Chérif Abdallah, président du Groupe organisé des hommes d’affaires (GOHA) est une grande gueule qui ne mâche pas ses mots. Il vient de le prouver dans cette interview qu’il a accordée à votre semainier. Interview dans laquelle il jure ses grands dieux que les opérateurs économiques, victimes de pillages seront dédommages, de gré ou de force. Notre interlocuteur accuse également le gouvernement d’avoir tué le commerce en Guinée, à travers des taxes douanières, qui ont rendu la Guinée infréquentable.
Bonjour M. Chérif Abdallah. C’est quoi le GOHA ?
Chérif Abdallah : Le GOHA est une organisation de promotion et de protection de droit
des opérateurs économiques en Guinée et à l’extérieur de la Guinée. Le
GOHA est créé le 13 septembre 2003 à l’intérieur du marché de Madina.
Dieu merci, aujourd’hui nous avons pu installer des bureaux partout
dans le pays, des sections et des sous sections. Nous avons pu aussi
installer l’organisation à travers tout le continent.
Aujourd’hui comment se porte le GOHA ?
Dieu merci, le GOHA se porte à merveille.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez?
Au niveau de la Guinée, nous rencontrons beaucoup de difficultés. Vu
l’insécurité, la situation des impôts et tout ce qui s’en suit, ça
fatigue trop les opérateurs économiques. Et l’arrivée de l’épidémie
Ebola a nettement freiné les activités des opérateurs économiques.
C’est pourquoi notre organisation a contribué sérieusement pour
éradiquer cette maladie. C’est le GOHA qui a mis les kits sanitaires
avec des équipements avec son partenaire l’UNICEF dans toutes les
frontières du pays. Donc cette maladie nous a empêchés de voyager,
nous a empêché de faire beaucoup de choses. Il y a une seule ambassade
qui a donné une faveur aux opérateurs économiques, c’est l’ambassade
des États-Unis. Pendant la période la plus difficile, on donnait des
visas aux opérateurs économiques membres du GOHA, hommes et femmes pour
aller à Las Vegas, à Atlanta dans le cadre des foires, des formations.
Toutes les recommandations du GOHA ont été à 100% acceptées par
l’ambassade des États-Unis, malgré l’épidémie Ebola. Nous profitons de
votre micro pour encore une fois les féliciter.
Où en est-on avec le dédommagement des commerçants victimes de pillages
pendant les manifestations politiques?
Ceux qui ont promis n’ont absolument rien fait. Nous ne sommes même
pas informés de ce qui se passe. C’est ce qui est en train de nous
fatiguer dans ce pays. Parce que si on promet, on ne réalise pas, c’est
extrêmement grave. Donc de toute façon, moi je sais que d’un moment à
l’autre les opérateurs économiques seront dédommagés. Mais c’est
dommage en Guinée qu’à chaque mouvement on attaque les opérateurs
économiques et leurs biens. En Guinée on ne respecte pas les
opérateurs économiques. On n’a pas cette notion de respect. Parce que
inconsciemment dès qu’il y a manifestation, que ça soit politique ou
autres, on se lève pour s’attaquer aux biens des opérateurs économiques.
On ne sait pas que l’industrie mondiale c’est toute une chaîne. Quand
vous toucher un opérateur économique, qu’il soit dans un magasin, un
super marché, une boutique, qu’il soit un tablier ou un étalagiste, vous êtes en train de
freiner la chaîne de distribution. En Guinée tout ce que nous vendons
est produit en Chine, en France, aux États-Unis, en Iran ou dans d’autres
pays. Donc quand vous touchez un ici vous êtes en train de toucher les
investisseurs à travers le monde. Je vous dis et je réitère que les
commerçants seront dédommagés de gré ou de force. Ça c’est clair et
net. Je dis bien de gré ou de force. Parce qu’on a la capacité d’agir
à notre manière.
Est-ce qu’on peut savoir à combien s’élève le montant des pertes,
subies par les commerçants ?
Nous, aujourd’hui très malheureusement, nous avons recensé 1 568 opérateurs économiques victimes de pillage, avec plus de 219 milliards de francs guinéens de perte. Mais sans compter les victimes de Mali Yemberin. Je pense que si on entend des
montants qu’on a donnés par ci et par là, et que les autres dénoncent
dans les rapports, on trouve que ce n’est pas trop compliqué pour
l’Etat de dédommager les opérateurs. Parce que les chiffres qu’on
entend là, et ça trouve que c’est notre propre contribution, je pense
que c’est un petit recours pour les opérateurs économiques. Donc
l’Etat peut faire face au dédommagement des victimes.
Quelles sont les démarches entreprises par votre organisation pour le
dédommagement des victimes ?
