Souleymane Traoré est le directeur du Fonds d’Entretien Routier. Nous l’avons rencontré pour parler de sa direction, du financement des routes dégradées, mais aussi des accusations portées contre le Fonds d’Entretien Routier. Entretien.
Guinee7.com : Etes-vous d’accord avec cette idée qui veut que le Fonds d’Entretien Routier soit « la vache laitière » des ministres des Travaux Publics ?
Souleymane Traoré : Il y’a des préjuges énormes qui circulent depuis toujours sur le Fonds d’Entretien Routier et qui ne correspondent pas du tout à la réalité. Vous dites, ‘‘vache laitière’’ ! Cependant nous ne finançons pas le fonctionnement du ministère des Travaux publics. Son fonctionnement relève du budget de l’Etat donc pour moi ce n’est pas une ‘‘vache laitière’’.
Dans l’imaginaire populaire, vous avez beaucoup d’argent, mais vous ne parvenez même pas à boucher des trous qui jonchent nos rues…
Il y a beaucoup de ‘‘on-dit’’, de préjugés, comme je l’ai dit, qui circulent sur le Fonds d’Entretien Routier. Il s’agit d’un établissement public à caractère industriel et commercial, d’une gestion autonome avec un Conseil d’Administration et un commissaire aux comptes indépendant. Pour ma part, au regard de tout ce qui a été dit, j’ai toujours voulus dès ma prise de fonction que nos résultats, les projets que nous finançons et les audits soient mis à disposition du public.
Si vous allez sur le site du FER, vous verrez l’ensemble des projets financés, les états financiers ont été publiés dans les journaux, les travaux financés l’ont été aussi.
Nous recevons 250 Francs Guinéens par litre de carburant vendu, ça fait dans les environ de 160 milliards de Francs Guinéens par an. Nous avons des besoins qui sont transmis par la Direction, les différents maîtres d’ouvrage que nous finançons dans l’ordre de 700 et quelques milliards.
Des pistes rurales qui relèvent du ministère de l’Agriculture, la Direction de l’Entretien routier qui relève du ministère des Travaux publics, la Direction des routes communautaires, etc., nous envoient des projets qui sont soumis au Conseil d’Administration et financés par appel d’offres ouvert auquel le FER ne participe pas.
Les 250 Francs par litre d’essence vendu, dans la moyenne de la sous-région c’est le taux le plus faible. Ailleurs c’est 500 à 600 Francs Guinéens par litre d’essence vendu. Le problème, c’est que nous avons énormément besoin de chaussées qui sont souvent très vieilles, dont on demande d’entretenir alors qu’elles méritent d’être construites. En plus les surcharges sont un problème en Afrique en général. Elles constituent un facteur de destruction énorme de routes. Les gens ne voient pas que chaque année nous fermons un trou par-ci, et deux trous par-là s’ouvrent immédiatement, souvent l’entreprises n’a même pas terminé le travail qu’on lui a confié qu’un autre trou qui n’est pas dans le contrat est ouvert. Finalement, on a comme impression que rien n’est fait. Sinon nous essayons de faire le maximum que nous pouvons avec les moyens de bord, mais les ressources publiques sont gérées dans la transparence et dans le respect des procédures.
Pourquoi attendez-vous la saison des pluies pour intervenir ?
Nous sommes tributaires de procédures. J’avoue que cela nous pose même un problème. Dans l’esprit qui a concouru à la création du Fonds d’Entretien Routier, c’était d’échapper à toutes les procédures lourdes de passation des marchés qui prennent assez de temps avec des délais longs. Mais d’un coté nous voulons la transparence et de l’autre côté on veut la rapidité, cette année par exemple, les procédures entre les marchés publics, les grand projets, ces va-et-vient nous ont fait perdre au moins six mois. Vous avez dû constater que les travaux d’entretien ont été lancés, il y a à peine un mois, sur la voirie de Conakry. Sur les routes nationales Labé-Mali, Labé-Tougué, ils ont étés lancées au mois de Juin. Ça, c’est parce que les procédures de passation sont longues. Nous-mêmes nous le déplorons. Sur la voirie de Conakry, certains travaux de bitumage et de pompages sont faits sous la pluie, nous sommes obligés de les bloquer de faire juste de la maintenance pour attendre la fin de la saison.
Vous êtes à quel taux de réalisation du plan d’action de cette année ?
Pour le plan d’action de cette année, nous sommes, en termes de passation des marchés dans l’ordre de 60 à 70 pour cent. Il y’a quelques problèmes pour certains maîtres d’ouvrages comme le Génie Rural, qui a fait des appels d’offre régionaux pour passer les marchés, mais pour l’instant il y’a un blocage institutionnel parce que les seuils ont dépassé le seuil autorisé par le Ministère des Finances qui est de 400 millions pour les contrats passés localement. Tant qu’il n’y a pas de dérogation du Ministère des Finances, nous ne pouvons pas signer ces contrats. Mais des réalisations de travail n’ont pas atteint le seuil des 60 à 70%. Parce entre-temps les procédures ont pris du temps, nous sommes dans la saison des pluies, pour la plupart des travaux, nous sommes obligés d’attendre jusqu’à la fin de la saison des pluies.
Nos routes sont aussi agressées. Vous concédez ?
Il y a la responsabilité des pouvoirs publics dans l’entretien des routes. Mais il y a aussi une responsabilité collective, celle des citoyens, des constructions anarchiques qui bouchent les voies d’évacuation des eaux sont un facteur de destruction des routes à Conakry. Le jet des ordures dans les caniveaux qui est d’ailleurs un comportement du Guinéen depuis toujours -dès les premières pluies chacun sort ses ordures pour les lancer dans les caniveaux- bouche les voies d’évacuation d’eau qui stagne sur les routes et qui détruit le bitume. Puisque le premier ennemi du bitume c’est effectivement l’eau, cela pose la problématique du ramassage des ordures. C’est bon de dire la responsabilité des services publics mais il faut aussi que chaque citoyen comprenne qu’il a sa part de responsabilité dans le maintien de nos infrastructures routières. Ne jamais oublier que la route coûte énormément chère.
Est-ce que le projet de pesage pour les camions existe toujours ?
Ce projet est resté sous une phase pilote trop longtemps. Vous avez dû constater qu’on ne faisait pas payer de pénalités aux gens et donc le fonctionnement coûtait cher au Fonds d’Entretien Routier. Il faut que nous passions à une phase de réalisation surtout qu’il y a un règlement de la CEDEAO qui exige désormais que le pesage soit effectué dans tous les pays. Il y a le ministère des Travaux Publics qui a préparé un projet de lois sur la protection du réseau. Les pesages seront effectifs sur toutes les routes, c’est d’ailleurs une exigence des bailleurs de fonds qui sont réticents à financer des projets routiers en Afrique, parce qu’il n’y a pas de contrôle de charge là-dessus. Donc l’année prochaine, nous espérons que le pesage sera effectif en Guinée.
Interview réalisée par Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com