La semaine qui a précédé l’accord désaccordé du 12 octobre 2016 n’a pas été des plus calmes en Guinée. La chicane qui en a résulté a permis de mettre en exergue, le développement d’un comportement politique nouveau de nature à saper le fondement d’une démocratie guinéenne déjà balbutiante. La menace de l’UFDG de M. Cellou Dalein Diallo de ne pas signer ledit accord si l’UFR et le PEDN, entre autres, devaient en être signataires est une embardée sans précédent de nature à engoncer tout observateur attentif de la scène politique guinéenne. En effet, cette démarche trompeusement cavalière et dangereusement combinarde est l’expression, à peine voilée, d’une culture politique loubarde qui a pourtant connu un dénouement tragique au siège du parti avec notamment, la mort du journaliste Diallo, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. De toute évidence, ce modus operandi désormais foncièrement ancré dans les mœurs politiques de l’UFDG est en train d’étendre ses tentacules sur les institutions de la république, urbi et orbi. En d’autres mots, l’intimidation des institutions de la république est devenue le nouveau crédo, le sacerdoce du parti.
Ainsi, c’est dans ce climat délétère de suspicion, de supputation et de supposition généralisées quant à la nature du ‘‘deal’’ qu’il y aurait eu entre ‘‘le Général facilitateur’’ et l’UFDG, qu’il sied d’analyser et comprendre le tintamarre qui a été le corolaire du meeting d’explication qu’a tenu M. Sidya Touré le 22 octobre 2016 au siège de son parti à Matam, et à l’occasion duquel il a fait un parallèle entre son parcours politique et celui de M. Cellou Dalein Diallo. Ces propos tenus par M. Sidya Touré qui n’étaient en réalité qu’un secret de polichinelle ont été, du reste, corroborés et substantialisés par un des membres fondateurs de l’UFDG, en l’occurrence, M. Amadou Oury Bah (Bah Oury) sans que l’intervention de ce dernier, contrairement à celle du premier, fût considérée comme une attaque adressée à une communauté toute entière. Cette posture sociale qui est la résultante d’un effet de contagion et d’amplification émotionnelle dans un contexte de fièvre obsidionale soulève 2 observations essentielles. Primo, faut-il souligner qu’on est en présence d’une indignation sélective, parcimonieuse et tendancieuse en l’espèce. Quand des propos sont considérés comme attentatoires à l’identité sociale d’une communauté, ils doivent être considérés comme tels et réprouver erga omnes. A contrario, on comprend aisément que ce n’est pas le message qui constitue le point d’achoppement, mais plutôt le messager, comme il nous a été donné d’observer au cours de cet épisode cocasse qui a marqué les instants après la rencontre de Matam. Secundo, on pourrait légitimement se poser la question de savoir ce qui justifie ce glissement biscornu entre la personne de M. Cellou Dalein Diallo et la communauté ethnique à laquelle il appartient. En d’autres termes, quel est le sens de cette posture abracadabrante qui consiste à considérer que toutes critiques adressées à M. Diallo sont une insulte à sa personne et que, le cas échéant, toutes insultes à sa personne sont, par ricochet, une insulte à sa communauté ?
S’il est vrai que des voix se sont élevées pour dénoncer cet affect comme il nous a été donné de lire à travers les écrits de l’intellectuel guinéen de Bruxelles, Marwana Diallo dans son article « Le Fouta pris en otage et son avenir hypothéqué par Cellou Dalein, de Cellou laamiké à Cellou Yooliké, la tragédie continue », il n’en demeure pas moins que M. Cellou Dalein Daillo lui-même a été un artisan habile à entretenir cette manipulation savante de prise en otage communautaire. On se souviendra de sa déclaration, suite à la tentative de lynchage dont son collègue de l’opposition M. Abdourahmane Habib Bakayoko avait fait l’objet à Labé pour avoir évoqué le caractère communautaire de l’UFDG :<< …Je reconnais qu’il ne devrait pas aussi aller s’attaquer, personnellement au leader de l’UFDG, le traitant de tous les noms d’oiseau dans son propre fief, il a aussi attaqué le président de la République. Dire que l’UFDG est un parti ethno et que la solution, c’est un autre leader…>>. En quoi le fait de dire que l’UFDG est un parti de l’ethno-stratégie est une attaque personnelle à son leader, surtout quand on sait que l’attaque à son leader est interprétée comme une attaque à sa communauté ethnique ? N’est-on pas en droit de se poser la question de savoir pourquoi l’UFDG est-elle présente en dehors du Fouta et sur l’axe Bambeto-Cosa, si l’on se réfère à l’idée de fief excipée comme fait justificatif par M. Diallo? Pire que cela, la question qui me trotte l’esprit est celle de savoir ce qui adviendra de la liberté d’expression et de l’opposition démocratique si par extraordinaire, M. Dalein Diallo venait à avoir le contrôle de l’armée, de la justice et de la police!
