Censure

Gouvernance et efficacité des politiques de financement du développement dans les pays de l’Afrique subsaharienne (Par Dr Nasser Keïta)

Comme indiqué à la première page de notre site, le laboratoire de recherche en économie et conseils (Lab-Rec), produit du savoir et met ce savoir au service de la société. Il exerce son activité dans tous les champs de l’économie en s’appuyant sur plusieurs activités de la recherche et de service dans le monde.

Tout comme par le passé, dans nos précédentes publications, nous entamons notre propos par deux citations : La première du célèbre économiste Joseph Eugène STIGLITZ (prix Nobel de l’économie 2001) : « aucun pays n’a atteint la prospérité en passant par l’austérité. »
La deuxième de Paul KRUGMAN, (prix Nobel de l’économie en 2008) dans son livre intitulé : Pourquoi les crises reviennent toujours ? (Éditions du seuil 2000), Cite à la page 234 :
« Que signifie l’affirmation : l’économie de la dépression est de retour ? On entend par là que, pour la première fois en l’espace de deux générations, des pannes du côté de la demande économique, des dépenses privées insuffisantes pour utiliser pleinement la capacité de production disponible sont devenues les limites évidentes à la prospérité d’une grande partie du monde. »

Revenons sur notre sujet :
La croissance économique trop faible des pays d’Afrique subsahariens, accompagnée de la faiblesse des revenus, ne leur permet pas de dégager des capacités financières suffisantes pour le développement. Il se pose alors un problème d’insuffisance de capitaux qui est résolu par le recours aux capitaux extérieurs nécessaires au financement de la croissance. Dans la majorité des cas, lesdits pays ont ainsi bénéficié, entre autres, au titre de l’aide, des fonds du FMI, de la Banque mondiale à travers les différents programmes d’ajustement structurel.
L’une des caractéristiques de la bonne gouvernance (qui conditionne l’efficacité de l’aide) est que les institutions et les procédures mises en place combattent la corruption et les comportements déviants. En effet, la gouvernance est d’une importance cruciale pour la création d’un environnement commercial attractif et propice à l’investissement. Elle est, dès lors, vitale pour assurer le développement économique et, par conséquent, pour s’attaquer à la pauvreté. Par contre, la mauvaise gouvernance notamment la corruption est une réalité largement répandue dans l’ensemble des économies en développement tant au niveau du secteur public que du secteur privé. Elle constitue une taxe sur les pauvres en ce sens que les coûts qu’elle engendre sont supportés par ces derniers. Mais, dans le contexte des pays concernés, en particulier les pays de l’Afrique au Sud du Sahara, force est de constater que les fonds provenant de l’aide sont souvent gérés par des organisations bureaucratiques hypertrophiées, incompréhensibles et peu soucieuses des principes économiques élémentaires, et que la corruption, les détournements de deniers publics restent omniprésents dans de nombreux cas. Il s’en suit que la question n’est pas de savoir s’il faudrait supprimer l’aide, mais plutôt de déterminer si elle peut être efficiente dans ces conditions.

En effet, la croissance des économies africaines bénéficiant de cette importante aide, a baissé, en moyenne, malgré l’augmentation constante du pourcentage de l’aide par rapport à leur revenu, et n’a donc pas, par conséquent, contribué à réduire la pauvreté de manière significative (Boone, 1996 ; Svensson, 1999). Entre 1990 et 1998, lesdites économies ont enregistré un taux de croissance moyen annuel négatif (- 4,3%) tandis que, en Asie, ce taux oscille autour de 3,6%. De plus, elles font face, à la fois à une amplification des cycles économiques de la crise et de la pauvreté. Si on considère uniquement les pays les moins avancés (PMA), dans les années 80 et 90, leur situation s’est dégradée nettement puisque leurs revenus par habitant ont crû moins vite que la moyenne mondiale. Pour beaucoup d’analystes, ils ont même fortement diminué au point d’entraîner ces pays dans «une trappe de pauvreté» (Giraud, 2002).

