Le président Alpha Condé aurait fait interrompre l’exécution d’une décision judiciaire par un cabinet d’huissier le vendredi dernier dans la commune de Kaloum, dans une concession située à quelques encablures du CHU Ignace Deen. Un acte qualifié « d’immixtion » de l’exécutif dans les prérogatives du pouvoir judiciaire, qui risque de conduire à un nouveau bras de fer entre les deux institutions. Quand on sait qu’un précédent fâcheux existe dans ce sens, et il avait fallu que les huissiers suspendent les actes d’instance jusqu’à la reprise effective de l’exécution régulière des décisions de justice en 2014, pour que le gouvernement leur laisse la main libre.
Des témoins qui ont assisté à la scène disent avoir aperçu le président de la République venir en personne, dans une famille vivant à quelques pâtés de maison de la CNSS, non loin d’Ignace Deen, pour stopper l’exécution d’une décision judiciaire. Le cabinet d’huissier qui avait reçu mandat de faire déguerpir les occupants de la dite concession, auraient ainsi renoncé à leur mission, la mort dans l’âme. Si jamais ces faits se confirmaient, il va falloir sans doute s’attendre à ce que la corporation régisse. C’est du moins ce que pensent certains observateurs, qui se souviennent encore du bras de fer qui avait opposé en 2014, le pouvoir exécutif aux huissiers, suite à l’interdiction qui avait été faite à l’époque par le président Alpha Condé, de sursoir à l’exécution des actes judiciaires, notamment dans le cadre des opérations de déguerpissement des familles de maisons vendues à des tiers.
A l’époque, Me Seydouba Kissing Camara, président de la Chambre nationale des huissiers, avait tiré la sonnette d’alarme, dans une correspondance adressée au département de la Justice. Dans sa lettre, il avait déploré le « refus de tous les services de Parquets, police et gendarmerie d’assister les huissiers de justice dans l’exécution des décisions de justice au motif qu’ils auraient reçu des instructions des hautes autorités du pays.»
Le président de la Chambre des huissiers avait révélé pour la circonstance « qu’au niveau de la Chambre des huissiers, depuis le 1er novembre 2014, plus de 25 plaintes ont été portées contre les huissiers pour la non-exécution des décisions de justice dont ils sont bénéficiaires. Parmi les confrères contre lesquels ces plaintes sont dirigées, certains n’ont même plus le courage de fréquenter leurs cabinets à cause de la pression des clients. »
Et les huissiers avaient décidé de ne plus servir les actes d’instance jusqu’à la reprise effective de l’exécution régulière des décisions de justice. Arguant que « si les décisions de justice ne peuvent pas être exécutées, mieux vaut ne pas les rendre.»
Les choses avaient fini par rentrer dans l’ordre, finalement. Certains détracteurs du régime avaient vu derrière cette immixtion de l’exécutif dans le judiciaire, un calcul électoraliste. Vu que la présidentielle se dessinait à l’horizon. Va-t-on revivre le même scénario considéré comme « apocalyptique » pour la corporation des huissiers ? Attendons de voir.
Mamady Kéita in Le Démocrate, partenaire de guinee7.com