Nous, à chaque évènement ici, chaque rapport produit, nous l’envoyons à
la présidence de la République, la Primature, le ministère de
l’Intérieur et de la décentralisation, le ministère du Commerce et de
l’industrie, le ministère de l’Economie et des finances. Bref le
gouvernement reçoit le rapport. Ensuite la Cour suprême, le conseil
économique et social, l’Assemblée Nationale et maintenant la Cour
constitutionnelle reçoivent le rapport aussi. Du côté des institutions
internationales, nous leur faisons parvenir les rapports. Nous avons
le système des Nations Unies, l’Union Européenne, la Banque Mondiale,
la Banque Africaine de Développement, la CEDEAO et l’Union Africaine.
Et la presse dans son ensemble reçoit le rapport aussi. Malgré tout,
personne n’a levé le petit doigt pour dire quoi que ça soit. Dans les
accords de 2013, le dédommagement des victimes figurait. Si ça a été
respecté depuis lors, qui allait réclamer aujourd’hui le
dédommagement. Les victimes ne sont pas contentes. On ne peut pas
développer un pays dans la démagogie.
L’opposition menace de reprendre ses manifestations de rue. Ne
craignez-vous pas des répercussions sur vous ?
On n’a pas peur. Malheureusement on est habitués. On n’a pas peur de
qui que ce soit ou de quoi que ce soit. Si on continue à nous attaquer
on va agir. Vous pensez que les opérateurs économiques ne sont pas au
nombre de millions de personnes. Nous sommes au nombre de millions de
personnes, d’hommes et de femmes. Il y a des milliers de femmes qui
vendent à Madina. Ce sont les commerçants qui leur la plupart à
crédit pour vendre. Si on continue à piller les biens des commerçants
les femmes auront quoi pour se nourrir et avec leurs familles. Nous
payons des taxes, le devoir de l’Etat c’est de protéger les opérateurs
économiques en retour. On ne leur donne pas de l’argent parce qu’ils sont
beaux ou parce qu’ils sont au commandement, non. On donne pour que nous
soyons protégés. Nous sommes tous citoyens guinéens à part égal. Donc
qu’on nous respecte. Si un seul commerçant est touché à travers le
pays par rapport à ça, c’est à l’Etat que nous allons demander des
comptes. Parce que nous ne payons pas des taxes ni à l’UFDG, ni au RPG,
ni à un autre parti politique. Nous payons des taxes à l’Etat. Donc
c’est à l’Etat de nous sécuriser. Il y a les forces de défense et de
sécurités, c’est leur devoir de protéger les citoyens et leurs biens.
Et si on laisse faire, il y a un proverbe qui dit quand la maison
brûle les cafards et les souris vont en pâtir ensemble. Donc on ne doit
pas laisser faire du tout. S’il y a eu des attaques à Mali Yemberin,
des militaires attaquent qui ? Des commerçants en pleine journée, c’est
parce que ce qui s’est passé à Conakry, à N’Zérékoré, à Kérouané n’a
pas été sanctionné. Il n’y a jamais eu d’enquêtes. Sinon ça n’allait
pas arriver. Soyez sûrs et certains que ce genre de pratique va chasser les
investisseurs dans ce pays.
On vous accuse souvent de rouler pour l’opposition. Quel est
votre point de vue?
Qu’on nous qualifie d’opposants ou partisans de la mouvance, nous
sommes des citoyens, nous sommes des opérateurs économiques. Si je
veux être candidat dans une élection, personne ne pourra m’empêcher.
Si un autre opérateur aussi, personne ne pourra l’empêcher. Donc cette
démagogie c’est seulement en Guinée. Au Bénin, aujourd’hui c’est un
homme d’affaire qui est président. Aux États-Unis l’un des candidats
pour la présidentielle américaine en l’occurrence Donald Trump est un
homme d’affaire. Dès que vous défendez carrément les opérateurs
économiques, on dira tout de suite que vous êtes de l’opposition. Dès
qu’on vous voit faire des assainissements, voyager avec les ministres,
on dira que vous êtes de la mouvance. C’est ça la démagogie. Et
cela nous laisse au pôle nord. Ça ne nous fait ni chaud, ni froid. On
s’en fout éperdument de ça. On ne peut pas travailler dans
l’environnement des affaires alors qu’on est partisans. C’est pourquoi
le GOHA est neutre. Nous ne sommes pas là pour cirer les chaussures de
qui que ce soit.
Le marché Madina est complètement sale. Pourquoi selon vous on ne
parvient pas à rendre propre ce lieu?
La boue que vous voyez à Madina on dirait que ce n’est pas le poumon
du système commercial de la Guinée, voire le poumon du système
commercial ouest-africain, avant qu’on ne le détruise, parce que
maintenant c’est détruit, ce n’est plus le poumon du système
commercial ouest-africain. Tous les commerçants résident dans la boue,
c’est comme si les commerçants ne payaient pas les taxes. Il n’y a aucune
route qui est bonne. Donc cette question devait être posée à l’Etat.