  1. LA LITTERATURE SUR L’EFFICACITE DE L’AIDE

L’un des termes largement débattus, au début des années 1990, est celui de la gouvernance qui implique une relation causale entre le mode de gouvernement et le niveau de développement. Les institutions de Bretton Woods soulignent qu’une gouvernance positive est l’une des conditions nécessaires à la croissance et à un développement soutenu (Frischtak, 1994). A ce propos, ils affirment que « Good Governance is good economics ». C’est sans doute pourquoi la notion de gouvernance est au cœur du nouveau modèle de développement recommandé par les institutions de Bretton Woods, au cours des années 1990, face à l’incapacité avérée des politiques d’ajustement à promouvoir la croissance. Partie d’une conception purement techniciste, cette notion s’est élargie aux considérations démocratiques, de telle sorte que la « bonne » gouvernance est aujourd’hui vue comme une synthèse de la gouvernance techniciste (meilleure gestion des ressources budgétaires afin de relancer les réformes de la Fonction publique et de l’appareil étatique) et de la gouvernance démocratique (légitimité du gouvernement et de son ouverture à la société civile, afin que les leaders politiques répondent mieux aux besoins et aux attentes des populations, la démocratie soutenant le développement socio-économique). Vue sur cet angle global, la démocratie prend en compte trois aspects à savoir : le politique, l’économique et le social.
Il faut observer toutefois que, dans le discours des agences d’aide, il convient de distinguer la coexistence d’au moins deux définitions de la gouvernance : une définition normative et une définition plus descriptive. En particulier, selon la première approche, la gouvernance est devenue une norme, un nouveau moyen de régulation internationale et, dans la pratique, la gouvernance a embrassé les notions, concepts de démocratie, de droits de l’homme et de limitation des dépenses militaires.

Pour la Banque mondiale en particulier, la définition de la gouvernance se fait par recours à un vocabulaire technique comprenant les notions de gestion publique, de comptabilité, de cadre légal, d’information libre et de transparence ; ce qui traduit bien le choix du maintien d’une certaine dimension politique dans le nouveau modèle de développement (Biagiotti, 1997). Pour cette institution, la gouvernance est « la manière dont est exercé le pouvoir dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays, en vue d’assurer un développement fort et équitable, et le complément nécessaire de saines politiques économiques ». Cela implique une forte relation entre l’économie de marché, un Etat fort et ferme et une société civile active. Dans ces conditions, la faiblesse des institutions, l’absence d’un cadre légal adéquat, les interventions politiques dommageables, etc., peuvent être nuisibles au développement des pays. Au total, la bonne gouvernance est synonyme de gestion saine du développement, et elle implique trois dimensions : 1/ la forme du régime politique, 2/ le processus par lequel l’autorité est exercée dans la gestion des ressources économiques et sociales du pays et, 3/ la capacité des gouvernements à planifier, à formuler, à exécuter leurs politiques et à remplir leurs fonctions.

Cette gouvernance est au cœur de la réflexion sur l’efficacité de l’aide. Elle s’articule généralement autour de la relation entre l’aide et la croissance. En effet, la bonne gouvernance est indispensable à l’efficacité de l’aide au développement, car contribuant à la réalisation des objectifs fixés pour celle-ci. A propos de cette relation aide-croissance, trois grands courants de pensée se dégagent des études empiriques, à savoir 1/ que l’aide n’influe pas sur la croissance et peut même la freiner, 2/ que la relation entre l’aide et la croissance est généralement positive et 3/ que la relation entre l’aide et la croissance est conditionnelle. Les contributions de ces courants de pensée s’articulent autour de deux grandes préoccupations. En effet, les auteurs se demandent, d’une part, si la relation entre l’aide et la croissance est positive ou négative et, d’autre part, si ladite relation n’est pas finalement conditionnelle.

  1. L’impact négatif ou positif de l’aide sur la croissance

Pour Peter Bauer (1972), l’aide, parce qu’elle a un effet dissuasif sur l’investissement, est néfaste au secteur privé et entrave donc le développement. Mais, si son argumentation, d’essence libérale, est théoriquement robuste, elle n’a cependant jamais été étayée par une étude empirique.

