Dans cet entretien accordé à votre semainier, le député uninominal de Dinguiraye, Dr Fodé Maréga aborde la période sombre de l’histoire de la Guinée avec l’agression portugaise du 22 novembre 1970, dont le 46ème anniversaire vient d’être célébré. L’honorable député pointe du doigt dans la même lancée, les pratiques qui caractérisent le pouvoir actuel, avec l’impunité et les détournements de deniers publics érigés en mode de gouvernance. Un véritable coup de gueule.
Le mardi dernier, la Guinée a commémoré le 46ème anniversaire de
l’agression portugaise du 22 novembre 1970. Que vous rappelle cette date?
Fodé Maréga : C’est un triste souvenir de la Guinée. Ça a été une période difficile,
où la folie meurtrière d’un Tiran psychopathe nous a entrainés vers
une destruction importante d’une multitude de cadres de ce pays.
Effectivement, il y a eu une agression portugaise, mais le problème c’est
que souvent, il faut se poser la question pourquoi. Je crois que les
faits sont là. Il y a eu un moment une arrestation par le PAIGC du
fils du maire de Lisbonne et ses accompagnants. On sait aujourd’hui,
il y a eu des tractations importantes au temps de Sékou Touré avec le
Portugal pour s’entendre sur cette libération moyennant une attaque
d’Amical Cabral. Alors bien sûr pendant cette période, les Portugais
sont venus, ils ont libéré leurs prisonniers, parce qu’il faut savoir
que ces prisonniers étaient à Mamou. Et pour une raison ou pour une
autre Sékou les transferts directement en bordure de mer à Conakry.
Ça, c’est une altercation avec Amical, on le sait qui n’a pas accepté
et qui disait qu’ils étaient plus en sécurité à Mamou plus que de les
mettre en bordure de mer, à la portée justement des Portugais. Ils sont
venus, ils ont pris leurs prisonniers et ils sont repartis. Pendant ce
temps, vous le savez que dans les attaques de guerre comme on voit dans
les films, il y a toujours une diversion. Alors certains guinéens de
l’étranger sont descendus aussi en ce moment-là pour essayer de
renverser le pouvoir de Sékou Touré et bien sûr, après cela, nous
avons eu maintenant la réaction de Sékou, disant qu’il devait y avoir
des complicités internes. Il a profité de l’occasion dans un cas comme ça
pour détruire les 3/4 des ministres, les 2/3 des gouverneurs, la
hiérarchie complète de l’armée, et une multitude de fonctionnaires de
l’Etat ont été exécutés pendant cette période-là. Voilà donc nous, nous
disons que cette période est une période très dure de l’histoire de la
Guinée. Voilà pourquoi nous avons souhaité à tout moment une
commission vérité, justice et réconciliation pour faire la lumière
exacte sur ces évènements qui sont des évènements qui se sont déroulés
pendant les périodes difficiles. En Guinée, il faisait partie de l’un
des 23 complots majeurs qui ont eu lieu sous le régime du « sanguinaire »
Sékou. Nous avions vu à tout moment, à chaque fois qu’il y a une
décision, un changement politique ou une crise économique dans ce
pays, il fallait faire payer quelques-uns étant donné que le timonier
ne pouvait pas être responsable, ce sont les autres qui étaient
responsables de son échec. Donc tous les ans ou deux ans, nous avions un
nouveau complot qui a mis la Guinée toujours en état de tension
pendant toutes ces années où il a régnait en dictateur dans ce pays.
Autre évènement douloureux, c’est celui du 28 septembre aussi. Le
ministre de la Justice avait promis l’ouverture du procès en 2016.
Mais jusque-là rien n’est fait dans ce sens. Comment vous, vous
comprenez cela?
Vous savez dans ce pays pour moi, c’est une violence d’Etat face à
ces citoyens accompagnés de son corollaire le plus important qu’est
l’impunité. Donc depuis l’indépendance, nous avons donc toujours une
violence d’Etat face à ses citoyens avec une impunité totale. Ce qui a
permis d’avoir successivement des violations graves des droits de
l’homme dans ce pays avec énormément de morts vu qu’il n’y a aucune
justice. Donc on reste dans l’impunité et bien sûr en Guinéens. C’est
toujours pareil lorsque l’on veut masquer des évènements, des tueries
graves, des meurtres importants, on fait passer cela dans l’ethnie.
