Censure

Analyse des ragots sur l’agression du 22 novembre 1970 et réflexions sur le rapport et les recommandations du CPRN (Par Sidiki Kobélé keita)

N’étant pas libre les prochains dimanches,  la radio Evasion m’a  demandé de partager, avec ses auditeurs, mon analyse des ragots sur  l’agression du 22 novembre 1970 et ma première réflexion sur le  rapport  et les recommandations de la Commission Provisoire de Réflexion sur la réconciliation nationale.

Je voudrais  d’abord  préciser que les thèmes proposés  méritent analyse et mise au point.

Car, par manque d’arguments, les ennemis historiques d’Ahmed  Sékou Touré  continuent à avancer des accusations qui ne résistent à aucune analyse objective basée sur des faits résultant de la lecture scientifique des documents et des témoignages irréfutables produits par les vrais acteurs et témoins des faits historiques de notre histoire récente.

Celui qui tente de les contre dire   est aussitôt  objet d’injures, d’accusations gratuites et calomnieuses, armes   des faibles d’esprit et des ethnocentriques indécrottables. Heureusement que nous sommes de  ceux qu’aucune menace,  aucune injure, aucune accusation calomnieuse   n’ébranle ; qui ne sont  intéressés que par la recherche de la vérité historique et qui ont donc pour devise: « le chien aboie, la caravane passe ».

C’est dire que certains détracteurs–des vrais  mercenaires de la plume– qui,  au lieu d’opposer des faits vérifiables aux faits vérifiables, se ridiculisent dans des ragots de rue et  perdent vraiment leur temps et leur crédibilité, s’il en  eurent un jour.

Certes, il est vrai que la critique est aisée et l’art est difficile, surtout pour les cancres. Mais nous posons, malgré tout, cette question : pourquoi ne militent-ils pas pour un débat public contradictoire en Guinée même, puisqu’ils  sont sûrs de détenir la vérité ?

Ils perdent leur encre et salive,  s’ils croient pouvoir nous faire taire en nous insultant ; c’est eux qui se fatigueront  parce que nous nous sommes têtus, incorruptibles et n’avons peur que d’avoir peur de dire et de  défendre ce que nous croyons être la vérité. Donc, a bon entendeur, salut !

Surtout que  tout le monde sait que le mensonge est le sport favori de certains guinéens.

Il est vrai aussi que nous avons à faire parfois  à des cerveaux malades !!! Ceux-là ne méritent que le mépris et  la  pitié, comme ce qui s’est  produite le 22 novembre 2016 au Palais du Peuple à Conakry.

Mais revenons aux ragots qui sont véhiculés sur l ‘agression du 22 novembre 1970 et au rapport  de la CPRN.

  1. La substitution du  mot débarquement  au mot 

Ceux qui le font veulent tout simplement atténuer la gravité de l’opération, minimiser  les conséquences  ou  banaliser l’opération.

Selon le Petit Larousse illustré, le débarquement, dans son sens militaire, « c’est le transport entre les navires de guerre et un littoral (généralement occupé) de troupes et de  matériels d’armement ». En général, ce sont  des alliés  d’un  régime en place qui  viennent  l’aider à repousser les envahisseurs.

Mais si ceux qui ont attaqué la Guinée le 22 novembre 1970 et leurs semblables considèrent que  l’opération qu’ils avaient organisée était destinée à  aider leurs amis,  les ennemis intérieurs (ou 5e colonne) d’Ahmed Sékou Touré, à   renverser, son régime, ils peuvent l’appeler, par néologisme, débarquement.

Par contre, nous ne connaissons qu’un seul vrai  « Débarquement », celui à partir de la Normandie, des alliés venus libérer totalement  la France occupée par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale.

Enfin, le mot agression est défini comme suit  par le même Petit Larousse illustré : « une attaque non provoquée et brutale ». L’attaque du 22 novembre 1970 était une vraie attaque  brutale non provoquée donc une agression contre la Guinée indépendante  par une puissance coloniale ennemie, le Portugal    aidée des guinéens de l’extérieur qui voulaient prendre le pouvoir politique par les armes et l’exercer non au profit du peuple de Guinée, mais de celui de leurs bailleurs de fonds ?

