Conakry, Paris, le 18 mars 2016 – La FIDH, l’OGDH et l’AVIPA déplorent la nomination d’un ancien membre influent du CNDD, Mathurin Bangoura, inculpé dans le dossier du 28 septembre, au poste clé de gouverneur de la ville de Conakry. Cette nomination va à rebours des déclarations du nouveau gouvernement qui s’est engagé à poursuivre ses efforts dans la lutte contre l’impunité et à juger les responsables du massacre au stade du 28 septembre.
«En nommant à ce poste de responsabilité le général Bangoura, qui est mis en cause dans la procédure judiciaire relative au massacre du 28 septembre 2009 , les autorités guinéennes envoient un signal négatif, particulièrement aux victimes. Cette nomination nous choque et nous surprend d’autant plus que le gouvernement avait récemment renouvelé son engagement à lutter contre l’impunité et à soutenir la tenue rapide d’un procès pour les crimes commis au stade de Conakry.», a déclaré Souhayr Belhassen, présidente d’honneur de la FIDH.
En 2015, en raison des hautes fonctions qu’il occupait au sein de la junte militaire au pouvoir en 2009, Mathurin Bangoura avait été inculpé de crimes particulièrement graves. S’il est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie au terme d’un procès, la gravité des charges qui pèsent contre lui aurait dû le tenir à l’écart d’un tel poste de responsabilité, jusqu’à ce que la justice tranche et fasse toute la lumière dans cette affaire.
«Le Ministre de la justice a affirmé que le procès s’ouvrirait fin 2016. Pourquoi alors confier à M. Bangoura des pouvoirs et une autorité qui pourraient être de nature à effrayer certaines victimes ou à troubler la sérénité de la justice ? » a déclaré Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA.
La fonction de gouverneur de la ville de Conakry est en effet un poste très important dans l’organisation administrative guinéenne. En 2014, nos organisations s’étaient félicitées de l’éviction de ce même poste du commandant Sékou Resco Camara, à la suite de son inculpation dans une procédure visant des actes de tortures. Cette procédure, consécutive à une plainte de la FIDH et de l’OGDH aux côtés de 17 victimes, avait permis l’inculpation de M. Camara ainsi que du général Nouhou Thiam. Ceux-ci auraient, en octobre 2010, pendant l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, donné l’ordre d’arrêter les plaignants puis auraient supervisé les séances de torture qu’ils ont subie à l’escadron mobile de Hamdallaye. Le dossier est aujourd’hui entre les mains de la Chambre d’accusation et nos organisations attendent un procès dans les meilleurs délais.
« La lutte contre l’impunité n’est pas seulement une affaire judiciaire, elle doit être menée à tous les niveaux de la vie publique et ceux qui sont mis en cause pour les crimes les plus graves ne devraient pouvoir accéder à des poste de responsabilité. Sans une volonté politique ferme et des actes cohérents, elle tardera à se concrétiser », a déclaré Abdoul Gadiry Diallo, président de l’OGDH.
Le 2 mars 2015, un membre de la gendarmerie nationale, M. Blaise Gomou, également inculpé dans le dossier du 28 septembre en raison de sa participation aux opérations de maintien de l’ordre le jour du massacre avait été nommé au poste de magistrat militaire.
Source : FIDH