Lorsque le taux de change s’apprécie, le prix des biens importés tend à décliner, ce qui pousse le prix des biens domestiques à la baisse, ne serait-ce que parce que beaucoup de biens importés servent d’intrants dans la production domestique : l’économie bénéficie d’une désinflation importée. Symétriquement, lorsque le taux de change se déprécie, le prix des biens importés tend à s’accroître, ce qui pousse les prix des biens domestiques à la hausse : l’économie subit une inflation importée.
De ce fait, le taux de change joue un rôle déterminant dans l’orientation de la politique monétaire, même lorsque la Banque centrale n’a pas à défendre de parité fixe (cas Guinéen).
Guillermo Calvo et Carmen Reinhart (2002) soulignent que la perspective d’une forte et rapide transmission des variations du taux de change aux prix domestiques est l’une des raisons pour lesquelles les banques centrales révèlent une véritable « peur du flottement » (fear of floating) et interviennent sur le marché des changes pour éviter les variations excessives du taux de change. C’est en particulier le cas pour les pays en développement, ou la transmission semble plus ample que dans les pays développés.
La littérature a souligné la présence de non-linéarités et asymétrie dans les mécanismes de transmission des variations du taux de change à l’inflation. Les diverses théories microéconomiques qui ont cherché à expliquer la viscosité des prix à de faibles niveaux d’inflation contribuent à expliquer pourquoi les variations du taux de change ne se transmettent que faiblement lorsqu’elles sont faibles. Par exemple, selon la théorie des coûts de catalogue (ou coûts de menu), lorsque l’inflation est forte, les variations des taux de change se transmettent plus rapidement et plus amplement car les entreprises ont de toute façon à modifier fréquemment leurs prix. Par contre, lorsque l’inflation est faible, les coûts associés aux modifications des prix nominaux désincitent les entreprises à modifier leurs prix, ce qui affaiblit l’incidence des taux de change. En outre, plusieurs canaux sont susceptibles de générer des non-linéarités dans l’incidence des taux de change (Caselli et Roitman, 2016). Par exemple, les prix à l’exportation sont rigides à la baisse, si bien qu’il est plus facile pour les exportateurs d’accroître leur taux de marge que de le réduire. Par conséquent, lorsque le taux de change se déprécie, les exportateurs accroissent leurs prix à l’exportation plus qu’ils ne les diminuent lorsqu’il y a une appréciation. Cela suggère aussi que les dépréciations ont un plus ample effet sur les prix à l’importation que les appréciations. Une autre source d’asymétries et de non-linéarités est la rigidité à la hausse des quantités exportées. Les entreprises exportatrices qui font face à une dépréciation et qui n’exploitent que partiellement leurs capacités de production peuvent avoir des difficultés à accroître leurs ventes en accroissant leurs capacités de production. Par conséquent, elles peuvent réagir en accroissant leur taux de marge au lieu de construire une nouvelle usine, ce qui va se traduire par une faible transmission du côté de l’importateur.
Quelles Recommandations de politiques pour les autorités monétaires guinéennes?
1) La dépréciation de la monnaie n’est pas un crime économique puisqu’elle permet aux entreprises exportatrices d’être plus compétitives, donc d’obtenir plus de devises ce qui est bon pour le compte courant du pays ;
2) L’obligation de financer le secteur productif par un véritable dispositif de gestion monétaire adapté aux caractéristiques de notre économie, cela a pour impact de soutenir aussi la monnaie nationale à travers l’accroissement des réserves internationales ;
3) L’obligation pour la Banque centrale d’intervenir sur le marché afin de corriger les distorsions, même si cela n’a pas encore été avalisé par les partenaires, il est important d’opposer l’argumentaire scientifique pour les convaincre ;
4) L’obligation pour les banques de transférer les soldes journaliers en devises à la BCRG, précisément au département des changes, cette absence de nivellement journalier est potentiellement favorable à l’expansion du marché parallèle de la devise et donc à la distorsion additionnelle du système de prix ;
5) Continuer avec le développement du Middle office pour l’application stricte de la réglementation des changes ;
6) Régler le conflit d’objectif que la Banque centrale a au niveau de sa politique monétaire : l’objectif de compétitivité et l’objectif de stabilité des prix (l’inflation).
7) Revoir le taux de liquidité de l’économie Guinéenne à la hausse ;
8) Le régime de flexibilité n’arrange que les entreprises assez compétitives au plan international compte tenu de la vitesse de transmission du canal de change, ce canal, nous l’avions testé empiriquement, il est très actif en Guinée, ce n’est pas un crime d’adopter la flexibilité, mais il faut aller avec les politiques d’accompagnement : financer et soutenir votre secteur réel c’est absolument important et indispensable ;
9) Ceci nous amène à insister sur la problématique de financement des PME par les établissements bancaires.
Conclusion
Il est du devoir de tout économiste guinéen de réfléchir sur les problèmes économiques de notre pays, nous ne sommes pas pessimistes mais la complaisance dans les diagnostics économiques ne peuvent aussi nous arranger.
Nous avons la forte conviction qu’il existe des ressources humaines, des compétences inutilisées, il y a aussi d’autres alternatives pour gérer notre économie dans le sens positif afin de nous libérer de la servitude volontaire. Mais pour citer Joseph Eugène STIGLITZ (prix Nobel en Économie)« aucun pays n’a atteint la prospérité en passant par l’austérité ». Acceptons de mieux réfléchir car nous sommes tous dans le même bateau et cela en haute mer, éviter et faire en sorte que le bateau ne puisse pas couler est dans notre propre intérêt pas seulement le capitaine du bateau.
Nasser KEITA, PhD