Nous avons écrit aux ministères des Travaux publics et de
l’Environnement par rapport à ça. Nous avons écrit aussi au ministère
de l’Energie pour les lampadaires. Mais malheureusement il n’y a pas
de suite. Je vous dis une fois encore que les commerçants guinéens ne
sont pas considérés. Toutes les boutiques à Madina payent
régulièrement pour que ces saletés-là soient dégagées. Mais il n’y a
aucune route, il n’y a pas de lampadaires, pas de goudron et le marché
n’est pas propre. Nous avons à plusieurs reprises nettoyé le marché
de Madina. Mais lorsque les gens ont vu que ça réussissait
normalement, ils ont cherché à saboter.
S’il vous plait, qui a saboté?
Certains sabotages venaient du gouvernorat à l’époque. Chose qui était étonnante.
Ils sont allés dire que nous avons assaini les marchés de Madina, de
Niger, de Taouyah et les autres marchés de la capitale. Donc Chérif
Abdallah veut être gouverneur de la ville de Conakry maintenant,
c’était au moment de Sekou Resco. Nous avons fait le même travail à
l’intérieur, ils ont dit non il ne veut pas être gouverneur plutôt il
veut être ministre du Commerce. Si je veux être ministre
qu’est ce qui va m’empêcher d’aller voir le président. Il sera
intéressé parce qu’il sait que les commerçants sont derrière moi. Mais
ça ne m’intéresse pas.
A votre avis, qu’est-ce qu’il faut pour remédier à cette insalubrité?
L’Etat n’a qu’à faire son travail. Nous avons un gouvernorat, nous
avons un ministère, ils n’ont qu’à nettoyer le marché. S’ils veulent
ou ne peuvent pas du tout, qu’ils nous appellent on discute et on met
un contrat en place. Si on donne le nettoyage des marchés au GOHA,
nous allons nettoyer tous les marchés de façon extraordinaire et vous
ne verrez absolument rien. Mais cela demande des moyens. On peut le
faire parce que justement, nous on ne va pas détourner l’argent qui
sera destiné à ça. Les nettoyages qu’on faisait même des diplomates
de l’ambassade des États-Unis venaient balayer avec nous, avec des
directeurs de banques et de sociétés. Je prends cette garantie devant
le peuple qu’on peut le faire.
Vous dites dans un passage que le marché de Madina était le poumon du
système du commerce ouest-africain. Pourquoi il ne l’est plus
aujourd’hui?
Parce que les taxes sont augmentées, les autres pays ne viennent plus
acheter ici. Les taxes sont augmentées partout, tout est cher.
Après Ebola au lieu de diminuer les taxes pour essayer d’attirer
encore les gens, afin qu’ils viennent, on augmente.
En tant qu’opérateur économique pourquoi les prix augmentent de jour en jour?
Si les prix sont chers, on devait plutôt poser la question à la douane
et aux impôts. Pourquoi après Ebola les taxes ont été augmentées. C’est à eux que vous devez poser la question. Les commerçants ne rendent pas
la vie chère à la population. Celui qui le dit, dites-lui qu’il
ment, et que c’est Chérif Abdallah qui le dit.
Vous êtes candidat pour la présidence de la Chambre de commerce. Où en êtes-vous avec le conflit qui vous oppose à vos adversaires?
Vous savez il y a eu des sélections au niveau de Faranah, qui ne sont pas des
élections. Ils ont sélectionnés des gens pour dire qu’il y a eu des
élections. Il y a un rapport qui a démontré que tout est faux. Nous
avons été en contact avec près de 750 opérateurs économiques de
Faranah qui ont dénoncé cela. Ce qui s’est passé à Faranah, c’est tout
sauf une élection. Ensuite à Matoto il y a eu deux urnes. L’une c’est
Monsieur tel et l’autre c’est Monsieur tel, même dans un jeu d’enfant
on ne fait pas ça. Finalement même si ce sont des carnets que vous
déchirés, vous remplissez votre caisse, celui qui remplit le plus
c’est lui qui a gagné. Pourtant moi j’étais candidat, je n’avais pas
mon urne là-bas.
Le prochain vote est prévu quand ?
Il n’y a pas de vote d’abord, parce que si on décide de maintenir cette
magouille là, ceux qui vont cautionner cette magouille-là, on va demander
leur départ quel que soit leur niveau et je jure ils bougeront. Et
pour ça nous mettrons tous les opérateurs économiques en Guinée et à
l’extérieur en mouvement. On ne cautionnera pas ça. Un tordu ou
n’importe qui ne parlera pas au nom des opérateurs économiques, alors
que nous savons pertinemment que la personne est tordue.
Entretien réalisé par Alpha Amadou et Sadjo Diallo