En tout état de cause, la communauté internationale (ONU et l’OUA) avait  jugé  et condamné  l’opération criminelle du 22 novembre 1970, comme une  agression contre la République de Guinée qui a refusé toute néo-colonisation  depuis  le 28 septembre 1958 au 3 avril 1984.

C’est dire que  substituer  le  mot débarquement au mot agression, c’est vouloir excuser les morts et blessés innocents (365 morts, selon les autorités guinéennes de l’époque et «  plus de 500 »,  selon le capitaine Portugais Alpoim Calvao) et les dégâts matériels importants que l’on a enregistrés à l’occasion de cette attaque criminelle  injustifiable .

Le  capitaine Portugais Alpoim Calvao qui avait  dirigé cette agression, l’appelle d’ailleurs, dans son Livre,  « O ATAQUE A CONAKRY », l’ attaque de Conakry.

  1. Face aux critiques de Builguissa Diallo

Comme je viens de le dire, il n’est pas dans mes habitudes de répondre aux attaques personnelles dont je suis victime surtout  de la part des faibles d’esprit et des ethnocentriques indécrottables. Quand tu défends la vérité dans un pays de mensonge, d’intriques et d’ingratitude comme la Guinée, il faut t’attendre à tout.

Et puis j’ai retenu de mon père, en réponse à une de mes plaintes contre un membre de la famille, ceci : « si on te poursuit, c’est que tu es devant ».                                                                                                                                                                                                                                                                                                  Surtout qu’aucun de mes détracteurs ne peut se permettre de contester  mes sources documentaires sur les complots, après vérification.

En ce qui concerne cet auteur,  Il a fallu la parution de mon livre Autopsie d’un pamphlet .Camp Boiro, parler ou périr d’ Alsény René Gomez paru chez   ANIBWE éditions 2009  pour qu’elle se résigne, selon mon éditeur ivoirien , à publier  les « archives de son père ». Ce qu’elle a fait en 2014  chez l’Harmattan en journaliste partisane, se livrant à des hypothèses et des conclusions hasardeuse, tirées par les cheveux ; elle s’attaque  à moi de façon injuste et déplacée dans cet ouvrage, mais confirme non seulement la réalité de l’opération, également la participation de son père à cette ignoble opération. Et c’est  ce qui m’intéresse, même si elle tente vainement de démontrer par ailleurs  que son père avait joué un rôle essentiel  que  je refuserais de lui reconnaître, dans l’organisation de l’agression du 22 novembre 1970.

Et j’ai d’ailleurs fini par comprendre que ce n’est pas pour rien que malgré son insistance, le capitaine Alpoim Calvao n’a voulu répondre qu’à trois de ses questions , alors qu’il m’ avait consacré 3 heures et demi d’interview, le 10 août 2004, à Bissau (Cf. l’annexe  de mon livre déjà signalé, de la page 277 à la page 289 , illustrée  par l’une de nos   nombreuses photos).

Je  trouve son ouvrage   malgré tout utile  même si  feu Jean-Marie Doré l’a qualifié de « roman arrangé pour sublimer un homme qui a trahi   David Soumah  qui l’avait choisi pour diriger militairement l’opération du côté du FNLG », dit-il.

  • . De la liquidation des prisonniers trouvés au camp Boiro au moment de l’agression  du 22 novembre 1970

Quant à la  raison   de  la liquidation  des prisonniers  trouvés au camp  Boiro au moment de l’agression  du 22  novembre 1970,  on n’ a pas besoin d’être un grand clerc pour le connaitre. Il suffit de feuilleter  les documents signalés et accessibles à tous ou de participer, chaque année,  à la  conférence-débat organisée  au Palais du Peuple consacrée  à l’agression du 22 novembre 1970 à l’occasion de chaque  anniversaire; ces rencontres sont des occasions d’informations  débattues contradictoirement.

Prenons la conférence-débat du 22 novembre 2016.

