Censure

Pourquoi le Franc Guinéen est-il si déprécié ? Le Docteur Nasser Keïta répond

Dans ce papier, nous allons répondre très succinctement à quelques questions basiques pour la compréhension du public cible, il ne sera pas question d’utiliser un modèle macro économétrique qui va complexifier le sujet.

Il faut savoir que nous sommes tous dans le même bateau :

1) POURQUOI LE FRANC GUINÉEN EST-IL SI DÉPRÉCIÉ ?

2) Y A-T-IL D’AUTRES FACTEURS QUI VONT À L’ENCONTRE DE LA STABILITÉ DU FRANC GUINÉEN ?

3) QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE LA DÉPRÉCIATION DU FRANC GUINÉEN ?

RÉPONSES :

La valeur du Franc Guinéen et son évolution synthétise l’état de toute l’économie (elle ne dépend pas d’un groupe d’individus). Sa dépréciation est une tendance observée depuis 2014. L’accélération de dépréciation et son instabilité accrue méritent une attention prioritaire. Pour l’analyser, les causes structurelles en sont manifestes : il s’agit d’un défaut de compétitivité de l’économie Guinéenne couplée avec un contexte de fragilités macroéconomiques aux causes multiples et d’inaction de la politique économique.

En dépit de ce défaut de compétitivité, le régime de change Guinéen est de plus en plus flexible. Or, un régime flexible suppose (a) une économie performante, (b) des secteurs exposés réellement compétitifs, et (c) des banques performantes tendant à couvrir les normes internationales. Ces conditions ne sont pas actuellement vérifiées pour l’économie Guinéenne. Un travail préalable aurait dû être fait sur (a) le choix du régime de change optimal, (b) la stratégie commerciale, (c) la diversification verticale et horizontale du système productif.

2) Y A-T-IL D’AUTRES FACTEURS QUI VONT À L’ENCONTRE DE LA STABILITÉ DU FRANC GUINÉEN ?

Outre les chocs des termes de l’échanges et l’instabilité des marchés mondiaux, d’autres facteurs de court terme réagissent à l’encontre de toute stabilité du Franc Guinéen, selon le régime actuel, il n’est pas permis à la BCRG (sauf oublie ou erreur de notre part) d’intervenir sur le marché interbancaire de change qu’en injectant la devise quand le taux de change dévie trop par rapport au fixing. Ceci fait anticiper les banques de la place sur l’intervention future de la BCRG et leur offre la possibilité de spéculer sur le Franc Guinéen, et va de pair avec les intérêts des banques les plus performantes, (b) absence de transfert journaliers des soldes en devises à la BCRG, précisément au département des changes (sauf erreur ou oublie de notre part), cette absence de nivellement journalier est potentiellement favorable à l’expansion du marché parallèle de la devise et donc à la distorsion additionnelle du système de prix.

En plus de ces raisons internes, la politique monétaire aux USA consistant au relâchement du QE (qui s’est traduit par la hausse des taux directeurs de la Fed) a fait que le dollar s’apprécie par rapport à l’Euro par le biais du « Carry Trade » et de la diversification internationale de portefeuilles (puisqu’en même temps la BCE a adopté le QE pour éviter le risque de désinflation en Europe). Cette hausse du dollar s’est renforcée par le biais du prix du pétrole, soit un fait stylisé vérifié depuis l’adoption de la monnaie unique en 1993 de telle sorte que le Franc Guinéen soit déprécié par rapport au dollar.

3) QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE LA DÉPRÉCIATION DU FRANC GUINÉEN ?

À notre sens, les effets de cette dépréciation seraient (a) des tensions inflationnistes importées, (b) le gonflement de la dette extérieure en monnaie locale, (c) l’élargissement du déficit courant au vu de l’inélasticité de nos importations ainsi qu’une partie de nos exportations, (d) l’érosion des réserves de change au vu des engagements de la BCRG en matière de paiements extérieurs et d’injection sur le marché de change,(e) le chômage dans les activités dépendantes de l’arbitrage qui leur sont imposé entre « répercuter la hausse des prix due à la dépréciation du Franc Guinéen sur les prix » et la contraction de leurs activités due justement à la dépréciation.

RÉCOMMANDATIONS DE POLITIQUES ÉCONOMIQUES :

1) il est impératif de prévoir des politiques fiscales préventives prévoyant le glissement du déficit budgétaire concomitant à celui commercial, (principe des vases communicants) qui de son côté, évolue à la lenteur des exportations et l’inélasticité des importations ;

2) créer une instance suprême de pilotage de cette dépréciation pour la gestion des fragilités macroéconomiques, synthétisées da la dépréciation du Franc Guinéen qui soit soutenue par des compétences nationales maitrisant l’ingénierie économique ;

3) le renforcement du contrôle des transactions en devises (sources et destination point non obligatoire) par un plan de sécurité ferme, et aussi la possibilité d’instaurer une zone de sécurité pour la production et l’exportation de l’Or ;

4) le FMI, la BM, la BAD et l’UE ne devraient pas être les seules partenaires de développement et de reformes structurelles, une fédération d’un plan d’action collectif programmé dans le temps, et surtout une stratégie de communication responsable coordonnée entre la BCRG et le Gouvernement, basée sur la mobilisation de toutes les parties prenantes y compris la population, y compris la relance de l’investissement privé.

Dr Nassirou Narena Keita, directeur du

Laboratoire de Recherche en Economie et Conseils

 

 

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