Griffen et Enos (1970) ont été parmi les premiers auteurs à remettre en question l’efficacité de l’aide, à partir d’une étude empirique faisant état d’une corrélation simple négative entre l’aide et la croissance dans 27 pays. De nombreux chercheurs ont fait écho à cette conclusion, soutenant que la relation était ténue ou inexistante (Mosley et alii, 1987 ; Dowling et Hiemenz, 1982 ; Singh, 1985; Boone, 1994). L’étude de Boone (1994), en particulier, est l’une des plus citées dans ce domaine. Son analyse s’est focalisée uniquement sur une relation linéaire faisant ainsi abstraction de l’éventuelle endogénéité de l’aide, et a abouti à la même conclusion selon laquelle l’aide affecte négativement la croissance. Quant à Voivodas (1973) qui a travaillé sur un échantillon de 22 pays, sur la période de 1956 à 1968, la relation aide-croissance serait plutôt non significative.
Selon cette catégorie de chercheurs, l’aide ne favoriserait pas la croissance pour plusieurs raisons parmi lesquelles on dénombre, entre autres, les problèmes de gouvernance. En effet, pour ces auteurs, l’aide serait détournée de son objectif parce que engloutie dans des limousines et des palais présidentiels, ou parce que ordonnée au maintien au pouvoir des mauvais gouvernements, et donc à la perpétuation des politiques économiques malsaines et au report des réformes.

Toutefois, au milieu des années 1990, un changement de cap important est survenu lorsque les tenants de ce courant ont commencé à se demander si l’aide pouvait stimuler la croissance et si son rendement pouvait décroître à mesure que ladite aide était augmentée. En effet, jusqu’au milieu des années 1990, ceux qui s’intéressaient à l’efficacité de l’aide n’ont testé qu’un rapport linéaire aide-croissance (fondé sur les modèles néoclassiques de la croissance) qui pose le problème d’endogénéité lié à l’utilisation d’une seule équation dans laquelle, l’effet inverse d’une faible croissance sur une massive allocation de l’aide est ignoré.
Ces insuffisances ont été, par la suite, relevées par une nouvelle catégorie de chercheurs qui vont soutenir la thèse contraire.

La plupart de ces derniers auteurs admettent le rendement décroissant de l’aide et concluent à une relation positive entre celle-ci et la croissance (Hajimichael et alii, 1995 ; Durbarry et alii, 1998 ; Dalgaard et Hansen, 2000 ; Hansen et Tarp, 2000 et 2001 ; Lensink et White, 2001 ; Dalgaard et alii, 2004). Selon la majorité de ces chercheurs, l’aide n’a pas toujours été efficace ; mais, en général, l’augmentation des flux d’aide a été associée à une croissance plus rapide. La relation est généralement positive , bien que le rendement décroisse à mesure que l’aide augmente, c’est-à-dire que l’impact marginal sur la croissance est maximisé lorsque l’aide est moins importante et diminue à mesure que l’aide augmente.
A ce propos, les premiers auteurs (Papenek, 1973 ; Levy, 1988), ont présumé que l’aide stimulerait la croissance en augmentant l’épargne et le stock de capital. De plus, l’aide pourrait, selon eux, contribuer à l’accroissement de la productivité des travailleurs (par exemple, par des investissements en santé ou en éducation). Elle pourrait aussi servir de courroie de transmission de la technologie ou des connaissances entre les pays riches et les pays pauvres (en finançant les importations de biens d’équipement ou dans le cadre de programmes d’assistance technique).

De tels résultats n’ont pas manqué de susciter des débats très animés entre ces derniers et les chercheurs qui avaient conclu à l’absence d’une telle relation. Cependant, Roodman (2004) a soumis trois de ces études à une analyse de sensibilité et a constaté que deux d’entre elles [Dalgaard (2004) et les résultats de l’estimation par la méthode des moments généralisés de Hansen et Tarp (2001)] sont raisonnablement robustes.
Toutes ces études regroupent un panel de pays en développement. Cependant, pour faire ressortir les spécificités de l’Afrique subsaharienne, et tenir compte de la sélectivité de l’aide (Alesina et Dollar, 2000 ; Burnside et Dollar, 2000) qui n’est pas sans effet sur son efficacité dans les différents pays et régions bénéficiaires, une variable muette est introduite dont le coefficient est significativement négatif dans presque toutes les études empiriques. Mais, en terme d’explication de la différence dans les taux de croissance, cette variable muette n’offre pas une information supplémentaire, si bien que son interprétation est souvent négligée.
A côté de ces études à caractère globalisant, certaines études se sont penchées spécifiquement sur le cas des pays africains subsahariens. L’une d’elles est celle réalisée par Levy (1988) qui a abouti à la conclusion que l’aide a un impact positif et significatif sur la croissance dans ces pays. Cependant, il faut remarquer que son estimation sur données transversales ne couvre que la période 1968-1992. Plus récemment, Hadjimichael et alii (1995) sont parvenus aux mêmes résultats sur un échantillon de 41 pays sur une période de 1986 à 1992.