  • Un jeune intervenant, Amadou Doumbouya, a cité le cas de son père adoptif recruté à Bafata (Guinée-Bissau) comme mercenaire, avec la promesse de fortes sommes devant être versées  sur un compte    ouvert  à son nom; après l’agression, l’intéressé s’est rendu compte, après vérification, que c’était un faux compte bancaire et rien ne lui sera versé, à la fin de la criminelle opération.
  • Un autre témoignage, celui repris de Mr Ismaël Condé, professeur de sociologie, qui séjourna  du 20  janvier au 14 novembre 1970 au camp Boiro comme prisonnier : selon ce collègue,  tous les prisonniers du camp Boiro étaient informés de l’éminence de l’agression qui se préparait contre la Guinée ; ce qui est   confirmé par tous les organisateurs de l’ignoble opération, en particulier le capitaine Alpoim Calvao :  «  déjà, ajoute    le collègue, au mois de juillet 1970, rares étaient les intellectuels prisonniers au  camp qui n’étaient pas informés qu’immanquablement l’année allait finir en même temps que le régime en place » ; que cette information lui a été donnée par un médecin qui a été arrêté dans le complot qui venait d’être déjoué. Ce médecin avait été chargé  par le Président Ahmed Sékou Touré de le soigner d’une maladie qu’il avait contractée un mois auparavant. C’est au cours d’une séance de soins que le médecin guinéen prisonnier révèle, comme pour soutenir son patient, en ces termes : « Mon Petit, il faut tenir ; d’ici décembre, tout va finir », sans toutefois lui préciser le comment et la date même approximative  du changement. Quatre mois après, ce fut l’agression du 22 novembre 1970 et tous les prisonniers repris furent fusillés pour complicité avec les agresseurs.
  1. Refus ou peur des   auteurs  guinéens   de l’agression du 22 novembre 1970 de s’assumer.

Aucun responsable  du FNLG n’a assumé l’agression22 novembre 1970  par lâcheté et il ne s’est trouvé personne, parmi ceux qui se disent victimes de Sékou Touré, pour porter plainte contre eux, si certains ne les ont pas  approuvés publiquement. Et ils s’étonnent de l’indifférence des autres citoyens. Or, c’est cette agression qui a provoqué la radicalisation de la répression.

C’est pourquoi,  l’on  se demande comment certains peuvent estimer que cette  l’agression était légitime, mais condamnent la répression qu’elle a déclenchée ? Or, comme l’a dit  le ministre Alioune Dramé au Palais du Peuple en janvier 1971 à propos  de l’agression du 22 novembre 1970 qui était une vraie aventure suicidaire : « Aller à l’aventure, c’est jouer quitte ou double : ou on gagne totalement ou on perd totalement ». J’ajoute : quand on perd totalement  on ne peut  choisir ni la sanction, ni sa forme ; le choix revient au gagnant.

Il est vrai, comme l’a écrit le journal  Le Lynx, « si l’agression du 22 novembre 1970  n’avait pas tourné à la débâcle, tout le monde se serait acharné à en assumer la paternité ». Mieux, je soutiens que  les responsables du FNLG auraient été  reçus en héros  et les complices intérieurs ou 5e colonne auraient bruyamment manifesté leur complicité  pour pouvoir bénéficier des retombées de la victoire.

Il faut noter que cette hypocrisie a été déplorée même par ceux qui, comme Mr Issa Diallo, ancien secrétaire exécutif de la CEA, approuvent l’opération, mais  condamnent le fait que l’opposition qui « l’a montée conjointement avec les Portugais n’eurent pas le courage de revendiquer son action ».

Mais une question m’a toujours taraudé : un Guinéen étant égal à un guinéen, un homme étant égal à un homme, pourquoi, depuis  le 3 avril 1984, il ne s’est trouvé aucune personnalité officielle guinéenne, ni une institution internationale se qualifiant défenseur des droits de l’homme, pour défendre la mémoire des innocentes victimes de cette ignoble agression, victimes plus nombreuses que les 85 pendus qui ont été comptabilisés par certains ?  Et pourtant l’opération avait été  condamnée à l’époque par l’OUA et les Nations unies  sur la base d’enquêtes.

 

  1. De l’innocence et de la réhabilitation des accusés à tort

Nous avons toujours affirmé, ayant été relâché après    quarante-huit  heures (25 au 26 novembre 1970) d’interrogatoire au comité révolutionnaire de Conakry I présidé par Mr Emile Condé  sur dénonciation calomnieuse, que  tous ceux qui ont été arrêtés pour leur  participation aux complots n’étaient pas tous coupables des faits qu’on leur a reprochés ; cela  a été  confirmé cette fois par expérience, au cours de la conférences-débat du 29 novembre 2008 au Palais du Peuple, par feu Dr Baba  Kourouma, ancien prisonnier au camp Boiro en ces  termes: « Tous ceux qui ont été au  camp Boiro n’étaient pas tous coupables, mais tous  n’étaient pas non plus innocents ».

