Dr Ibrahima Sory Diallo, président de l’ADC-BOC est très amer contre le pouvoir en place mais aussi contre le chef de file de l’opposition Cellou Dalein Diallo qu’il accuse de n’avoir pas respecté les aspirations des populations, en adoptant l’accord du 12 octobre dernier. Jean-Marc, le président du RDIG et Bano Sow de l’UFDG n’échappent non plus à l’ire de cet ancien membre de l’opposition républicaine qui ne fait pas dans la dentelle dans cette interview.
Comment se porte votre parti, Dr Ibrahima Sory Diallo?
Dr Ibrahima Sory Diallo : Le parti se porte bien. On évolue sur le terrain. On prépare les élections.
Quelle lecture faites-vous de l’accord signé le 12 octobre dernier entre le pouvoir et l’opposition?
Ces accords dans la globalité, ce n’est pas mal. Mais à un point nommé
point B de l’accord, ça fait des tollés et réellement il faut veiller.
C’est pourquoi, nous avons dit que ce point 2 de l’accord viole le
droit des citoyens si toutefois c’est validé par l’Assemblée
Nationale. Et comme on sait que les députés ne sont pas dupes et nous
pensons qu’ils prendront acte de notre revendication, nous avons jugé
nécessaire qu’il ne faut pas accepter, que les politiques s’immiscent
dans l’affaire des citoyens. C’est pourquoi nous avons lancé le Front
National pour la Défense des Droits des Citoyens dont je suis membre à
part entière. Nous contestons le point 2 de l’accord.
Cependant d’autres acteurs politiques réfutent vos accusations ?
Vous savez, il y a ce qu’on appelle le principe des droits acquis ou la
théorie des droits acquis. Depuis le XIXème siècle, les hommes de
droit se sont retrouvés pour planifier ce problème des droits
acquis, c’est un droit qu’on ne peut pas retirer à un individu ou à un
peuple sans un referendum. C’est comme ça aussi l’élection dans les
quartiers. On a dit que les citoyens n’ont pas le droit de se
présenter à une élection nationale. Ils se présentent à une élection
locale. Donc pour être président ou député, il faut être politicien.
Mais dans le quartier, c’est pour les citoyens, c’est à leur tour
d’élire librement leur chef de quartier. Il ne faut pas qu’on touche à
ça, c’est un droit acquis. Si on doit le retirer, il faut qu’on
demande à ces citoyens-là ; vous êtes d’accord qu’on vous retire ce
droit et qu’on accepte maintenant que les politiques et vous, chacun
soit libre de présenter. Je pense si on passait par un referendum on
aura 100% non. Alors c’est pourquoi, les députés qui doivent légiférer
sur cette proposition, une fois que la proposition est déjà engagée,
nous on dit violation du droit des citoyens pas par l’Assemblée, mais
par ces groupes de politiques qui ont engagé la tentation de violer le
droit des citoyens. Aucun politicien ne peut contester ça. Mais on
peut comprendre que jusqu’au moment que l’Assemblée n’a pas siégé, la
loi n’est pas violée. Mais l’intention des politiques d’orchestrer la
violation, raison pour laquelle que nous parlons, afin que l’Assemblée
et le peuple soient informés de ce qui se passe. Ce n’est pas dire que
‘’les gens sont en train d’interpréter comme ils pensent et que ce sont
des gens qui informés. Il n’y a pas eu violation. Nous on s’est battu
pendant plus de 6 ans on n’a pas eu gain de cause, cette fois ci on
commence à avoir gain de cause.’’ Ils se trompent, ils verront la loi,
ils verront l’Etat. Aucun Etat ne va accepter qu’il y ait des « petits
chefs d’Etat » dans les quartiers. Parce que quand un parti politique
devient responsable dans un quartier, mais toutes les lois seront à sa
merci, tout ce qui ne colle pas à sa vision, il va s’opposer,
actuellement ça sera une anarchie que le gouvernement aurait organisé.
Moi je pense que le gouvernement doit laisser les gens élire les
conseils des communes ; c’est-à-dire les maires et que ces maires-là à
leurs tours contrôlent la commune. Mais les quartiers soient aussi les
citoyens qui vivent ensemble, qui partagent le pain ensemble. Il ne
faut pas aujourd’hui qu’on accepte. Il faut dépolitiser les quartiers.
Je pense que le président de la République lui-même ne va pas
cautionner cela. Mais comme ce n’est pas lui l’Assemblée, les députés
sont indépendants, et que chacun est libre de se prononcer sur ce qu’il
voit et ce qu’il pense de la Guinée. Je pense qu’ils ne seront pas
irresponsables de la modification d’une loi qui retient le droit des
citoyens.
Où en est-on avec la plateforme revendicative?
Nous fonctionnons bien. Nous avons engagé des actions de signature
de la pétition. Nous sommes à plus de 3 000 000, la pétition continue.