Pour un compromis entre les tenants des deux précédentes thèses, de nouvelles pistes sont explorées, notamment la recherche d’une éventuelle conditionnalité de la relation aide-croissance.

III. La nature conditionnelle de la relation aide-croissance

En suite logique, de tous les développements précédents, cette nouvelle thèse part du principe que l’aide accélère la croissance, mais seulement dans certaines circonstances. Les chercheurs qui partagent ce point de vue ont tenté de faire ressortir les caractéristiques fondamentales susceptibles d’expliquer l’accélération de la croissance. Selon les auteurs, l’efficacité de l’aide dépendrait des pratiques et des procédures des bailleurs de fonds, mais aussi et surtout des caractéristiques du pays bénéficiaire. La propension à faire bon usage des ressources dépendrait d’un certain nombre de facteurs parmi lesquels la qualité administrative des gouvernements nationaux.

Isham, Kaufmann et Pritchett (1995) ont constaté que les projets de la Banque mondiale affichaient un meilleur rendement dans les pays où les libertés civiques étaient mieux respectées. Dans une étude qui a eu beaucoup de retentissement, Burnside et Dollar (2000) ont conclu que l’aide stimulait la croissance, uniquement dans les pays qui adoptaient des politiques macroéconomiques saines. Selon d’autres chercheurs, un certain nombre de caractéristiques sont susceptibles d’influer sur la relation aide – croissance : les chocs de prix des exportations (Collier et Dehn, 2001), les perturbations climatiques et les termes de l’échange (Guillaumont et Chauvet, 2001 ; Chauvet et Guillaumont, 2002), la qualité des politiques et des institutions (Collier et Dollar, 2002), la qualité des institutions (Burnside et Dollar, 2004), la politique et la guerre (Collier et Hoeffler, 2002), le totalitarisme (Islam, 2003), le positionnement géographique – le fait d’être sous les tropiques – (Dalgaard, 2004), etc. Ces études reposent sur un terme d’interaction entre l’aide et l’une des variables précitées, et, comme il fallait s’y attendre, nombre des termes d’interaction se sont révélés fragiles. Easterly, Levine et Roodman (2004) ont constaté que les résultats obtenus par Burnside et Dollar ne résistent pas à des tests de robustesse. Roodman (2004) a testé plusieurs autres études «conditionnelles» et a abouti aux mêmes conclusions, exception faite de l’étude de Dalgaard (2004).

Quoi qu’il en soit, la thèse, soutenant que l’aide est efficace, uniquement dans les pays ayant des politiques et des institutions saines, fait désormais partie des idées reçues chez les bailleurs de fonds. Il en est ainsi en partie à cause des recommandations de politique issues des études précitées et, en partie également, à cause de la conviction des partenaires au développement fondée sur leurs expériences (Radelet et alii, 2004). L’attrait de cette approche tient au fait qu’elle peut expliquer, d’une part, pourquoi l’aide semble avoir favorisé la croissance dans des pays tels que la Corée, le Botswana, l’Indonésie et, récemment, le Mozambique et l’Ouganda et, d’autre part, pourquoi l’aide n’a pas réussi à stimuler la croissance dans des pays comme Haïti, le Liberia, le Congo (RDC) et les Philippines. Ces constats ont eu un impact énorme sur les décisions des bailleurs de fonds (Banque mondiale, 2000), de telle sorte que le concept a été directement appliqué par la Banque mondiale lors de l’élaboration du mécanisme de distribution des fonds de l’Agence Internationale pour le Développement (AID) en fonction des résultats, et a jeté les bases du Millennium Challenge Account (Compte du Défi du Millénaire) créé récemment par les États-Unis (Radelet, 2003).
Pour appréhender la relation conditionnelle de l’efficacité de l’aide, il est souvent inclus un terme d’interaction reliant l’aide et un indice de politique macroéconomique calculé par Burnside et Dollar (2000). Cet indice se définit comme suit :
Politique = 1.28 + 6.85*Surplus du Budget – 1.4*Inflation + 2.16*Ouverture
Cet indice ne prend en compte que les aspects de la stabilité macroéconomique, c’est-à-dire la capacité des gouvernements récipiendaires à conduire, de manière saine, leur politique économique.

