Censure

La Mendicité: Tare, Phénomène, Crise sans nom, Réalité, Facilité (Par Sékou Camara)

Des questions qui exigent des réponses, qui interpellent et doivent intéresser chaque citoyen tant la problématique est aiguie et si ce n’est trop dire le mal est profond. UneMaladie silencieuse qui gangrène notre société. Est-ce la chute de la dignité, la déconfiture des liens familiaux ou la fainéantise ? Aujourd’hui un vaste réseau de mendiants semble prendre Conakry en otage. Ils sont généralement dans le centre et dans les voies à grand passage. Ces travailleurs mendiants ou mendiants travailleurs nous obligent à répertorier les types de mendicité, les catégoriser tant leur variabilité, dans la forme que dans le caractériel…et bien entendu décrypter le regard religieux et traditionnel pour ne pas tomber dans la facilité de jugement. La mendicité qui devient un phénomène de société mérite une attention particulière et doit être prise au sérieux en adoptant des politiques idoines de lutte contre cette tare. Oui il faut prendre le taureau par les cornes.
Avant de parler de l’exploitation de la mendicité qui doit être sanctionnée par la justice, nous devons nous intéresser aux ayants droits de la mendicité et des mesures sociales d’accompagnement qui les permettraient de sortir de la précarité. Ceux la sont les exclus de la cellule familiale qui cherchent leur besoin de subsistance dans la rue, des handicapés et pauvres, les MBV (mendiants aux bras valides) et les mendiants professionnels. Sachant qu’aucune religion n’a autorisé et accepté la mendicité comme un métier, cependant elle a établi des règles morales et sociales pour les fidèles en situation momentanée de vulnérabilités a demandé une assistance à ses coreligionnaires. Il est capital de savoir qu’aucune religion dans son essence n’encourage la mendicité et l’oisiveté dans toutes ses formes.

La mendicité qui est l’acte de solliciter humblementla bienveillance d’autrui s’est transformée enharcèlement et ceux nesont pas les automobilistes de Conakry qui diront le contraire. A tous les carrefours embouteillés de la ville, ces personnes qui se font passer pour des damnés ne se contrôlentplus tant leurs faits et gestes se confondent à une agression.

Ces nouveaux mendiants que nous appelons les MBV qui chaque matin sillonnent les bureaux avec sourire et des mots aimables, font jusqu’a vilipender collègues de service, amis et parents du donateur pour quelques billets de banque. En effet les MBV agissent négativement sur l’efficacité de notre administration par la perte de temps de travail qu’ils occasionnent par leur visite impromptue dû au fait qu’ils obligent certains grands commis de l’Etat à rester tard au bureau au-delà des heures de travail afin de bien parcourir en toute tranquillité les para-feuilles. Nous estimons que s’il restait un minimum de solidarité dans nos familleset un sens si petit soit-il de l’honneur, de la dignité on en serait pas là aujourd’huiavec ce phénomène qui gangrène notre société. Notresociété collectiviste par nature a rompud’avec ses propres valeurs pour s’orienter vers celle nombriliste basée et copiée sur le principe sociétal de l’occident de chacun pour soi, nous ne pourrions mieux espérer.

Fait gravissime, la proportion que prend la mendicité est contraire à notre devise qui est Travail-Justice-Solidarité car le mendiant est par essence celui qui part un handicap quelconque ne peut pas travailler, donc doit bénéficier de la solidarité parentale et/ou de la société sans oublié qu’il y a très peu d’handicapequi empêche quelqu’un de travailler ou qui refuse de travailler optant ainsi pour l’oisiveté.

Le phénomène de la mendicité pourrait être la conséquence du relâchement du tissu social et la déconfiture de la cellule familiale obligeant certains invalides à perdre confiance en eux et surtout à renoncer à leur dignité pour mendier ou l’appât du gain sans effort. A observer de près, la différence entre la mendicité et le vol est très mince car, si le vol est la soustraction frauduleuse du bien d’autrui, l’harcèlement qu’exerce les mendiants oblige les donateurs à leur tendre la main à contre cœur pour avoir la liberté. Cette soustraction obligatoire du bien d’autrui ressemble à du vol ou tout au moins à un brigandage.
Pour revenir sur le statut de mendiant qui de nos jours dans la majorité estsans domicile fixe et se déplace dans la ville qui est devenue son territoire ; les enfants de la rue sont exposés à tout et cela se passe de commentaire ; et les mendiants civilisés, n’attirent point l’attention jusqu’à ce qu’ils s’approchent de toi et font appel calmement à ta générosité et le public ne les considère généralement pas comme mendiants.

