Censure

Entre éleveurs et agriculteurs en Forêt, s’interposent des juges et policiers corrompus

Les conflits entre paysans et éleveurs sont devenus récurrents depuis quelques années en Guinée, des conflits aux conséquences multiples : des bœufs sont  abattus, des bagarres se soldent par coups et blessures ou mort d’hommes, des interpellations, des procès, amandes et peines de prison.

Comment en est-on arrivé à ces conflits récurrents ? Trois causes fondamentales se dégagent : Primo la rareté des pâturages. En parcourant les préfectures du Fouta, la région par excellence de l’élevage en Guinée, vous avez peu de chance de rencontrer des troupeaux de bœufs, on vous dira que les pâturages sont détruits sous les effets conjugués des feux de brousse et du déboisement intensif, ce qui contraint les éleveurs à émigrer en Basse Guinée et en Guinée Forestière, deux zones humides qui offrent des espaces suffisamment herbeux. Il faut ajouter à la rareté des pâturages l’existence de conflits armés au nord Mali qui poussent les éleveurs de ce pays voisin à chercher des terres plus clémentes pour leurs troupeaux de bœufs zébus.

Secundo les méfaits de l’élevage traditionnel. L’élevage intensif dans des parcs aménagés avec toutes les commodités modernes, tel qu’il est pratiqué dans les pays développés, est totalement méconnu chez-nous. En Guinée comme ailleurs en Afrique c’est l’élevage traditionnel qui a cours, les bêtes divaguent et broutent tout sur leur chemin. Tertio la corruption et le laxisme de l’administration. Les éleveurs étant plus riches que les paysans, il leur est loisible d’user de leurs moyens financiers ou en nature pour corrompre les agents de l’administration toutes hiérarchies confondues.

Un des derniers cas de conflits survenus dans la préfecture de Beyla est illustratif de ce qui se passe sur le terrain. De nombreux troupeaux de bœufs locaux et de bœufs zébus sont parqués dans la forêt classée qui couvre les versants du Pic de Fon reliant les préfectures de Beyla, Kérouané et Macenta. Selon des témoignages dignes de foi, les propriétaires de ces troupeaux se sont installés après avoir négocié avec des natifs du terroir dans chaque village et avec le Centre Forestier de N’Zérékoré qui aurait empoché la somme de 32 400 000 FG pour donner son accord.

Les bœufs divaguant, sortent de la forêt, détruisent régulièrement les cultures des villageois. Voilà que des habitants du village de Balladou, excédés suite à plusieurs plaintes restées infructueuses, abattent un bœuf courant août 2016. Aussitôt les éleveurs et leur hôte du village portent plainte à la Justice de paix de Beyla, plainte appuyée par une enveloppe de 3 000 000 de FG dont 2 000 000 pour le commissaire de police et 1 000 000 pour le juge. Six paysans sont convoqués d’urgence et enfermés d’abord 48h au violon de la police, ensuite déférés à la prison civile où ils resteront 14 jours, il leur est demandé de rembourser neuf bœufs et de payer 4 000 000 de FG d’amande. Après moult tractations ils sont  relaxés le 7 septembre 2016, leurs familles ayant déboursé auparavant 6 000 000 de FG dont 3 100 000 pour le juge, 900 000 pour le régisseur de la prison, 2 000 000 pour les plaignants qui ont reçu en plus un bœuf. Ajoutons que les plaignants exigent pour clore le problème au  village le paiement de neuf bœufs pour un montant global de 30 900 000 FG ; les accusés, eux, estiment qu’ils n’ont plus rien à payer.

A quand donc la fin des conflits entre paysans et éleveurs en Guinée ? On peut dire sans risque de se tromper qu’il y en aura pour longtemps encore, car l’administration ne joue pas franc jeu. Et dans cette bataille à armes inégales, les pauvres paysans sont toujours perdants.

le démocrate

Walaoulou BILIVOGUI

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