Le peuple de guinée s’aventurera-t-il à mettre entre les mains d’un individu qui pense que la critique à l’endroit d’un opposant dans son fief peut résulter en un lynchage, tout cet arsenal de répression, sans pour autant créer un chaos sans précédent dans le pays? Ne faut-il pas s’attendre à ce que toute répression en Guinée sous M. Diallo soit accompagnée de l’expression : <<où étiez-vous quand nos militants se faisaient tuer sur l’axe Bambeto-Cosa? >>. L’heure de la vengeance!
Au demeurant et pour revenir à nos moutons, On se souviendra qu’au lendemain du 1er tour des élections de 2010, alors que l’idée du ‘’Tous contre Un’’ faisant son petit chemin, M. Sidya Touré, qui aurait pu obtenir le poste de 1er ministre aussi bien du côté de l’UFDG que de celui du RPG Arc-en-ciel dont il connaissait le candidat depuis des lustres a décidé de ne pas céder à ces manœuvres d’exclusion et de discrimination dans un contexte où le populisme ethnique était la chose la mieux partagée du pays. Cependant, faut-il rappeler qu’obtenir le poste de premier ministre ne veut pas dire l’exercer en personne. La décision de s’allier à l’UFDG a tellement été impopulaire au sein de l’UFR que le parti a enregistré des départs en masse. Ce fût un choix difficile et douloureux et peut-être que l’histoire de ce pays aurait basculé dans une tout autre dynamique si M. Touré avait cédé à la tentation de l’exclusion telle que souhaitée par le camp du ‘‘Tous contre Un’’. De cet acte de compagnonnage accepté par M. Sidya Touré, la fortune politique de l’UFR s’est amenuisée pendant que l’UFDG sortait de son statut de paria politique.
A cela faut-il ajouter le cas de M. Amadou Oury BAH (Bah Oury), membre fondateur de l’UFDG lors de son exil français. Alors qu’on s’attendait à ce que l’UFDG, au nom de la présomption d’innocence, se préoccupât du sort de la 2ième personnalité du parti, ce dont le public eut droit fût l’accusation portée à son encontre par un certain Wane sans que l’UFDG ne s’en offusquât ou a contrario prouvât la véracité de ses propos. En réalité, M. Cellou Dalein Diallo semblait être très joyeux de se débarrasser d’un collègue qui devenait de plus en plus encombrant. Pour lui, tous les moyens étaient bons pour arriver à ses fins. Là aussi,
c’est M. Sidya Touré qui, dans son brave caractère, eut le courage d’aller s’afficher publiquement avec M. Bah Oury à Paris pour que l’UFDG sortît un communiqué concocté à la va-vite comme pour dire :<< Bah on a souvent pensé à toi! >>. Nul doute que M. Sydia Touré a été un facteur de légitimation de l’UFDG sur l’échiquier politique guinéen.
En somme, je voudrais rappeler Antoine de Rivarol qui écrivait :<<les mémoires sont aux ordres du cœur>> et surtout l’écrivain sénégalais Birago Diop :<<quand la mémoire va chercher de bois mort, elle ramène le fagot qui lui plaît>> pour mettre en relief que la mémoire est subjective et sélective. Il existe une longue histoire qui atteste que M. Sydia Touré a été un viatique d’une valeur inestimable pour l’UFDG et ce travail de titan mérite d’être reconnu et gardé à l’esprit.
Salim Gassama Diaby, Montréal