Aujourd’hui tout a changé, autant chez ceux qui sollicitent de l’aide que chez ceux qui donnent la charité ce qui fait que la mendicité dégage la forme la plus sensible et la plus grossière de l’indigence sollicitude. Elle s’adresse indifféremment à tous et à chacun; elle erre de porte en porte, de lieu en lieu; elle s’établit sur la voie publique, sur le seuil des mosquées, églises, elle cherche les endroits les plus fréquentés; elle ne se borne plus à exprimer ses besoins, elle en étale les tristes symptômes; elle cherche à émouvoir par ses dehors autant que par son langage; elle se rend hideuse pour devenir éloquente; elle se dégrade pour triompher.

Elle est sans frontière,quitte sa demeure, son pays même cherche des visages inconnus, des personnes qui ne l’ont jamais vu et qui ne la reverront jamais; elle s’abreuve d’humiliations comme à plaisir et sans commentaire l’indigence alors ne reçoit plus des bienfaits, on en attend plus car elle perçoit des tributs; elle ne doit rien à la charité, elle doit tout à la fatigue ou à la crainte.

La représentation négative de la mendicité n’émeut plus personne et ne paraît acceptable aujourd’hui que parce que divers stéréotypes concernant la mendicité se sont répandus dans les villes africaines principalement comme à Conakry, Bamako et Dakar qui a donné le ton en prenant le taureau par les cornes

Après tant d’imposture et de fraude, il est réconfortant de peindre un mendiant car lui, du moins, ne ment ni ne se ment : sa doctrine, s’il en a, il l’incarne ; le travail, il ne l’aime pas et il le prouve ; comme il ne désire rien posséder, il cultive son dénuement, condition de sa liberté. Sa pensée se résout en son être et son être en sa pensée. Il manque de tout, il est soi, il dure : vivre à même l’éternité c’est vivre au jour le jour. Aussi bien, pour lui, les autres sont-ils enfermés dans l’illusion. S’il dépend d’eux, il se venge en les étudiant, spécialisé qu’il est dans les dessous des sentiments « nobles ». Sa paresse, d’une qualité très rare, en fait véritablement un « délivré », égaré dans un monde de niais et de dupes. Sur le renoncement, il en sait plus long que maint de nos ouvrages ésotériques. Pour vous en convaincre, vous n’avez qu’à descendre dans la rue.
A observer de près les mendiants dans les rues de Conakry, on est amené à croire que la mendicité est un phénomène culturel ancré dans les mœurs de certains peuples et pas chez d’autres, car les mendiants se retrouvent en majorité parmi les Peuls et les Malinkés avec un petit nombre de Soussou, mais jamais de Forestiers. Pour vous en convaincre, faites un tour dans la ville de Conakry, vous ne trouverez aucun mendiant forestier. Le sens élevé de l’honneur et de la dignité amène les habitants de cette région à développer une solidarité familiale à ne laissant jamais son parent tendre la main au risque de ternir l’image de la famille.

Mieux, si vous avez un forestier comme ami ou voisin, il ne vous demandera presque jamais un prêt à plus forte raison de l’aumône. C’est dire que l’oisiveté est à l’antipode de la culture forestière. Par contre, les peuls et les malinkés excelles en tout : ils sont probablement les plus riches et surement les plus pauvres de ce pays, car la mendicité rime avec le manque de moyens. Le contraire de cette affirmation suppose que les deux groupes ethniques sont entrains ou ont perdu le sens de la solidarité familiale, fait que je refuse catégoriquement.

En région soussou, face au caractère mystérieux de la naissance des jumeaux jadis, la société admet de présenter les bébés nouveaux nés au public une seule fois. Aujourd’hui certaines mères en font leur gagne pain, parfois même avec des enfants de mamans différentes pourvu qu’ils aient la même taille et une petite ressemblance. Quelle honte que d’élever son enfant dans la mendicité et quelle naïveté que de s’attendre à ce qu’un tel rejetons soit un bon monsieur demain ?

Quel paradoxe que les deux communautés (peuls et malinkés) qui se disputent la vedette des pouvoirs économiques et politiques, se rivalisent à avoir le plus grand nombre de mendiants ? Elles doivent comprendre qu’en comptabilité sociale le plus grand nombre n’honore pas toujours bien, au contraire elles doivent se rivaliser surtout à réduire leur nombre de quémandeurs.

Je souhaite que cet article suscite un sursaut d’orgueil chez les guinéens afin que tous, pouvoirs publics et citoyens cherchons les voies et moyens pour éradiquer ce fléau qui devient une plaie saignante pour tout le pays. L’exemple de la solidité des liens familiaux de la communauté forestière mérite d’être suivi tout comme l’action salvatrice du Pr Alpha CONDE a doté de moyens de reconversion des mendiants qui avaient élu domicile le long de la clôture de la grande mosquée, de la cité chemin de fer et près de la mosquée sénégalaise doit être renforcer et soutenu. Il y va de l’honneur de notre société et de la crédibilité de notre pays.

Sékou Djadaya CAMARA
DG de l’Office Guinéen des Chargeurs
skoucamara60@yahoo.fr

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