Je n’ai pas compris le bien-fondé de toutes ces réactions suscitées par la conférence de presse du président Condé. Je n’ai pas compris toutes ces réactions émotives et ces appels à la défense des valeurs de la République, qui serait en danger, que la constitution allait subir le viol en 2020 et qu’il faut barrer la route au président Condé. Il est dit sur tous les toits que le président Condé a insinué qu’il voudrait d’un troisième mandat. Qu’est-ce à la base de toutes ces déclarations à la fois infondées et inventées de toute pièce ?
La communication n’est pas son fort, c’est une lapalissade, mais il n’a pas dit qu’il veut d’un troisième mandat. Encore, une fois, il a été victime d’une citation sélective et on lui a prêté un propos et pis, des intentions. Je me vois assumer un rôle qui n’est pas mien, je n’ai pas l’intention de défendre un Homme, mais dans cette situation, je me vois obliger de contribuer à la clarification des choses. Le rôle de l’artiste, je m’en réclame un, n’est pas d’être au service d’un homme, mais de la vérité. Son rôle ne se sépare pas de devoirs difficiles. Il est au service de la vérité et de la liberté . Importe ses états d’âme, ses souffrances et infirmités personnelles, il se doit d’être à la hauteur de ses engagements difficiles : le refus de mentir sur ce qu’il sait et de déformer ce qui est la vérité. Il doit s’appliquer à la proclamer telle qu’elle est et d’assumer les conséquences qu’un tel exercice engendrerait.
Le président Condé n’a pas dit qu’il veut d’un troisième mandat ou même qu’un peuple devrait se décider à ce sujet. Il n’en a pas évoqué. Interrogé, lors de sa récente conférence de presse, par Morel André Gaston du journal le patriarche : « Nous avons suivi avec intérêt votre exposé, vous venez d’un long voyage. Certes, mais, moi, mon problème est de savoir est-ce que vos rencontres avec quelques présidents hostiles à la démocratie vous inspire ? Je voudrais dire, après les deux mandatures, comptez-vous quitter le pouvoir ? »
Sa réponse à cette question courageuse et géniale n’est nullement velléitaire. Il pose des paradoxes, il s’applique à montrer qu’il est difficile d’établir une corrélation positive en démocratie et développement. Pour illustrer ses propos, il cite le cas du Singapour et la Malaisie. Le premier est considéré comme un pays développé et le second comme un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Fait-il croire, ces deux pays n’ont rien à voir avec les soi-disant démocraties classiques, pourtant tous deux ont connu des croissances économiques insolentes ayant conduit à l’amélioration des niveaux de vie de leurs populations.
En effet, Lee Kuan Yew du Singapour fut premier ministre de son pays qui est une monarchie de 1965 à 1990 et son parti, le seul, règne depuis : le People’s Action Party. La Malaisie dont il a cité le chantre du développement, Mohamed Ibn Mahathir , n’est pas un modèle de démocratie .Mais ne se porte aucunement mal . Il fit aussi allusion aux pays de l’Asie du Sud-est. Il justifia ses relations avec ceux-là qu’André Gaston qualifie d’hostiles de la démocratie par le seul dessein de quête des expériences et par la volonté d’en tirer de bonnes leçons. L’économiste Alexander Gerschenkron ne disait-il pas que les économies relativement attardées pouvaient rattraper avec un rythme plus avancé celles développées, si et seulement si , elles tirent des leçons de l’expérience des pionnières pour mettre en place des institutions appropriées ?
On comprend que les fréquentations du président soient des sources d’inquiétudes, c’est le problème que pose André Gaston, mais dire, sans preuves et arguments irréfutables que le président Condé veut changer la constitution est une démence. C’aurait été plus qu’une erreur de casting mais une faute stratégique que de dire , alors qu’il n’est qu’à l’amorce de sa seconde mandature , qu’il veut déjà d’une troisième au sujet de laquelle le peuple de Guinée devra s’exprimer .