Mais seuls ceux qui avaient organisé  cette opération «conjointement avec les Portugais» et les éléments intérieurs sur qui ils comptaient effectivement auraient pu nous aider à distinguer des éléments de la 5e colonne  des vraies victimes de la répression ; eux seuls  peuvent encore nous dire avec preuve, au cours du débat public contradictoire espéré,  s’ils vivent encore,  que  « tel était avec nous, tel autre était  accusé à tort ».  Car, la complicité intérieure n’a été contestée que par ceux qui, soit savent, soit ignorent  que leurs parents faisaient parties  effectivement des complices  intérieurs  ou  5e colonne ; ils  ont tous peur que ceux-là  ne soient livrés  à  la vindicte populaire.

En tous les cas, même un journal des milieux d’affaires européens, Marchés tropicaux et méditerranéens, qu’on ne peut accuser de sympathie envers Sékou Touré, a reconnu dès le 28 novembre 1970 ce fait,  en parlant des agresseurs : « on sait, avec certitude, qu’ils  ont eu des complicités dans la place ».Certains de ces  complices portant des brassards verts au bras, signe indicatif  des partisans intérieurs, ont été cités nommément par des officiers-témoins à  la radio privée « Evasion » les dimanches 27 novembre et 5 décembre 2016 et  avaient  tous fini par être arrêtés.

Même Builguissa Diallo, analysant un rapport de David Soumah, le reconnait en ces termes : « Le FNLG avait donc des contacts intérieurs, ce qui est de bonne guerre au fond », même si elle tente, par ailleurs, d’avancer  des hypothèses spécieuses et subjectives  devant  asseoir son accusation contre Ahmed Sékou Touré, qui serait « complice »  des Portugais, selon elle; ce que son père et David Soumah, qui ont lutté durant toute leur vie active contre Ahmed Sékou Touré, n’ont pourtant  écrit nulle part dans leurs documents publiés dans cet ouvrage.

Il y a également la nécessité d’accès à des archives étrangères. Le Dr Dianè Charles l’avait  affirmé très tôt  à Facély II Mara (quand celui-là dirigeait l’émission radio « à vous la Parole », au lendemain du coup d’Etat du 3 avril 1984), que : « Si nous voulons connaître la vérité sur qui a fait quoi dans les différents complots, il nous faudrait consulter impérativement les archives du PDG,  des services secrets français, du MOSAD, de la  CIA, du K GB ».

Or, il ne s’est  trouvé  personne, surtout  parmi ceux qui se disent victimes de Sékou Touré, pour exiger cela   quand les   principaux acteurs de cette tragédie  vivaient encore et s’agitaient sur le théâtre  politique guinéen ou  exiger des autorités guinéennes d’entreprendre des démarches officielles  auprès des pays suscités  en vue de  l’accès ou l’ouverture de leurs  archives aux chercheurs en général. Au contraire certains de ceux-là   continuent à approuver l’agression du 22 novembre 1970, à lui trouver une légitimité  et à condamner la répression qui l’a suivie, alors que les deux choses sont dialectiquement liées.

Ce qui est encore dommage, c’est même quand un témoignage est donné par des cadres guinéens,  opposants de l’extérieur notoirement, sur leurs relations  avec des cadres guinéens de l’intérieur, ceux qui se victimisent   continuent à démentir ou à se taire sur   ce qu’on dit ou écrit sur  leurs  parents.

Prenons l’exemple sur le témoignage de Dr Diané Charles : « J’étais de l’opposition guinéenne ; je militais dans le regroupement des Guinéens à l’Extérieur. Et personnellement, j’étais en relation avec  mon ami feu  Tibou Tounkara ; Je crois qu’il  était, à cette époque-là, ministre résident à Nzérékoré. Et on se passait des messages avec énormément de prudence. D’ailleurs, j’avais réussi à le sortir  de Nzérékoré pour l’amener au Libéria ».Or, ce témoignage a paru dans l’hebdomadaire guinéen L’Enquêteur, N° 15, du 21 novembre au 6 décembre 2002, p.7.