Dans notre approche, l’indice important pris en compte est celui de la lutte contre la corruption développé par Kaufmann et alii (2005). En effet, dans le contexte africain subsaharien, cet indice de politique de Burnside et Dollar peut être élevé pour certains pays sans pour autant que les problèmes récurrents de corruption et de détournements des fonds alloués aux projets de développement aient été résolus. L’aide a alimenté la croissance du Mozambique et de l’Ouganda au sortir de la guerre civile, et ce même si leurs politiques et institutions étaient loin d’être idéales. En Indonésie, l’aide a contribué à la croissance soutenue et à la réduction de la pauvreté sous le régime Suharto, même dans les années 1970 et 1980, lorsque les institutions étaient fragiles, la corruption était inquiétante et les politiques sous-optimales.

Radelet et alii (2004) ont remarqué que la plupart des études portant sur la relation entre l’aide et la croissance présentent deux lacunes, touchant au fond et à la prise en compte du facteur temps.

Pour ce qui est de la première lacune, presque tous les chercheurs analysent la relation entre l’aide totale et la croissance, alors qu’une bonne part de cette aide n’est pas destinée à stimuler la croissance. En effet, l’objectif premier de l’aide – visant à renforcer la démocratie ou à assurer le secours humanitaire – n’est pas la croissance. Il n’est pas étonnant que la plupart des initiatives qui entrent dans cette catégorie n’aient aucun lien avec la croissance. En revanche, le financement de la construction de routes et de ponts, de l’aménagement d’une infrastructure de télécommunications, ou encore le soutien à l’agriculture et à l’industrie devrait accélérer la croissance. A cet effet, Radelet et alii (2004) repartissent l’aide en trois catégories à savoir l’aide ayant un impact à court terme, l’aide ayant un impact à long terme et l’aide alimentaire. D’après leurs travaux, le coefficient de l’aide à impact à court terme est plus de trois fois plus grand que celui de l’aide brute. Quant au coefficient de l’aide à impact à long terme, il est non significatif, alors que celui de l’aide humanitaire est négatif. Chang et alii (1998), en lieu et place de l’Aide Publique au Développement (APD), couramment utilisée par les chercheurs, ont construit une nouvelle statistique nommée Aide Effective au Développement (AED). La différence principale entre la nouvelle mesure de l’aide (AED) et la mesure utilisée par les autres auteurs (APD) est que AED est la somme de subventions et des équivalents de subvention des emprunts officiels alors que, l’APD inclut les subventions directes et les prêts concessionnels pour lesquelles la composante subvention est au-delà de 25 pour cent. A ce propos, Doucouliagos et Paldam (2005), ont utilisé la méthode d’analyse meta et ont conclu que cette différence n’affecte pas de façon significative les résultats des études.

En ce qui a trait au facteur temps, la plupart des chercheurs qui analysent la croissance économique de plusieurs pays (soit en relation avec l’aide ou avec un autre facteur) utilisent des données de panel et font généralement correspondre chaque observation à une période de quatre ans. Il s’agit là d’un horizon très court pour étudier la relation entre l’aide et la croissance. Le financement de l’éducation et de la santé, par exemple, peut stimuler la croissance. Cependant, il faut s’attendre à ce que des décennies, par opposition à des années, s’écoulent avant que son impact ne se fasse sentir. Évidemment, les chercheurs peuvent utiliser un horizon plus long conformément à la théorie. Par contre, plus la période est longue, plus il est difficile d’isoler l’impact de l’aide (ou de toute autre variable) sur la croissance.

Sur plus d’une centaine de travaux disponibles sur l’efficacité de l’aide, ceux abordant directement le second objectif à savoir la réduction de la pauvreté sont très peu nombreux. Ces études se limitent toutes à la relation aide-croissance pour en tirer des conclusions quant à l’évolution de la pauvreté. A ce niveau, pour la Banque mondiale, la croissance est, certes, une condition nécessaire mais non suffisante de réduction de la pauvreté. L’aide peut, en effet, contribuer à la réduction de la pauvreté ou, plus généralement, à l’amélioration directe du bien-être, autrement que par le canal de la croissance. A cet effet, pour analyser l’impact de l’aide sur la pauvreté, Burnside et Dollar (1998) ont évalué son effet sur le taux de mortalité infantile. Le choix de cet indicateur s’explique, selon les auteurs, par le fait qu’il offre la preuve indirecte du partage, par tous, des avantages du développement. Ils ont abouti à la conclusion qu’il n’y a pas de relation entre aide et la variation de la mortalité infantile dans les pays en développement caractérisés, entre autres, par un niveau de corruption élevé.

