Censure

Dialogue : Un cadre de l’UFDG sceptique estime que ‘‘l’opposition républicaine doit donner un ultimatum au gouvernement’’

L’opposition fait et continue de faire appel au dialogue de tous ses vœux, ce n’est qu’avec ses adversaires qu’on pourra construire notre pays. Tous les guinéens veulent et sont pour un dialogue. Mais un dialogue franc, libre de toute tactique politicienne.

Par contre, l’expérience a montré que le dialogue inter-guinéen est verrouillé dans la mesure où les délégués du gouvernement pour participer au dialogue doivent forcement rendre compte au locataire de la présidence qui a toujours le dernier mot pour la suite du débat. Ce dernier, pour une première fois, a pris un engagement ferme devant l’opinion nationale et internationale en sa qualité de garant des institutions de respecter et de faire respecter les dialogues antérieurs notamment celui du 20 août 2015 et les conclusions du dialogue en cours.

Diderot disait : « l’homme vrai est celui qui met ces actes en face de ces mots»

L’on se demande pourquoi les dialogues antérieurs entre la mouvance et l’opposition n’ont jamais été mises en pratique dans leur intégralité ? Sinon rien n’est plus simple que de respecter un accord signé lorsqu’on a de la volonté.

Sans oublier qu’il y a eu un accord obtenu lors des discussions du 5 au 9 juin 2013 et du 2 au 3 juillet 2013 entre la mouvance présidentielle et l’opposition sur les modalités d’organisation des élections législatives de 2013 dont le débat était autour de la question liée au fichier électoral, le fonctionnement de la CENI…

Vu la non-application de l’accord 2013 dans son intégralité, un autre dialogue a été relancé en 2015 couronné par un autre accord du 20 août 2015 que nous allons détailler à titre d’exemple. Les signataires de l’accord du 20 août 2015 sont le représentant des Nations-unies Ibn Chambas, le représentant de l’Organisation internationale de la francophonie M. Sokona, le chef de la délégation de l’Union Européenne M. Gerardus, l’ambassadeur des Etats-unis d’Amérique M. Laskaris, l’ambassadeur de France M. Favier, la société civile, Mme Camara, sans oublier les représentants de la mouvance M. Touré Saramady, de l’opposition M. Condé Aliou, enfin du gouvernent M. Sako. Les parties au dialogue se sont accordées sur les points suivants :

1- La correction de toutes les anomalies figurant dans le fichier électoral. Lorsque nous jetons l’œil sur les conclusions de la mission d’observation de l’Union européenne pour les présidentielles de 2015 dirigée par M. Frank Engel membre du Parlement européen, le taux de participation dans la région de Kankan est supérieur de près de vingt points par rapport au reste du pays. Le taux de participation dans la région de Kankan est à 95% pour un taux de participation à 68% au niveau national (Voir page 51 du rapport final de la mission d’observation de l’Union Européenne sur l’élection présidentielle du 11 octobre 2015).

La participation dans la région de Kankan est largement supérieure à la moyenne nationale qui sous-entend que la région de Kankan est plus peuplée que Conakry (la capitale guinéenne). Quel recensement !

En revanche, certaines circonscriptions électorales du pays, notamment à Ratoma et à Matoto où la distribution des cartes n’a commencé qu’entre le 1er et 3 octobre 2015, des citoyens guinéens ont été privés de leur droit de vote à cause des retards dû au processus de distribution des cartes. Dans les consulats et ambassades, la distribution des cartes d’électeur a commencé cinq jours avant l’élection présidentielle empêchant ainsi plusieurs guinéens de récupérer leurs cartes d’électeur afin de pouvoir voter dans la sérénité, cas de la France. Puis, une augmentation du corps électoral dans la région de Kankan avec plus de 27% par rapport à l’élection législative de 2013, là aussi au dessus de la moyenne nationale qui est de +15%. Par contre, une stagnation, voir une diminution de l’électorat en moyenne Guinée par rapport à 2013, elles s’échelonnent entre -1% à Dalaba et Pita et -15% à Koundara, avec Mali et koubia et -7% à Tougué (Voir page 51 du rapport final de la mission d’observation de l’Union Européenne sur l’élection présidentielle du 11 octobre 2015).

De tout ce qui précède, on constate que l’élection de 2015 a été tout sauf transparente, pourtant les accords du 20 août 2015 avaient noté la correction de toutes les anomalies avant l’élection du 11 octobre 2015. C’est en soi un coup de force qui a été imposé au peuple de Guinée. Pourquoi dialoguer si les conclusions du dialogue ne seront jamais appliquées ?

2- Les élections communales auraient dû être organisées le 1er semestre de l’année 2016. Là, encore l’une des revendications actuelles de l’opposition est l’organisation de l’élection communale. Lors de l’accord du 20 août 2015, il a été évoqué l’organisation des communales et communautaires dont leur mandat a expiré depuis 2010, plus de 40 000 agents de l’administration locale sont illégalement installés selon Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG. Ça relève de l’utopie de croire qu’une élection pourrait être transparente alors que toute l’administration locale agit pour et au nom du pouvoir en place. Sur quelle base faire un dialogue lorsque le système en place refuse d’appliquer les accords passés ?