Quand cette interview a paru, il ne s’est trouvé personne pour  démentir son auteur ; aucune plainte n’a été déposée pour diffamation contre Dr Dianè Charles  de son vivant, ni contre la direction du  journal qui l’ a publiée.

C’est dire qu’il n’est pas prudent qu’un enfant veuille répondre de tous les actes de ses parents.

Ce qui est encore plus condamnable, c’est la disparition, au lendemain du coup d’Etat destructeur du 3 avril 1984, d’archives essentielles de notre patrimoine documentaire (archives privées du président de la République, archives présidentielles, archives de la Permanence nationale du PDG-RDA (siège actuel du Ministère de la Jeunesse et de l’ Emploi des jeunes), archives des départements ministériels et archives des services de sécurité et de l’ armée, disparues par  incinération, jet dans la mer ou  vol par des particuliers, dont certains membres du CMRN et du gouvernement et quelques cadres opportunistes qui se baladent avec allusion à des lettres de dénonciation les concernant et sans présentation desdites lettres.

Et il est à noter aussi qu’aucune   demande  officielle d’accès ou de  déclassification des archives étrangères sur les rapports de ces pays avec la Guinée  entre  1958-1984 n’ a jamais été formulée par les autorités guinéennes, comme le Rwanda l’a fait  et obtenu des documents importants. Tout cela  aurait permis  ou permettrait d’innocenter et de réhabiliter certains guinéens en faisant le tri entre les traitres (ceux qui ont effectivement collaboré avec certaines puissances extérieures identifiées contre la Guinée entre 1958-1984) et des innocentes victimes, des Guinéens accusés  à tort et liquidés  sous la première République sur  dénonciations calomnieuse ou règlement de compte.

Il faut également regretter l’assassinat, au lendemain du coup d’Etat( 3 avril 1984), des acteurs et témoins essentiels de la première République, accusés à tort ou  à raison de torture et de liquidation physique des « innocents » : il fallait empêcher  ceux-là qui tenaient à faire des révélations fracassantes, gênantes parce que accusatrices, de le faire publiquement.

Abordons à présent des accusations  injustement portées contre  le Président Ahmed Sékou Touré :

  1. Ahmed Sékou Touré est accusé d’avoir été  complice des Portugais 

Plus précisément,

  • Il aurait été averti, aurait négocié avec les Portugais et avec le FNLG pour engager cette opération afin de pouvoir liquider ses adversaires intérieurs.
  • Les portugais auraient participé à l’agression du 22 novembre 1970  parce qu’ils voulaient seulement  libérer le fils du Maire  de Lisbonne.

Ces accusations   ont encore  été  effectivement reprises sur une radio  privée le 22 novembre 2016, malgré les démentis par  ceux qui ont effectivement organisé l’ignoble agression, démentis publiés pourtant dans des documents accessibles à tous ceux qui militent réellement pour la vérité historique, et qui veulent  savoir ce qui s’est réellement passé entre 1958 et 1984 en Guinée et non continuer à empoisonner l’atmosphère politique   par des déclarations mensongères et fracassantes. Ah ! La mauvaise foi  quand tu nous tiens.

L’origine de la  fable du « fils du Maire de Lisbonne » est de Dr Dianè Charles, à son retour de son exil; elle  a été reprise depuis par différents anciens prisonniers du camp Boiro qui nous ont livré leur témoignage, avec des variantes, sans prouver leur propre innocence.

Prenons   deux exemples :

  • Croyant me faire une révélation capitale, Alsény René Gomez affirmait, dans le manuscrit qu’il m’avait envoyé pour lecture, que les Portugais étaient venus chercher le  fils du maire de Lisbonne arrêté par le PAIGC. Mais   ayant lu l’extrait de mon interview de  2006  dans le journal guinéen le Diplomate et relative au  démenti du capitaine portugais Alpoim Calvao qui avait dirigé l’agression, il ne parle plus de  fils du maire de Lisbonne arrêté par le PAIGC dans son livre paru chez l’Harmattan-Guinée  en 2007, mais de « pilote d’un avion portugais,…fils d’une personnalité très en vue à Lisbonne ».

