs estiment que les actes posés par la coopération guinéo-allemande sont peu connus du grand public. Pouvez-vous revenir de façon succincte sur ce que l’Allemagne fait en Guinée, en termes de coopération ?
Avec plaisir. Brièvement, je m’en vais seulement donner quelques grandes lignes de ce que nous faisons à grande échelle avec le gouvernement guinéen. Nous nous investissons surtout au niveau du secteur de la santé de base, du secteur de l’éducation de base par exemple. Nous finançons la construction des établissements scolaires, notamment à l’intérieur du pays. Nous appuyons également la société civile guinéenne dans ses activités de promotion des droits l’homme en Guinée. On a dans ce sens soutenu, les activités de l’Organisation guinéenne des droits de l’homme (OGDH). Nous avons également soutenu Fitima, une organisation qui s’occupe en particulier des femmes et des enfants. La coopération culturelle aussi n’est pas en reste. Actuellement nous sommes en train d’améliorer la situation de l’enseignement de la langue allemande en Guinée. Parce que nous avons constaté que de plus en plus des Guinéens sont intéressés d’apprendre l’allemand et pourquoi pas d’y aller. L’ambassade soutient des initiatives des Ong ici en Guinée, dans les secteurs de développement. Par exemple nous avons soutenu des initiatives des femmes qui produisent du miel dans la préfecture de Dinguiraye. Nous avons aussi désenclavé certaines localités, par la construction des ouvrages de franchissement. Afin que les villageois aient accès plus facilement au marché voisin.
Vous venez de parler de l’apprentissage de l’allemand. Y a-t-il des professeurs de langue allemande en Guinée?
Il ya des professeurs en langue, par exemple à l’université nous voulons renforcer leurs capacités. D’ailleurs, nous attendons par exemple un laboratoire linguistique qui doit arriver en janvier. Avec ce laboratoire, l’apprentissage de la langue allemande sera facile, au sein des institutions universitaires.
Excellence, le peuple de Guinée vient d’investir son président de la République, au terme d’une élection. Quelle lecture faites-vous du déroulement de cette élection présidentielle ?
Moi-même j’ai pu observer avant l’élection présidentielle, le jour du scrutin et après. D’abord ce que j’ai remarqué, c’était la volonté ferme de la population d’aller voter. Il ya eu une participation beaucoup plus élevée, beaucoup plus qu’en Allemagne. J’ai constaté aussi que le peuple guinéen était déterminé à choisir son gouvernement. Certains candidats sont allés dans tous les coins de ce pays lors de la campagne électorale. Ils ont rencontré la population pour discuter de ce qu’ils voulaient faire pour ce pays. Par rapport à l’organisation de l’élection, bien sûr, il ya eu le constat fait par des missions d’observation de l’étranger et de l’intérieur. Elles avaient constaté des problèmes dans l’organisation des élections. Et j’espère vraiment que les élections prochaines, on pourrait rectifier ces problèmes.
Votre pays vient de célébrer la chute du mur de Berlin. Peut-on savoir quel est le sens que le peuple allemand donne à cette célébration historique ?
C’était une situation historique. Il ya 25 ans, les Allemands étaient tout heureux d’avoir des frontières ouvertes après 45 ans de séparation. Ça a beaucoup changé aussi dans la société allemande. Aujourd’hui, on peut constater que c’est une joie qui anime le peuple allemand.
Dans la vie des Allemands, est-ce qu’on constate cette séparation d’hier entre l’Est et l’Ouest?
Il ya des régions, où vous pouvez remarquer une petite différence au sein de la population. C’est comme ici en Guinée, on parle des langues plus proches avec un accent différent. Bien sûr les gens au sud de l’Allemagne sont différents de ceux de l’Allemagne du Nord. Que ce soit dans le comportement, dans la coutume. Mais le principe est clair, ils sont tous des Allemands. Il ya quelques différences entre l’Est et l’Ouest.
Il semble que Mme la chancelière Angela Merkel serait de l’Est ?