C’est ça la trame. Le 28 septembre, nous disons qu’on a les
commanditaires, on a les acteurs, on a les victimes, on a le
déroulement. On a absolument tout pour un procès, mais nous n’avons
pas la volonté politique aujourd’hui d’aller dans un procès. Parce que
la culture de l’impunité est telle dans ce pays, que l’on veut
toujours expliquer, on veut toujours demander pardon de manière
frauduleuse.
Quelle lecture faites-vous du fonctionnement de nos institutions aujourd’hui?
C’est l’Alpha gouvernance. Aujourd’hui aucune institution ne marche.
L’Assemblée Nationale elle fonctionne comme l’Etat. Vous voyez
l’INIDH, c’est le président seul qui s’assoit, qui crée les
commissions, c’est lui qui délibère, qui fait tout seul. Vous savez
la HAC comment ça se passe, les gens sont allés à la justice. Du côté
de la Cour constitutionnelle c’est comment ça, ça se passe. Le Conseil
économique et social exactement la même chose. Maintenant la Haute
Cour de justice qui doit être mise en place, on ne la met pas en place
parce que c’est la seule qui est capable normalement de juger le chef
de l’Etat et ses ministres. Donc ça, ça ne se met pas en place parce
qu’on attend tranquillement que les années passes pour qu’on entre
encore et qu’on reste toujours dans l’impunité.
Où en est-on avec la session budgétaire en cours?
On est aujourd’hui en session budgétaire, on a un document, une loi de
finance qui est arrivée. Cette loi de finance n’était pas prête avec
un manquement grave dans les recettes où tous les EPIC n’ont pas leur
budget et on reste justement dans cette malgouvernance, sans savoir où
on va, qu’est-ce qu’on fait. On décide aujourd’hui qu’il y a
plénière, on convoque à partir de 10 heures, les députés ne viennent qu’à
11 heures, on rejette ces plénières. On ne sait pas ce qui se passe.
Mais c’est comme ça le pays marche. C’est ce qu’on appelle l’Alpha
gouvernance, il faut que ça cesse. Regardez la SMD, on s’aperçoit que
dans les comptes, il y a eu un versement en avance des recettes de 23
millions de dollars us, et dans le budget on ne voit que 4 millions de
dollars. On pose la question où est passé cet argent ? Comment s’est
fait ? Pourquoi ? Ce sont là des questions extrêmement importantes. On
n’a aucune réponse pour l’instant. Vous voyez l’ARPT presque n’a
aucune recette au niveau budget, alors qu’on sait des milliards et des
milliards qui entrent à l’ARPT. Mais ça ne nous étonne pas, parce que
tous ces EPIC ont leurs budgets, ont leurs recettes à la présidence de
la République. L’opacité, l’Alpha gouvernance elle est en plein régime.
Donc nous, nous disons que nous allons continuer dans ce système, nous
allons détruire ce pays de fond en comble, il ne restera que des
miettes. Voilà pourquoi nous nous battons depuis longtemps pour que ça
change.
On parle de cherté de vie. Mais pourquoi aucun point de l’accord
paraphé récemment ne parle de cherté de vie, ni de la baisse du prix des
carburants ni de la baisse de la TVA, alors que c’était l’objectif de la
manifestation du 16 août dernier?
Attendez mais on a parlé de ça. Ce sont les préalables, on était
dans la discussion mais il y avait les préalables. Mais vous savez que
lorsque vous discutez avec quelqu’un justement, il faut un point
d’accord et donc il faut des compromis. Les discussions étaient
chaudes de telles sortes que l’Etat n’a pas voulu discuter de ça. Donc
il fallait quand même discuter et mettre ces points à l’Assemblée.
Nous, nous avions dit nous allons quand même discuter puisqu’il
fallait quand même montrer à cette population la volonté de changer le
climat politique pour permettre vraiment de résoudre les problèmes
importants. Mais ce dont on a parlé au niveau du dialogue normalement
devrait permettre même à l’Assemblée de pouvoir discuter de toutes ces
mesures en ayant comme objectif la population guinéenne. C’est ça qui
est important. Et lorsque vous décidez d’aller à un dialogue, vous ne
pouvez pas avoir une présomption de positionner toutes vos
revendications. Donc n’empêche que nous, nous avons la volonté de le
faire. Si vous avez les déclarations, surtout la feuille de route que
nous, nous avons apportée au niveau de ce dialogue, tous ces points-là
figuraient. Mais il y a eu des préalables et ces préalables-là ont duré
à un certain nombre du temps pour que le gouvernement supprime.
Sachant bien que lorsqu’il les supprime, ça veut dire que ce n’est pas
leur intérêt de parler de ça, parce qu’ils savent très bien.
Entretien réalisé par Sadjo Diallo in Le Démocrate