Nous continuons ces jours-ci à Kaloum pour une signature publique et que
nous ferons signer jusqu’à Sékhoutoureya. On va même rencontrer Alpha
Condé pour la signature de la pétition parce qu’il est un citoyen
guinéen avant tout, il va donner son point de vue. Nous allons
rencontrer le Premier ministre il va donner son point de vue. Nous
allons rencontrer Cellou Dalein, il va donner son point de vue. Si les
citoyens cautionnent qu’on modifie la loi, là on aura plus de chose à
dire, on va rester derrière la majorité des guinéens. Mais si la
majorité signe, non, là nous allons nous opposer. Nous viendrons à
l’Assemblée, tous les députés donneront leur point de vue, ils
signeront la pétition soit oui ou non. Notre groupe évolue. Et le
peuple n’acceptera pas du tout que la loi soit modifiée qui leur
retire le droit d’élire librement leur chef de quartier.
Si l’Assemblée votait pour la modification de la loi, quelle va être la nouvelle
stratégie de votre groupe?
Nous viendrons à l’Assemblée pour nous opposer. Parce qu’on va montrer à
l’Assemblée que le peuple est là. Le peuple n’est pas d’accord et nous
allons les appeler tous à ne pas légiférer. Nous avons beaucoup de
plans, c’est le plan là d’abord qu’on exploite. Nous ne sommes pas là
pour la violence, nous sommes là pour la paix. Nous continuons notre
combat et c’est un combat jusqu’à la victoire, rien ne peut nous
arrêter. Donc nous sommes préparés conséquemment.
Où êtes-vous avec l’opposition républicaine?
Pour moi l’opposition républicaine est en veilleuse. Sur 17 partis
politiques 14 ne sont pas d’accord. Donc par la voie démocratique,
l’opposition républicaine ne devait pas signer cet accord. Mais si
l’opposition républicaine signe cet accord, il y a eu une trahison, il
y a une complexité d’un groupe de partis qui s’est réuni en clans
mafieux pour saper l’intérêt de l’opposition, et c’est ce qu’on ne veut
pas. Et on pense que le chef de file doit rectifier le tir dans les
jours à venir pour qu’il puisse se retrouver dans un ensemble de
l’opposition, sinon il sera un point matériel sans file.
Quels sont les partis politiques au sein de l’opposition républicaine
qui ont entériné ces accords ?
Les partis qui ont souscrit à cet accord ce sont l’UFDG, l’UFC, le
RDIG et le reste des partis. Pour moi ce sont des partis qui n’existent
pas. Quand vous prenez PS, le PS n’a jamais montré son existence en
Guinée, en tout cas nous on n’a pas vu. Quand vous prenez Makanera et
Papa Koly, ils ne sont pas d’abord membres de l’opposition
républicaine. Ils sont observateurs. Donc c’est pourquoi je salue leur
position, ils sont restés dans l’opposition républicaine sans signer la
charte. Maintenant moi je vous parle des partis qui ont signé la
charte donc sur les partis qui ont signé la charte il n’y a que 3.
Votre parti va-t-il participer aux prochaines élections?
A cette phase, pour aller l’élection communale nous sommes d’accord. Mais dans
les quartiers nous laissons ça aux citoyens. Parce que nous, nous
pensons que nous on ne doit pas se mêler dans l’élection des conseils
de quartiers.
Et si la modification du code électorale proposé par le dialogue se
faisait à l’Assemblée ?
Non ! Si la modification qu’ils ont proposée est acceptée, nous on ne
va pas participer. On ne participera pas du tout.
La manifestation du 6 août dernier c’était contre la cherté de vie. En
tant que président du comité d’organisation de cette manifestation,
comment se fait-il qu’aucun point concernant la cherté de vie n’a été
abordé lors du dialogue?
Ecoutez, c’est la raison pour laquelle d’ailleurs que j’ai récusé l’accord avant
même la signature. J’ai informé le chef de file, on s’est convenus, le
prix du pétrole devait diminuer. Pourquoi les gens sont partis changer
ça sans l’avis de la plénière de l’opposition. Il m’a dit nous allons
les écouter, ils vont faire un compte rendu. Deuxièmement j’ai parlé
de la libération des détenus, ils ont dit que ça aussi ça a été accepté,
mais jusque-là, nous savons qu’il y a toujours des détenus qui ne sont
pas libérés. Et encore nous avons dit la mise en place de la Haute Cour
de Justice, cette institution devait venir dès le lendemain du
dialogue, mais jusque-là, ce n’est pas fait. Alors on nous fait
comprendre que cet accord-là est fiable, c’est un bon résultat, j’ai
dit Monsieur le chef de file cela est un piège compte tenu du fait je n’ai pas
été écouté depuis le début du dialogue. Le chef de file a engagé ses
hommes et non engagé les cadres de l’opposition républicaine. Moi je
dis qu’il y a un coup qui se prépare contre nous, et comme nous
l’avons compris, nous avons pris notre distance avant même la
signature des accords. Moi j’ai réussi à planifier tout ce que vous
aviez entendu faire lors des manifestations. Je me suis sacrifié même
personnellement, je suis allé sur le terrain pendant qu’on tirait.
