Dr Ousmane Bangoura, vice-président de la délégation spéciale de la commune de Matoto accuse le parti au pouvoir de préparer des contre-manifestants, dans le but de saboter les manifestations prévues par l’opposition à partir du 4 août. Cet opposant pense qu’il est temps pour les Guinéens de se lever pour dire « non » au président Alpha Condé, dont la gestion du pays ne serait pas du tout catholique.
Bonjour Monsieur Bangoura. L’opposition guinéenne projette de marcher le 04 août. Quelle est la stratégie que vous voulez adopter pour la réussite de cette marche ?
Dr Ousmane Bangoura : C’est vrai que je ne peux pas dévoiler la stratégie que nous avons mise en place pour la réussite de cette marche. Mais ce qui est évident, il faut comprendre que notre constitution stipule que chaque Guinéen, chaque groupe de Guinéens est libre d’organiser des manifestations pour faire passer ses opinions et faire comprendre aux autorités oui ou non, si ça marche. Dans cette perspective l’opposition a constaté qu’on est en train de violer les lois de la république. Toutes les conventions et les accords qui ont été signés entre le pouvoir et l’opposition n’ont pas été respectés. C’est très dommage que cela viole gravement notre constitution. Il faut voir aujourd’hui l’atmosphère du pays, la misère dans laquelle la population vit aujourd’hui. L’on ne peut plus tenir, par exemple dans tout le monde entier, dans tous les quatre coins du monde, on a baissé le prix du pétrole. Ce qui devrait du coup diminuer le coût de la vie. Malheureusement, notre gouvernement, le régime en place n’a pas daigné de diminuer le coût, comme tout le monde a fait dans le monde entier. Comme je viens de le dire, je crois qu’avec la gravité de la situation, l’acuité de la vie aujourd’hui, le quotidien, la grande majorité de la population est prête à accompagner l’opposition républicaine dans cette marche pour faire comprendre à la communauté nationale et internationale que le pays va très mal sur tous les plans.
Le parti au pouvoir est soupçonné de vouloir empêcher cette marche. L’émission interactive organisée récemment serait inscrite dans sens, selon l’opposition. Expliquez-nous ça?
Mais on n’est pas à une première fois, que le parti de la mouvance ou le pouvoir ait voulu enfreindre la constitution. Vouloir empêcher l‘opposition de marcher, c’est encore une autre violation de notre constitution parce que c’est un moyen fort pour les citoyens ou pour les leaders politiques de faire passer les messages qu’ils veulent faire passer. Puisqu’il n’y a pas de dialogue, on ne s’entend pas parce qu’on n’est pas écouté. Ce qui nous reste à faire maintenant c’est de prendre la rue pour que l’opinion nationale ou internationale comprenne que ça ne va pas dans le pays. De cette façon nous pensons que ça fera échos, et comme ça le régime prendra conscience. Je sais que la majorité de la population va déménager de la mouvance vers l’opposition, et cela pose une inquiétude au sein de la mouvance. Vous n’êtes pas sans savoir que les populations ont adhéré sans tenir compte de leur sensibilité politique, ils ont dit bon, nous sommes face à une situation compliquée. Donc nous allons sortir pour montrer à notre président qui est le père naturellement, vous savez quand ça ne va pas dans une famille, les enfants viennent se plaindre à leur père qui est père de famille. On dit que le président « est le père de la nation », donc on ne vient pas pour faire quoi que ce soit, mais pour lui faire comprendre que ça ne va pas. Comme on l’a fait en 2007, ou en 1977 avec Ahmed Sékou Touré. Donc en un mot on veut faire comprendre à Alpha qu’il gère mal, il y a la mal gouvernance dans le pays, qu’il arrête de croire son entourage qui lui fait croire qu’il gère bien et que tout va bien. Or la majorité des Guinéens aujourd’hui ne trouve pas deux plats par jour, on le fait croire que tout va à merveille. Donc je dirai que personne ne peut nous empêcher de revendiquer notre droit le plus légitime, le jour de marche nous irons dire à Alpha que la mal gouvernance a atteint son paroxysme.
Le parti au pouvoir accuse Cellou Dalein de vouloir fomenter un coup d’Etat institutionnel. Que pensez-vous de ces allégations?