3- Toujours dans les conclusions de l’accord du 20 août 2015, il était mentionné la recomposition au plus tard le 2 septembre 2015 des 38 conseils municipaux urbains et de 90 conseils municipaux, en tout, il y avait 128 communes à recomposer. Pour rappel, ces conseillers municipaux étaient illégaux dans la mesure où aucune élection communale n’a été organisée depuis 2005. Donc le mandat des élus locaux est expiré depuis le 17 décembre 2010. L’objectif de l’administration guinéenne dès l’élection de 2010 est de contrôler tous les élus locaux qui ont participé activement à l’organisation du 1er tour de l’élection présidentielle de 2010 afin d’avoir une main mise sur les futures échéances électorales puisque ce sont eux qui reçoivent les matériaux de vote.

Pour ce faire, Monsieur Alpha Condé fraichement élu prend un décret de dissolution des élus communaux, urbains et rurales, par la suite, il « Alpha Condé » remplace tous les élus locaux par des délégations spéciales, c’est-à-dire des cadres de son parti Rassemblement du peuple de Guinée. Ceux qui n’ont pas fait allégeance à son parti ont été démis de leurs fonctions. A quoi sert un dialogue si c’est pour revenir à la case de départ ?

4- Le renforcement de la CENI par l’assistance technique internationale. Un comité de suivi a été crée pour contrôler l’inscription des personnes selon l’accord politique du 20 août 2015. Ce comité de suivi était composé des coordinateurs internationaux, des experts de la mouvance présidentielle, des experts de l’opposition, des experts de la société civile, des observateurs. L’opposition soupçonnant des mineurs dans la liste électorale a proposé d’examiner un échantillon de 5% de la population des électeurs dont l’âge varie entre 18 et 25 ans qui sont nées un 1er janvier ou un 1er juillet.

A cet effet, elle a interrogé la base pour obtenir le nombre total des personnes inscrites nées un 01/01, le résultat de cette requête a affiché 484.380 inscrits. Ensuite, l’opposition a lancé une requête pour les électeurs inscrits nés un 01/07 et a obtenu un total de 114.868 électeurs. En cumulant ces deux requêtes, on obtient un total de 599.248 électeurs inscrits valides nés les 01/01 ou le 01/07, soit 9,91% des électeurs inscrits valides et éligibles du fichier unifié de 2015 à savoir 6.042.647 électeurs valides. L’opposition qui cherchait à identifier les mineurs voulait visualiser les photos de 12.000 personnes nées le 01/01 et le 01/07. La mouvance refuse catégoriquement (Voir page 3 du Comité Technique de Suivi (CTS) de la consolidation du fichier électoral selon l’Accord Politique du 20 août 2015). Aucune élection ne sera transparente si le fichier actuel dont dispose la CENI n’est pas assaini. Comment se fait-il que 10% des électeurs sont nés le 01 janvier et le 01 juillet ?

5- Le gouvernement s’engage à assurer l’accès équitable des partis politiques et des candidats aux médias et places publics. D’ailleurs, il est précisé par une décision n°008/SC/P/ du 1er juin 2015 portant réglementation des activités des médias de service public et du secteur privé. La haute autorité de la communication (HAC) décide en son article 11 que « les interventions et déclaration du président de la République ainsi que les membres du gouvernement peuvent faire l’objet de commentaires de la part des leaders des divers courants politiques et d’opinions dans le cadre de l’exercice du droit de réponse sans préjudice des crédits horaires mensuels des formations politiques des intervenants. En cas de refus d’un organe de presse tant du service public que privé d’accorder au cours de la période l’usage du droit de réponse, la Haute Autorité de la Communication statue sans délai sur la question. »

Mettre les médias publics à la disposition des partis de l’opposition pour qu’ils donnent leur avis sur la gestion du pays n’est nullement une doléance, mais une obligation pour l’Etat. En revanche, aucun parti de l’opposition n’a droit à une antenne à la Radio Télévision Nationale « R.T.G ». Pourquoi faire appel à un dialogue qui n’aboutira qu’à la routine ?

6- Poursuites judiciaires, indemnisations des victimes et libération des militants de l’opposition suite aux violences consécutives aux manifestations de l’opposition. Des citoyens guinéens subissent des exactions de toute sorte jusque dans leur intégrité physique sans que les auteurs de ces atrocités ne soient transférés devant les tribunaux. Lors de l’accord politique du 20 août 2015, les acteurs du dialogue s’étaient engagés à identifier et à poursuivre les auteurs des crimes commis lors des manifestations pacifiques de l’opposition d’une part et d’indemniser les victimes d’emprisonnement injustifié d’autre part. De nos jours, aucune personne n’est inquiétée par une procédure judiciaire pour situer les responsabilités, encore moins indemniser les victimes de ces atrocités. Sur quel fondement peut- on tirer à balles réelles sur des manifestants pacifiques ?

De ce dialogue paraphé, rien n’a été appliqué, il ne sert à rien d’aller servir de décor sur une table sans que les conclusions ne soient appliquées. Le seul dialogue qui puisse exister est autour de l’application des dialogues précédents. Pour ce faire, l’opposition républicaine doit donner un ultimatum au gouvernement afin qu’il respecte ses engagements pris lors de l’accord du 20 août 2015 sans quoi, elle usera du droit que lui octroie la constitution à savoir la manifestation pacifique jusqu’au respect de la dernière lettre des accords signés.

Abdoulaye BAH

Secrétaire général UFDG-Section Ile de France Nord-Est

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