Or, le seul pilote portugais capturé  par le PAIGC était Rebato, qui n’était le fils d’aucune personnalité portugaise ; il a  été libéré  après 7 ans de prison.

  • Un autre rescapé, Naby Moussa Touré dans son livre Mémoires d’un rescapé du goulag de Sékou Touré parle, lui « de capture du fils d’un industriel portugais ».

Qui dit la vérité ?

Le même Naby Moussa Touré, sans aucune preuve, ne serait-ce que la source de l’information soutient également que  « l’agression portugaise fut une affaire hautement manigancée par Sékou Touré parmi les multiples complots à la sékoutouréenne. L’agression dont il avait été parfaitement informé ».

Voilà les sources d’information de certaines personnes et de leurs  semblables qui se disent victimes de Sékou Touré et s’agitent comme des diables soit à la radio soit à la Télévision, soit au cours de toutes rencontres.

Or, ceux qui veulent  appréhender la vérité  historique sur l’agression du 22 novembre 1970 ou sur tout complot doivent plutôt  approfondir les  recherches en comparant les différentes sources de renseignements  et nous dire ce qui est vraisemblable ; le refus de le faire dénote tout simplement la mauvaise foi. Il est vrai que la seule vérité qu’ils acceptent est la leur. Et gare à celui qui ne les suit pas dans leur mensonge!

Car, aucun des vrais organisateurs de cette ignoble opération ne fait allusion à ces inepties:

  • Le Capitaine Alpoim Calvao n’en parle  pas  dans son ouvrage Mar verde publié  en 1976, ni  dans la longue  interview   qu’il m’avait accordée,  à Bissau, le 10 août 2014,  et que je publie dans mon ouvrage intitulé La Guinée de Sékou Touré. Pourquoi la prison du camp Boiro ? publié  chez l’harmattan en 2014, PP 277-289; sa réponse immédiate m’avait  montré un   agacement   quand j’insistai  sur la question: « Non, ce n’est pas vrai ; c’est de l’imagination délirante »… « Je me trouvais avec les prisonniers portugais que nous avions libérés ; il n’y avait aucun fils d’un homme important parmi eux ».
  • Ces inepties, qui ne sont que des tentatives  de diversion face à l’évidence d’un fait historique indéniable, l’agression du 22 novembre 1970, ne se trouve même pas dans les archives privées du commandant  Thierno Diallo ou de David Soumah  qui les aurait signalées  si c’était vrai.

Il est donc dangereux de ne lire que  des livres, des articles ou interviews  d’ancien  prisonniers  ou leurs conjoints ou enfants qui cherchent plus à se venger par l’écriture  qu’à dire la vérité ou à prouver leur innocence ou celle de leurs conjoints ou parents .

Mais admettons même que ces fables    soient  réelles ou vraies, pourquoi, à l’époque, le Portugal discrédité, acculé, condamné par la communauté internationale et insulté à longueur de journée par les autorités  guinéennes, n’a-t-il   jamais fait état devant le Conseil de Sécurité du prétendu accord passé avec la Guinée dont on se gargarise toujours  pour prouver la complicité d’Ahmed Sékou Touré ? L’instance suprême  des Nations Unies n’avaient-elles pas  fait  sien   le rapport  de la commission d’enquête  qu’elle avait dépêchée à Conakry ? N’a-t-elle pas fini   par  condamner le Portugal, suite à un débat public et contradictoire  en  son sein et  la motion   condamnant le Portugal a été adoptée par 11 pour et 4 abstention, les membres de l’OTAN?

Par ailleurs, les autorités  guinéennes n’avaient pas, à l’époque,  attendu l’agression du 22 novembre 70 pour dénoncer les Portugais et l‘opposition guinéenne, et il serait fastidieux de citer toutes les dénonciations préventives   avant la première condamnation du Portugal par  l’ONU le 22  décembre 1969 et après cette date.

Enfin, tout le monde sait que toutes  les autres formes   de liquidation du régime ayant  échoué, il ne restait plus que l’agression militaire.