En Guinée, on met peu de temps, sinon rien, pour chercher des informations fiables, les traiter et puis se décider. Le plus souvent, on parle pour l’amour de la parole sans sources, sans preuves et on ment et prête des propos aux autres, pour se défendre. C’est bien malheureux que le président Condé dise aux journalistes présents dans la salle de conférence qu’ils sont sans informations fiables et qu’ils doivent enquêter avant de poser les questions. C’est horrifiant qu’il ait cité à l’intention de nos journalistes que : « Celui qui n’a pas enquêté n’a pas droit à la parole. » Mais s’il les avait interdit la parole, on lui aurait taxé de liberticide et d’autocrate.
Après quelques éclats de rire, la réponse à la question de Morel Gaston est la suivante : « Ça, moi, je vais au Rwanda. J’ai été au Rwanda, avant d’aller c’était un pays extrêmement bien géré. Au Rwanda, vous ne pouvez même pas jeter un morceau de papier dans la rue. C’est un pays qui est très bien géré et qui avance. L’Ethiopie est un pays qui est très bien géré et qui avance. Enfin, pourquoi vous ne posez pas la question du Singapour ? Quand on parle de l’Asie du Sud-est, pourquoi vous ne posez pas la question ? Quand on dit que le Singapour est bien développée, pourquoi vous ne posez pas la question : comment il était gouverné politiquement ? Nous en avons assez qu’on n’invective que l’Afrique, l’Afrique ! L’Asie du Sud-est dont on vante tant le développement, il s’est développé comment ? C’est une démocratie ? Malaisie, Mahathir, qu’est-ce qu’il a dit ? Pourquoi, voulez-vous qu’on parle du Singapour parce qu’il est bien géré, alors que le monsieur est resté 30 ans ou presque au pouvoir ? Pourquoi vous ne voulez pas que moi je collabore avec Kagamé ? Je n’ai aucun complexe. Chaque président est libre, en fonction de son peuple, de faire sa politique. Je n’ai pas à apporter de jugement. Et dans un pays, c’est pas vous qui décidez, c’est le peuple. Personne, personne, je dis, ne me dira ce qu’il faut faire. Seul le peuple de Guinée me le dira. Je n’ai aucun complexe à travailler avec Kagamé, à collaborer avec le président éthiopien ou à collaborer avec d’autres. J’ai demandé à la société de Singapour qui a permis de faire le plan du Singapour à venir en faire en Guinée. C’est vous qui vous préoccupez de ça , mais moi j’ai mon programme , je suis élu pour cinq ans , j’applique d’abord mon programme pour satisfaire le peuple de Guinée . Je ne rentre pas dans ces débats de savoir si le gars est démocratique ou pas, c’est le problème avec son peuple. Mais il a une bonne expérience, je tire les leçons de son expérience pour faire avancer mon pays. Donc, je ne rentrerai pas dans ces débats, ce qui m’intéresse, c’est que j’ai des engagements (tenus) au peuple de Guinée et j’applique ces engagements. C’est vous qui spéculez …. Il y en a qui s’agitent : qui sera vivant en 2020, qui ne le sera pas là, qui est bon Dieu ? ». Puis, s’en suivirent des éclats de rire.
Peut-être auraient-ils aimé que sa réponse fut ferme et sans équivoque : « Non je ne veux pas d’un troisième mandat. » Il n’en a pas donnée, il n’en est pas moins que le reste n’est qu’exercice d’interprétations. L’essentiel de sa réponse pourrait se résumer en : « Aux Rwandais de juger leur président, quant à moi, je me préoccupe de tirer des leçons de ses expériences que de porter un jugement à son sujet. C’est à son peuple de se décider. J’ai un programme à réussir et c’est tout. » Son ton colérique pourrait-il servir de preuve pour dire qu’il veut d’un troisième mandat ?
Le moment n’est pas aux agitations, aux cris de colère, aux déclarations insensées, que les Guinéens se lèvent et combattent pour de vraies choses dont la réconciliation détournée et pervertie. Qu’ils se battent pour plus de transparence. Comment peut-on appeler à se faire tuer contre une idée non-tenue et non-exprimée ? Qu’on ne se trompe pas de combat. Qu’on arrête la diversion et de nous amuser la galerie. Quand arrête, du fait de nos réactions émotives, d’inspirer au président Condé une idée qu’il n’a pas exprimée et émise. En Guinée, aucun troisième mandat pour le président Condé n’aura lieu, c’est inadmissible !
Ibrahima SANOH,
Citoyen guinéen.