Censure

A propos des droits de l’homme ‘‘par rapport à un passé un peu plus lointain, nous disons qu’il y a un progrès’’, dixit le vice-président de l’OGDH

Dans cet entretien accordé à notre reporter, Elhadj Mamadou Malal Diallo, vice-président de l’Organisation guinéenne de défense des droits humains et des citoyens (OGDH), trouve que la justice guinéenne ne remplit pas son rôle qui est celui « de rendre la justice aux justiciables ». D’où ce déficit de confiance observé dans les rapports entre les citoyens et leur justice.

Comment se porte l’OGDH ?

Elhadj Mamadou Malal Diallo : L’OGDH se porte bien et nous continuons notre travail.

L’opposition a organisé une manifestation le 16 août dernier, qui s’est soldée par un mort. Quels sont vos sentiments à propos de cet incident?

Nous regrettons la mort de ce jeune homme qui était au troisième étage de son bâtiment. Alors qu’il n’était même pas en train de manifester, qui a reçu une balle et qui en est mort. C’est pour cela qu’avant même la manifestation, nous avons invité la presse pour sonner l’alarme, parce que nous nous attendions à ce qu’il y ait ce genre de bavure. Mais comme la manifestation s’est globalement déroulée sans accrochage jusqu’à la fin, ce qui est étonnant, c’est pourquoi on a barré la route au niveau de Bambeto. Pourquoi on s’est mis à tirer à balle réelle sur les gens. C’est ça qui nous étonne. Lorsque nous avons appris le décès de ce jeune homme, nous nous sommes rendus à la clinique Mère et Enfant. Nous on a eu l’information sur non seulement le cas d’autres blessés par balles, qui ont transité par ce centre. Alors nous avons décidé d’en parler avec le bureau exécutif, et de  faire éventuellement une déclaration pour fustiger. Mais déjà dans notre conférence de presse, on avait bien prévenu les parties, l’opposions, le pouvoir, les forces de défense et de sécurité. Tout le monde. Nous les avons mis devant leur responsabilité. La liberté de manifester est prévue par la loi. Pourquoi on ne peut pas manifester tranquillement et rentrer chez soi sans être tué. C’est ça la grosse question que se pose l’Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l’Homme.

De plus en plus les citoyens se  plaignent  du manque d’indépendance de la justice. Selon vous qu’est-ce qui explique cela, et que  faut-il  pour y remédier ?

Je ne sais pas ce qui est à la base de ce manque d’indépendance de la justice. Parce qu’il est bien dit dans la constitution que la justice est indépendante. Les trois piliers de la démocratie, ce sont le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Mais si la justice n’est pas indépendante, c’est la faute peut être aux hommes qui gèrent cette justice. Mais les textes sont clairs, la justice est indépendante du législatif et de l’exécutif. C’est ceux qui sont à la tête de la justice qui peuvent dire pourquoi la justice n’est pas indépendante. C’est qu’on a l’impression qu’il y a un manque de confiance de la part des citoyens par rapport à la justice guinéenne. Ils ont fait une amère expérience. Si la justice ne joue pas son vrai rôle, mais les citoyens ne peuvent pas avoir confiance en une justice où on a l’impression qu’elle est manipulée. Les citoyens ont raison de ne pas avoir confiance. C’est à la justice de faire en sorte que la confiance s’établisse entre elle et les citoyens guinéens. Les gens ont tiré les leçons depuis l’indépendance jusqu’à maintenant, la justice guinéenne ne s’est pas inscrite dans son vrai rôle, c’est-à-dire le rôle de rendre la justice aux justiciables.

Le Colonel Issa Camara se promène aujourd’hui librement à Conakry malgré les incidents  qu’il a provoqués à Mali Yimberin. Comment expliquez-vous cela en tant que membre de l’OGDH?

Bon, normalement quand il y a des évènements de ce genre, on s’en occupe au niveau de l’armée. Parce que c’est un agent de l’armée. Nous n’avons pas pu à aller d’abord à Mali Yimberin pour savoir ce qui s’est passé, mais il semble que c’est un problème entre ce colonel et un jeune chauffeur. Mais normalement ce n’est pas le colonel qui règle le problème des chauffeurs, c’est peut-être la police. Pourquoi en est-on arrivé là. Mais comme on nous dit qu’il y a une procédure qui est ouverte, on va se renseigner pour savoir quelle est la suite donnée à cette affaire.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le fonctionnement de l’INIDH?

L’Institution Nationale Indépendante des Droits de l’Homme fonctionne comme elle peut. Mais ce que nous apprenons de la part même de cette institution, c’est que ça ne va pas. Ça ce n’est pas n’importe qui, qui le dit, ce sont des membres même de l’institution par medias interposés. Donc ça il faut peut-être que vous vous adressiez à eux pour savoir qu’est ce qui ne va pas.

Depuis 5 mois Richard Guilavogui  de l’ONG AGEMAF est détenu à la maison centrale pour avoir dénoncé la pollution marine causée par la SOBRAGUI. Quelle  est votre réaction à propos de cette interpellation?

L’affaire n’est pas arrivée chez nous. Mais à partir de maintenant, on va s’intéresser à ça. Si quelqu’un est 5 mois en prison, ce sont deux choses : ou bien il a été jugé et régulièrement condamné à 5 mois ou plus ou bien il est là de façon illégale. Donc on va se renseigner pour savoir pourquoi il est en prison. C’est vous qui nous informez de cette affaire. Mais on va essayer de savoir qu’est ce qui se passe. Pour le moment, on ne peut pas se prononcer sans savoir sur quoi on se prononce.

Comment évaluez-vous le respect des Droits de l’Homme en Guinée aujourd’hui ? Est-ce qu’il y a eu une évolution ou pas ?

Si nous comparons la situation actuelle à un passé un peu plus lointain, nous disons qu’il y a un progrès. Rien que du fait que vous soyez devant moi, que je sois libre de m’exprimer sans craindre demain matin qu’on vienne me chercher, c’est déjà un progrès. La liberté d’expression, elle est effective, même si quelques fois il y a des journalistes qui en abusent. C’est très bien, il y a une avancée. Les autres droits, les gens maintenant peuvent manifester. Vous avez vu la manifestation de l’opposition, ça c’est un droit prescrit par la constitution. Donc je crois qu’il y a un progrès, ça ne veut pas dire que tout est parfait, je ne le dirais pas, ce n’est pas parfait. Mais je sais que progressivement on va vers un Etat de droit. Mais L’Etat de droit dont on se vente d’être, ce n’est pas ça. On n’est pas arrivé là encore. Mais c’est petit à petit, pas à pas, on y arrivera.

Avez-vous un appel à lancer à l’endroit des gouvernants et des citoyens?

S’il y a des gouvernants, c’est parce qu’il y a des gouvernés. Les gouvernants sont là au service des gouvernés. Ils sont au service du peuple. Ils ne sont pas là pour se servir du peuple, ils sont là pour servir le peuple. Alors l’appel que je vais lancer c’est de faire en sorte que les citoyens jouissent librement de leurs droits. Et que les forces de l’ordre soient-là pour sécuriser les citoyens dans la jouissance de leurs droits. Si maintenant dans ça, il y a des citoyens qui abusent de leurs droits au détriment des autres, la justice est là pour faire son travail. Donc les citoyens doivent être responsables dans la jouissance de leurs droits. Et les responsables à tous les niveaux doivent être responsables dans leurs missions d’encadrement et de sécurisation des citoyens.

le démocrate

Entretien réalisé par Amadou Sadjo Diallo

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