Il été également  révélé,  lors des émissions radiodiffusée de l’Evasion, que la hiérarchie militaire, complice des agresseurs, sous prétexte de les nettoyer et de les préparer, avait fait enlever  toutes  les batteries protectrices des pourtours de Conakry pour les emmener au camp. Quand, des soldats, au cours  de l’Assemblée générale du 21 novembre 1970, ont protesté, il leur a été   répondu que ces armes seront prêtes le lundi 23 novembre 1970, donc après la victoire (la chute du régime) prévue pour  le dimanche 22 novembre 1970.Il en fut de même au camp Almamy Samory Touré ; pour faciliter sa prise par les envahisseurs, toutes les armes appropriées avaient   presque  disparu du magasin des armes  quelques jours avant le 22 novembre 1970.

Soyons sérieux et retenons une fois pour toutes  que la Guinée a été agressée le 22 novembre 1970 par le Portugal et le FNLG   avec la complicité de guinéens de l’intérieur; qu’il y a eu des centaines de morts et de blessés  graves  avec des dégâts matériels importants ; que la communauté internationale avait condamné ce crime injustifiable, à l’époque.

Mais militons pour un débat national  public contradictoire sur les idées et les faits de cette opération  susceptibles de confirmer ou d’infirmer les accusations portées contre certains accusés.

Qu’on le veuille ou non,  les faits historiques sont têtus. On a beau manipulé le mensonge, la vérité finira toujours par écraser tout sur son chemin.

Nous les constatons déjà : ceux qui parlaient  et accusaient aisément hier, sont de plus en plus acculés ; désemparés, ils   se ridiculisent à chaque sortie. Les bouches ont commencé à  s’ouvrir ; mais la  leurs radotent ou se taisent ayant déjà tout dit.

Si nous militons pour la vérité parce que c’est elle seule qui est conciliatoire et qui  résiste au temps et non pour un mensonge masqué, momentané, arrangé pour se faire plaisir, exigeons tous, non une compensation ou indemnisation , seul objectif de certains -la vie n’ayant  pas de prix-, mais  ce débat  que certain   veulent absolument éviter de peur d’être ridiculisés ou démaqués.

  1. la prétendue détention, par le Président Ahmed Sékou Touré, des clés des armureries des camps de Conakry.       

Selon une autre ineptie qui aurait été reprise, il y a quelques  semaines par un cadre que je considérais comme l’un des meilleurs produits de la Révolution sur le plan intellectuel et moral,   les clés de l’armurerie    se trouvaient avec le Président Ahmed Sékou Touré, au moment de l’agression,  c’est pourquoi la réaction militaire fut tardive.

Cette information mensongère se trouve  dans le livre la vérité du Ministre   Abdoulaye Diallo dit Porthos, alors que tous les témoignages de militaires contactés soutiennent qu’aucune clé des armureries des camps ne se trouvait avec le Président Ahmed Sékou Touré ; toutes se trouvaient   avec  les  chef des armements  du camp  ou leurs adjoints.

En effet, chacun des deux camps militaires  de Conakry avait  des armes, mais   les plus importantes   se trouvaient  à l’armurerie centrale du  camp Alpha Yaya. Ce qui est confirmé par Alsény  René Gomez qu’on ne peut accuser d’être tendre  et objectif avec le régime de la Première République: « La consigne était claire et simple : en cas d’alerte, tout le monde devait se retrouver au camp Samory pour le regroupement  et la distribution des armes ».

Kaba 41 avait, selon Alsény René Gomez, signalé les risques de ce plan ; l’auteur  ajoute  que  « la remarque… fut peu appréciée par la  hiérarchie  qui  le lui fera savoir quelques mois plus tard avec un ticket pour le camp Boiro ». Il s’agit en fait de la hiérarchie militaire au sein de laquelle  existaient des animosités personnelles connues  de tous ceux qui  s’intéressaient à l’armée guinéenne à l’époque,  et  non d’Ahmed  Sékou Touré. Kaba 41 devait donc s’en prendre uniquement à sa hiérarchie .

Et puis le jour de l’agression,  cette hiérarchie miliaire  du camp Almamy  Samory Touré a plutôt cherché à se cacher en lieux sûrs ; Certains    derrière  les grottes ; ils n’ont été rassurés que quand ils furent  convaincus  par des voisins civils du camp que   les mercenaires et le groupe de responsables du FNLG conduit par le Commandant Thierno Diallo avaient pris la tangente.

