Numéro deux contesté dans la formation politique qu’il a fondée, Bah Oury, membre de l’Union des Forces Démocratiques Guinéennes (Ufdg), revient sur les clauses de la grâce du président Alpha Condé en sa faveur, la crise interne au sein de l’Ufdg et ses malentendus avec Cellou Dalein Diallo, non sans préciser les motivations de son combat actuel contre Cellou et les « Cellouistes ». À Dakar depuis quelques jours, suivez cet entretien avec l’ex exilé en France, où il a passé quatre années avant de rentrer au bercail suite à la réélection d’Alpha Condé en 2015.
Vous êtes fondateur de l’UFDG, principal parti de l’opposition guinéenne. En 2011, vous quittez votre pays suite à une accusation d’atteinte à la sureté de l’Etat. Après quatre ans d’exil, vous êtes rentré au pays à la faveur d’une grâce présidentielle. Quelles ont été les conditions de cette grâce ?
Bon, vous savez que la décision d’accorder la grâce présidentielle, c’est un droit constitutionnel discrétionnaire du Président de la République qui peut l’accorder à toute personne à qui il souhaiterait pour des raisons qui lui sont propres. Donc en ce qui me concerne, je pense que cette grâce intervient dans un contexte politique qui était marqué par des tensions politiques suite à l’élection présidentielle de 2015 où peu ou prou, j’ai été, dans une certaine mesure, l’un des éléments qui ont contribué à ce que la Guinée n’ait pas une crise post électorale sanglante. Je pense que ceci a été un élément qui a permis de déclencher un processus de retour en grâce de Bah Oury.
Votre parti traverse une instabilité interne, notamment depuis votre retour. Certains affirment que c’est vous qui êtes à la base de ce tumulte. À qui attribuez-vous la responsabilité, vous ou Cellou Dalein Diallo ?
Vous savez, pendant mes quatre années et demie d’exil, Cellou Dalein n’a pas joué un rôle franc et loyal surtout en termes de solidarité avec les personnes qui ont été détenues et surtout avec la deuxième personnalité du parti que je suis. Mon retour au pays n’a pas été apprécié par Cellou Dalein. Donc dès mon arrivée, il va de soi qu’une crise latente, qui existait depuis la fin de l’élection présidentielle de 2010, a fait resurgir les contradictions internes, de manière aigue voire même de manière extrême avec la tentative d’assassinat sur ma personne le 05 février dernier, qui a abouti à l’assassinat du journaliste Mohammed Koula Diallo. C’est dire que la crise remonte de loin. Ce n’est pas le retour de Bah Oury ou la grâce actuelle qui est génératrice de cette crise.
Vous avez rejeté votre exclusion du parti et introduit un recours, où en êtes-vous avec le parti?
Le recours judiciaire est déjà en cours d’examen par la justice. Le processus se poursuit. Nous attendons, certainement dans les semaines à venir, la résolution finale de la justice guinéenne sur ce point. Par ailleurs, personnellement, je ne m’appuie pas sur ce recours judiciaire pour mener mon action politique. La reconquête de ma légitimité et la reconquête de l’Ufdg passe par une relation directe avec une campagne de rencontre de proximité avec les populations guinéennes, avec les militants de l’Ufdg et je pense que de ce point de vue, la mayonnaise est en train de prendre. Ce qui fait que Cellou Dalein se trouve dans une situation assez critique en termes de légitimité et de popularité aujourd’hui.
Qu’est-ce qui motive votre combat interne, récupération ou refondation du parti ?
Vous savez, il faut rénover l’Ufdg. La dynamique qui a été poursuivie pendant les six années de la gouvernance de Cellou du parti a abouti à une certaine ghettoïsation de l’Ufdg, à une assimilation à une crispation identitaire qui amène, à juste raison, aux adversaires de l’Ufdg de considérer que l’Ufdg est un parti ethnique alors qu’en réalité, à travers la vocation première et les valeurs que nous défendons depuis très longtemps, nous sommes pour la Guinée, nous sommes pour une vision nationale, nous sommes une dynamique d’émergence d’une véritable nation et l’Ufdg doit être le creuset pour l’émergence d’une alternative démocratique sérieuse. C’est la raison pour laquelle nos contradictions sont devenues, à l’heure actuelle, des contradictions irréconciliables.
Vous êtes dans la même direction, qu’est-ce qui oppose concrètement vos sens dans la démarche ?
Ce qui nous oppose c’est que lui va vers une crispation identitaire et en ce qui nous concerne, nous voulons aller dans le sens de l’intérêt de la Guinée toute entière, dans l’intérêt national, de la dynamique de réconciliation et de ce point de vue, les deux positions sont diamétralement opposées.
Qu’est-ce que vous préconisez comme solution à la crise ?
Je pense que la question fondamentale est l’émergence de contre-pouvoir efficace. L’Ufdg, à mes yeux, doit être une opposition constructive, ouverte, innovante qui prend en compte les aspirations de l’ensemble des populations guinéennes pour une société démocratique.
Entretien réalisé par Mamadou Lamine BA, Journaliste Blogueur sénégalais