Récemment, trois récentes études ont plutôt examiné la relation entre l’aide et l’Indice de Développement Humain (IDH), reconnu comme étant une bonne mesure du niveau du bien-être. Kosack (2003) a ainsi trouvé que, sous contrainte de l’étendue de la démocratie dans les pays récipiendaires, l’aide est positivement corrélée avec l’indice de développement humain dans les pays récipiendaires. Quant à Gomanee et alii. (2003a, 2003b), ils ont porté leur attention sur la relation existant entre l’aide, les dépenses gouvernementales pro pauvres et l’indice de développement humain. Leurs études ont abouti à la conclusion que la corrélation entre aide et l’IDH est très élevée lorsque les dépenses gouvernementales au profit des pauvres sont importantes. Ce résultat est surtout très remarquable dans les pays à faible indice de développement humain.

  1. DE L’UTILISATION DES FONDS PUBLICS

Les fonds publics peuvent s’entendre de toutes formes de perceptions auprès des citoyens et de tous produits des ressources collectives effectués par des agents publics investis de ce pouvoir, qu’ils soient des services de l’Etat, des collectivités locales, des organismes de
sécurité sociale, des établissements publics ou de toutes autres personnes morales de droit public. Il s’agit donc de fonds appartenant aux collectivités publiques encore connus sous l’appellation de deniers publics.

La gestion des fonds publics relève de la législation financière, une Science pluridisciplinaire répartie en trois branches à savoir : le droit Budgétaire encore appelé finances publiques, le droit fiscal et la comptabilité publique. Si les deux derniers cités sont quelque peu
ésotériques en raison de la technicité requise pour leur compréhension, les finances publiques devraient se mettre à la portée des citoyens car leur objet est étroitement lié à ceux‐ci à travers le Vote du budget et surtout la reddition des comptes qu’implique son
exécution.

Les finances publiques constituent donc une branche du droit public auquel sont assujettis tous les acteurs publics (services publics de l’Etat, collectivités locales et établissements publics) à l’exception des entreprises publiques, sociétés d’économie mixte qui, malgré leur
statut public, sont régies par les règles du droit privé. Elles interagissent avec l’économie via la fiscalité et les effets de la dépense publique sur le comportement des agents économiques. Elles sont aussi en étroite relation avec la comptabilité publique qui traite
des règles relatives à la gestion des deniers. L’ensemble de ce dispositif vise à assurer la transparence et la sincérité de la gestion.

CONCLUSION

Le contrôle de l’utilisation des fonds publics est un élément clé de la démocratie financière. Quatre types de contrôles sont exercés sur les finances publiques : les contrôles internes à l’exécutif, le contrôle exercé par la juridiction financière, le contrôle parlementaire et le
contrôle citoyen. Les deux premiers, sont assurés par des organes appropriés et ont vocation à fournir les informations nécessaires à l’exercice efficace des deux derniers. L’absence ou l’inefficacité des contrôles internes et externes dans une organisation conduit inexorablement à la mauvaise gestion et à la corruption.

Il y a d’autres alternatives pour gérer les économies africaines, il y a des ressources humaines, il y a aussi des capacités inutilisées qu’il faut savoir et pouvoir déterrer, il est impératif de se libérer de la servitude volontaire qui est l’absence de réflexions sur des politiques endogènes de développement.

Quelques références bibliographiques :
(1)Samba Mbaye : NOUVELLES MÉTHODES D’ANALYSE DU BIEN-ÊTRE ET MOYENS D’ÉVALUATION DES PROGRAMMES DE LUTTE
CONTRE LA PAUVRETÉ EN MILIEU RURAL SÉNÉGALAIS (THÈSE DE DOCTORAT) (2011)
(2)Maxime Bruno AKAKPO : DÉMOCRATIE FINANCIÈRE EN AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCOPHONE (Août 2015)

Nasser KEITA, PhD
Directeur du Laboratoire de Recherche Économique et Conseils
www.lab-rec.org

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