En principe elle est née à l’Ouest mais elle est arrivée à l’Est très jeune. En ce moment, l’Allemagne de l’Est était petite en nombre que l’Allemagne de l’Ouest. L’Ouest avait 60 millions d’habitants et l’Est 17 millions seulement. Notre chancelière et notre président fédéral viennent tous de l’Est.
L’Europe est divisée sur certaines questions comme celles liées à l’immigration. Dites-nous comment le gouvernement allemand appréhende-t-il cela?
Comme l’a souligné notre chancelière à propos de cette question d’immigration, elle dit que la migration est le plus grand défi pour l’Allemagne mais aussi pour l’Europe. La chancelière a dit malgré cette situation, nous allons faire ce qui est possible pour maîtriser ce problème. Parmi ces réfugiés certains sont en danger, on doit les protéger. Cela concerne par exemple les gens qui viennent des pays de guerre civile : la Syrie, l’Irak… la migration est un défi pour le monde moderne. Parce qu’il ya de plus en plus des gens qui veulent trouver le bonheur, l’avenir, la formation ailleurs. Pour cela on doit trouver des réponses en commun. C’est ce que l’Allemagne tente de trouver au sein de l’Union européenne. Mais également il est important de trouver des réponses avec les pays d’origine des migrants, avec les pays de passage. C’est ainsi qu’au mois de novembre dernier, lors d’un sommet à Malte à la Valette avec les pays africains, où la Guinée était d’ailleurs représentée à travers son président, on a vraiment trouvé un chemin pour pouvoir répondre à ce défi de la migration. C’est-à-dire remplir trois tâches importantes. Tout d’abord améliorer la situation dans les pays d’origine, ensuite prévenir la migration illégale mais rendre possible la migration légale, enfin pour ceux qui sont des vrais réfugiés, qui vivent dans des situations difficiles, ils doivent être protégés. C’est la formule de l’Allemagne sur ce dossier de la migration.
Excellence, l’on voit que le gouvernement allemand est très préoccupé par le sort des réfugiés. Mais est-ce que les actes de terrorisme perpétrés ces derniers temps, notamment en France, Notamment en France. Ces actes de terreurs ne risquent-t-ils pas de dissuader vos autorités à faire machine arrière?
Ça aussi, c’est une situation que la chancelière Merkel a déjà abordée. Elle dit que nous devons être très prudents. Ne pas mélanger les deux défis de terrorisme et de la migration. C’est-à-dire que nous devons traiter le dossier de la migration, tout comme celui du terrorisme aussi.
Pour finir, quelle est l’approche de l’Allemagne face au dérèglement climatique. Nous savons que dans ce sens, un sommet vient de se tenir à Paris. Quelle était la position de votre pays à ce sommet ?
Vous avez cité le sommet de Paris, qui a été un très grand succès pour beaucoup de gens. Il ya eu de longues discussions pour trouver un accord. L’Allemagne a toujours soutenu un consensus pragmatique mais quand même ambitionné sur le niveau international. Ça a été une réussite parce qu’on parle d’une réduction de 2 degrés voire 1,5 degrés par exemple. Il ya une situation où aussi des pays comme la Chine, comme l’Inde qui se sont déclarés prêts, pas seulement pour recevoir des ressources financières des pays industrialisés. Mais investir dans la réduction des émissions à effet de serre. C’est pourquoi, il faut saluer la capacité de négociation de la France. En ce qui concerne l’Allemagne, notre pays a déjà entamé transition énergétique. C’est-à-dire, on va totalement changer les ressources de la production d’électricité. Ce qui est aujourd’hui basé sur le charbon, le pétrole par exemple, ça c’est jusqu’à 2050. Il y aura ensuite une mutation vers des ressources renouvelables à 80% minimum. Dans ces ressources renouvelables, il n’y aura pas d’énergie nucléaire. Dans ce sens l’Allemagne est le premier pays industrialisé qui, vraiment fait intégrer des solutions de la politique de changement de la production d’électricité, afin de réduire les émissions. J’espère que l’exemple de l’Allemagne sera suivi par les autres pays de la planète.
Entretien réalisé par Richard TAMONE (Le Démocrate, partenaire de guinee7.com)