Quelques jours avant son assassinat au siège de l’UFDG, Elhadj Mohamed Diallo avait reçu dans les locaux de guinee7.com, M. Ibrahima Sanoh, guinéen, chercheur à l’université Hassane1er du Maroc. Il est en outre écrivain et auteur de trois ouvrages dont deux en cours de publication en Guinée. Dans cette interview, il nous parle notamment de l’économie comportementale, de la situation économique qui prévaut en Guinée et donne des pistes de solution pour sortir notre économie de l’ornière.
Guinee7.com : Qu’est-ce que l’économie comportementale ?
Ibrahima Sanoh: C’est une partie de l’économie qui part du constat que les humains ne sont pas rationnels et que le concept de l’homo economus ne tenait pas. Puisque, souvent les hommes avaient tendance à suivre leur instinct. L’économie comportementale de façon brève, c’est l’économie qui arrive à éclairer les décideurs, bien entendu, leurs prises de décision en partant du fait qu’il faut étudier les comportements des agents économiques par leur spécificité.
En quoi cela pourrait être important pour la Guinée?
Cela peut être important pour la Guinée parce qu’ici dans l’économie classique nous avons tenté beaucoup de choses. Il y a eu beaucoup de réformes et ces choses n’ont pas marché. Par exemple, qu’est ce qui explique dans des villes comme Siguiri que les parents ont du mal à envoyer leurs enfants à l’école ? Pourtant, les paysans qui travaillent en exploitant de l’or gagnent beaucoup d’argent. Quelque part, c’est parce qu’il y a l’arbitrage entre les coûts que constitue l’éducation et l’avantage que les enfants peuvent procurer à la famille une fois en travaillant dans les mines. C’est ce qui fait qu’il y a une explication purement comportementale. Donc, l’économie comportementale pourrait aider les dirigeants guinéens à recadrer leurs prises de décision, à avoir une efficacité dans la lutte contre la pauvreté.
Quelle lecture faites-vous de l’économie guinéenne ?
L’économie guinéenne depuis l’indépendance de façon générale a été planifiée, elle a été orientée vers l’économie de marché, mais elle ne l’est pas. Pour moi, elle est une économie en transition. Le libéralisme que nous avons eu est un libéralisme de copains. Parce que depuis, la croissance économique que nous avons eue, est une croissance économique très faible qui ne permet pas de juguler la pauvreté et l’inégalité. Les politiques économiques que nous avons eues jusqu’à présent sont des économies conjoncturelles. Ces politiques conjoncturelles n’ont pas visé la création d’emploi ; l’élargissement du marché guinéen du travail à l’implémentation des autres marchés que nous n’avons pas.
Qu’est-ce qu’il faut pour inverser cette tendance ?
Pour inverser cette tendance, il faut qu’il y ait des décisions concrètes par rapport à l’environnement des affaires. Ici, actuellement en Guinée, par rapport au Doing Business en 2015 nous sommes 169 ème, alors qu’il y a de cela un an nous étions 179ème. Il y a un progrès de façon générale dans le ranking, sauf que lorsqu’on regarde dans les compartiments il y a encore des problèmes. Par rapport au payement des impôts en Guinée, il faut 440 heures, c’est ce que la Banque Mondiale dit dans son rapport. Pour qu’il puisse y avoir un secteur privé très efficace en Guinée, il faut que le gouvernement fasse en sorte qu’il y ait des réformes de la fiscalité, qu’il y ait des réformes de l’éducation pour que les étudiants, les futurs diplômés puissent créer de l’emploi, puissent travailler dans les entreprises. Il faut qu’il y ait les réformes du secteur privé pour pouvoir libérer les forces et les énergies, promouvoir l’attractivité des investisseurs, les réformes de la justice qui doivent continuer, reformer la justice pour qu’il y ait accès au crédit, réformer l’administration fiscale et faire de telle sorte que la règle de trois soit suffisamment claire et que les droits des propriétés soient protégés. Il faut qu’il y ait des réformes de l’enseignement du secteur tertiaire parce que le système éducatif se porte mal. Et nos universités constituent des usines à fabrique de chômeurs.
Interview réalisée par El Hadj M. Koula Diallo