Ah, mais le parti au pouvoir a perdu le nord. Il n’a plus de boussole, la démocratie est venue mettre fin au coup d’Etat. Vous dites coup d’Etat institutionnel. Est-ce que msarcher veut dire organiser un coup d’Etat institutionnel ? Ou préparer un coup d’Etat institutionnel ? Ça c’est de l’amalgame. C’est une façon pour eux de mélanger les gens, de créer la division, de décourager les gens, pour ne pas que les populations sortent. Nous avons tiré les leçons, les citoyens ont tiré les leçons. Ils ont compris que ce régime-là est un régime qui ment. Je vous donne un exemple tout de suite. Comment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont exigé à notre gouvernement de reconnaître qu’il a menti pour un emprunt de 60 millions de dollars us, et que notre gouvernement a signé qu’il a menti. Ça c’est une honte nationale qu’un gouvernement reconnaisse qu’il a menti face aux institutions. C’est du jamais vu. C’est pour vous dire que ce gouvernement-là veut tout simplement mettre la population dans le noir. C’est leurs habitudes, pace qu’ils pensent que la politique c’est l’art de tromper. C’est eux qui se trompent, la politique c’est plutôt l’art de créer le bonheur pour le peuple, mais eux ils disent non.
Il faut le retenir, le peuple dans le noir, quand il se lève, on va créer la division entre eux, soit c’est les peulhs, soit c’est la haute guinée, ou autre région. Mais ça, c’est fini, on a compris et on en a marre. Ce n’est pas une question de peulhs ou une communauté. C’est une question qui concerne l’ensemble de tous les citoyens de notre république. Donc on s’en fout de ce qu’ils vont raconter autour de ça. Ça nous ne nous ébranle pas, s’il y a coup d’Etat, c’est la constitution qui a consacré le coup d’Etat. On dit que les citoyens sont libres de manifester quand ça ne va pas. Ce que nous faisons, c’est ce que les leaders ont demandé, c’est ce que les populations ont compris, elles ont adhéré au programme de marche. Et nous allons marcher le 04 août, quel que soit le prix à payer. C’est le moment de dire ici que les militaires, les policiers et les gendarmes de la république, qu’ils ont l’obligation de sécuriser les manifestants, parce que s’ils sont là c’est grâce à ce peuple. Parce que c’est le peuple qui paye les impôts, c’est à partir de là qu’on achète leurs tenues, les munitions, les salaires et tout, tout.
Donc ils doivent jouer leur rôle conformément à la loi. Nous n’avons pas invité des badauds, nous avons invité les citoyens pour faire passer un message, pour dire que vraiment ça ne va pas dans notre pays. Est-ce qu’il y a un mal dans ça? Mais gare à ceux qui veulent infiltrer la marche pour créer des troubles, pour qu’on dise que c’est l’opposition qui a provoqué. Nous savons que c’est la mouvance qui est en train de préparer les contre-manifestants. Pourquoi contre manifestants? S’ils sont contre, après notre marche, ils n’ont qu’à organiser leurs marches pour dire non ! Nous, on est pour.
Nous, nous avons programmé le 04 août, nous sortirons. Personne ne nous empêchera, on a peur de rien. S’ils veulent, ils n’ont qu’à se programmer le 05 ou le 06, ça leur revient de droit. Nous voulons mettre fin à cette pratique-là, qui ne cesse de diviser les Guinéens. Dire que c’est Cellou et sa communauté, non, je dis non. Malheureusement je ne suis pas à l’antenne, ce n’est pas la communauté peul, ce n’est pas le Foutah, non, c’est l’ensemble des citoyens qui vivent dans la ‘’dèche’’, qui vivent dans la précarité, dans la misère qui se lèvent aujourd’hui pour réclamer la bonne gestion de leurs ressources.
J’appelle le peuple de Guinée tout entier à se lever comme il l’a fait pour la conquête de l’indépendance. Je veux parler du 02 octobre 58. On s’est levés comme un seul homme pour dire Non à la colonisation. Nous nous sommes levés comme un seul homme en 77 pour dire à Sékou Touré ça ne va pas. Nous avons dit à Lansana Conté en 2007 que le pays va mal. C’est ce que nous voulons dire à Alpha que le pays va mal. J’en appelle au peuple de Guinée qui broie la galère, la misère, qu’il se dresse encore comme un seul homme, en se référant de ces dates repères-là pour barrer le chemin à la dictature, à la mal gouvernance, à l’injustice et à la pauvreté aigue qui assaille notre pays.
Je vous remercie.
Entretien réalisé par Alpha Amadou et Sadjo Diallo