C’est pourquoi c’est la seule manifestation où on a repéré les
coupables qui ont tiré. Pourquoi vous n’avez pas eu jusque-là des
résultats, c’est parce qu’il y a des gens qui me barrent la route. Et
comme on me barre la route et que moi je suis venu appuyer une
structure qui était là parce que ce n’est pas moi qui ai créé
l’opposition républicaine, je suis venu dans l’opposition républicaine
apporter des expertises, mes compétences, je les ai valorisées par
l’organisation de cette manifestation. Qui peut me dire qu’il y a eu
une manifestation qui ait réussi plus que ça, personne. Mais aujourd’hui
je reçois des appels anonymes de certaines personnes qui me disent que
‘’ce qui n’a pas fait mal au père de famille ne doit pas faire mal à
celui qui passe’’. Je suis en train d’enquêter sur celui qui a tiré
sur le jeune à Bambeto, cependant que je reçois des appels. Je ne peux
pas être plus royaliste que le roi. Là où la personne qui a été tuée
est militante de l’UFDG, si l’UFDG ne me donne pas libre champ pour
aller continuer les démarches, je ne peux pas continuer. Je suis allé
à la justice faire des revendications avec Monsieur Kourouma RRD, et
ce jour il y a un leader politique qui est venu là-bas, le leader du
RDIG, il était là-bas et quand il est venu, ce qu’il a dit au juge, il
connait. Donc et que ce jour-là, ça m’a beaucoup découragé du fait que
moi j’entreprends des démarches et qu’il y ait des alliés de l’UFDG
qui viennent encore pour dire autre chose. C’est pour vous dire que
j’ai reçu des bâtons dans les roues pour ne pas que je continue les
enquêtes. Mais comme le juge a les dossiers peut-être la famille va se
constituer en partie civile. Comme c’est un militant de l’UFDG qui a
été tué on devait quand même voir les responsables de l’UFDG auprès de
nous pour continuer les enquêtes, mais ils sont restés indifférents,
ils n’en parlent plus. Je suis vraiment bloqué par certains acteurs.
Qui sont ces acteurs qui vous bloquent?
Je vous dis que nous sommes 4 dans le comité d’organisation. Il y a
Monsieur Kourouma du RRD, Dr Faya Millimono, et Monsieur Bano Sow. Ce
dernier n’en parle pas. Ce sont nous les 3 autres seulement qui
partons rencontrer les autorités. Finalement les gens sont en train de
nous ridiculiser. Parce que le principal parti dont la victime est
décédée n’en parle pas.
Qu’est-ce que Jean-Marc Telliano a dit au juge ?
Ça, ça reste confidentiel. Le jour où Jean-Marc voudra qu’on en
parle, on n’en parlera.
Quel regard portez-vous de la gouvernance actuelle du pays?
Le professeur Alpha Condé a eu beaucoup de projets d’avenir pour le
pays. Mais on ne voit pas la mise en œuvre. On récent rien. C’est pour
vous dire que le gouvernement est scandalisé, rien ne bouge. Le
président déclare chaque fois tel ministre n’est pas compétent, mais
il ne limoge personne, cela veut dire que lui-même cautionne. Je pense
que c’est un gouvernement qui manque de résultats. C’est un mandat qui n’a pas encore
trouvé des axes de solution. La démocratie aussi est en train de se
détériorée au fur et à mesure.
Que pensez-vous de l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis ?
C’est l’élection la plus démocratique au monde qui a eu lieu aux Etats
Unis. Je félicite Donald Trump. Avant même qu’il ne soit président,
quand j’ai vu sa démarche politique, il était barré par le pouvoir en
complicité avec le camp d’adversaire, mais je me suis dit que cet homme va
briguer. C’est une fierté pour moi même parce que j’ai compris que
j’analyse bien la politique. Je pense qu’aucun projet de société de
Donald n’est en contradiction avec moi. Il parle de l’affaire de religion
et autre, chaque personne doit se lever pour protéger son Etat. Mais
les Américains sont libres. Ils ont compris que les États-Unis étaient
en train de s’occuper des problèmes des gens ailleurs et laisser les
problèmes des Américains. C’est pourquoi moi je ne suis pas contre.
Obama a été président, il a fait 2 mandats, les Africains pensaient que
c’était gagné mais ils ont vu le contraire. Les Américains connaissent
ce qu’ils veulent. Chaque président qui vient a un programme. Donc
Donald a son programme. Il faut que les Guinéens prennent l’exemple de
Donald. Nous aussi c’est comme ça on va venir au pouvoir, c’est
difficile, mais ça viendra.
Entretien réalisé par Amadou Sadjo Diallo