Il faut bien reconnaitre que ce que l’on redoutait pour les médias guinéens paraît maintenant une réalité depuis le lancement de la grève des deux centrales syndicales. La presse guinéenne semble davantage partisane pour ne pas dire que les médias deviennent de plus en plus des inconditionnels de chapelles syndicales et politiques. Et, il faut le dire, le tir semble groupé sur les tenants du pouvoir comme si l’on était dans certaines rédactions en mission commandée. Même dans certains médias jadis loués pour leur «neutralité».
De l’action syndicale et politique beaucoup animée ces temps-ci, les médias en font évidemment leurs choux gras. En pareilles circonstances, les médias guinéens ont toujours su jouer leur partition en adoptant le ton impersonnel de la neutralité entre les acteurs. Il faut le reconnaître, la presse nationale a plusieurs fois été couverte de lauriers pour son professionnalisme dans le traitement de l’information en des moments sensibles de l’actualité. Les médias guinéens sont couramment cités en exemple parce qu’ils arrivent à se mettre au-dessus des chapelles politiques. Mais depuis un certain temps, cette belle époque semble se refermer. C’est bien visible, certains médias se défont davantage du principe sacro-saint de l’éthique et de l’équité pour servir des intérêts partisans. Ce qui devrait être le métier, l’est de moins en moins. C’est vrai que la Guinée est à une période importante de son histoire syndicale avec le débat qui achoppe sur la baisse du prix du carburant et les tiraillements entre Cellou Dalein Diallo et Bah Oury – des sujets hautement sensibles – mais ceci doit-il expliquer cela ?
Une catégorie de médias a décidé de prendre parti notamment en prenant fait et cause pour les pourfendeurs du pouvoir en place. Se substituant parfois aux acteurs politiques et syndicaux, des journaux ou radios sont en train de se dresser en principal adversaire du régime en place. Des émissions radio d’expression directe aux manchettes de journaux, le contenu, la virulence du ton, l’orientation donnée aux débats etc., donnent l’impression que des hommes de médias se sont donné le mot pour tirer à boulets rouges sur le pouvoir. Le mot d’ordre semble «il faut en finir avec le système Alpha Condé». Ainsi, des journalistes, engagés dans ce jeu de massacre, tentent par tous les moyens en leur disposition de diaboliser les hautes personnalités de l’Etat. Si l’on ne se fait le relais de la rumeur, on adopte un point de vue subjectif, forcément partial, sur les événements rapportés. On gonfle, intentionnellement, les faits quand l’opposition pose un quelconque acte de bon sens tout en minimisant les actions d’envergure du pouvoir pour lesquelles, du reste, on ne résiste pas à la tentation de chercher la petite bête qui permettrait de jeter le bébé avec l’eau du bain. Une telle presse mue par son alignement sur une obédience politique ne peut que travailler dans le sens de cette caricature de Alfred de VIGNY: «La presse est une bouche forcée d’être toujours ouverte et de parler toujours. De là vient qu’elle dit mille fois plus qu’elle n’a à dire et qu’elle divague souvent et extravague».
Est-ce à l’honneur des métiers de la presse que les choses se passent ainsi ?
C’est connu de tous, principal pilier de la démocratie, les médias jouent un grand rôle dans la formation de l’opinion publique. Hommes politiques, opinion publique et médias forment ce triptyque qui donne vitalité, dynamisme à la démocratie, à la société. Les médias reflètent autant qu’ils forment les phénomènes de société. En ce qui concerne la Guinée, la presse qui s’est longtemps illustrée comme professionnelle et attachée aux valeurs républicaines, est en passe de perdre cette notoriété par le fait de certains acteurs (presse écrite, radios ou toile) qui, sortant de leur rôle de contre-pouvoir, s’illustrent clairement contre le pouvoir. Il faut le dire, le pouvoir ainsi que ses animateurs n’ont jamais été aussi régulièrement malmenés dans les médias à travers la manipulation de l’opinion publique, la calomnie ou la diffamation. Si on n’y prend garde, on court le risque de se laisser exploiter à des fins politiciennes évidentes par des hommes politiques. Ce qui pourrait conduire à des situations dommageables comme on l’a vu dans certains pays. Fort heureusement, il demeure des acteurs dans le monde de la presse qui ont pour leitmotiv la déontologie et l’éthique du métier. Il faut espérer que leur action irradie sur ce monde afin de nous éviter le pire.
Aboubacar Tamourah