Quant à l’armurerie du camp Alpha Yaya, les clés se trouvaient  avec  l’adjudant-chef Dobo  Sovogui, chef des armements au moment de l’agression et non avec le président Ahmed Sékou Touré.

Dobo Sovogui était au camp de Kindia d’où il a été affecté au camp Alpha Yaya de Conakry en 1964. C‘est le Cdt Gaye, chef des armements du camp,  qui  lui avait  remis les clés depuis cette date jusqu’en 1984. Il a toujours refusé de les donner   à certains officiers supérieurs : d’abord à Kaman Diaby, au moment du  complot Petit Touré, ensuite  au commandant  Ousmane Condé, à l’agression du 22 novembre 1970, à des hauts cadres administratifs et politiques qui s’étaient présentés  à lui le 22 novembre 1970.

En effet, quand éclata l’agression, le  commandant  Ousmane Condé,  chef du camp Alpha Yaya Diallo, qui avait fait croire à  certains de ses subordonnés  qu’il détenait  la clé de l’armurerie, était effectivement venu  les  demander à  Dobo Sovogui ;  s’étant rendu compte  que  l’intéressé   portait un  brassard vert au bras qu’il avait  du mal à cacher et qu’il avait vu, l’adjudant-chef  Dobo Sovogui  refusa de lui remettre  lesdites clés ; ce qui lui aurait coûté cher si les agresseurs avaient réussi à s’emparer du pouvoir.

Contrarié et en retard, le commandant Ousmane Condé prit, à bord de son véhicule, le commandant Mory Keita, président du CUM du camp et quatre para commandos et se rendit rapidement camp Boiro où il était attendu par les  agresseurs comme complices intérieurs ; malheureusement ou heureusement, selon, il   reçut, par erreur,  une rafale de mitraillette  à l’entrée du camp : les mercenaires n’avaient pas vu le signe distinctif au bras du commandant qui   meurt sur place.

Pris de peur, ses compagnons qui semblaient tout ignorer, ont fui   les lieux et sont revenus immédiatement  au Camp   Alpha Yaya Diallo.

Un autre témoignage qui prouve que les clés des armureries  des camps ne se trouvaient pas avec le président Ahmed  Sékou Touré, c’est celui de   feu  le capitaine Tiana Diallo ; un aviateur de formation, mais qui s’était emparé de l’un des  chars contre les agresseurs,  vint après le commandant Ousmane Condé au magasin d’armes du camp Alpha Yaya Diallo ; l’adjudant-chef Dobo Sovogui se souvenant du cas du commandant Ousmane Condé fut réticent; il  a fallu, selon le capitaine Tiana Diallo , le   menacer   pour que l’intéressé ouvre le magasin d’armes  afin qu’il se ravitaille pour continuer sa traque des mercenaires et poursuivre la défense des camps assiégés. Je vous renvoie au témoignage du capitaine   repris par l’intéressé  le 22 décembre 2007  et rediffusé   à la   Radio Doliba (Radio mémoires) de feu Sékou Madi Traoré, le 30 décembre 2008 et repris  dans mon livre déjà signalé. En tous les cas le commandant Dobo Sovogui en retraite à Macenta  a encore confirmé au téléphone de la radio Evasion le dimanche 5  décembre 2016 que c’est lui qui avait les clés du magasin des armes jusqu’en 1984 et non le Président Ahmed Sékou Touré.

  1. De la prétendue prosternation du président Ahmed Sékou Touré devant une délégation de la hiérarchie militaire.

Tous les témoignages de militaires  de l’époque contactés soutiennent que c’est là encore une information mensongère

C’est encore le livre  la vérité du ministre  Porthos qui le reproduit , repris par certains anciens prisonniers comme Alsény René Gomez et ses semblables.

Comme toujours, nous avons cherché à vérifier l’authenticité de ce  ragot auprès des témoins susceptibles de la confirmer ou de l’infirmer : Sinkoun  kaba fils,  Hadja André Touré, épouse du feu Ahmed Sékou Touré et le colonel à la retraite, Mory Keita   contredisent Porthos  et dépeignent parfaitement la situation de traitrise  qui régnait à l’époque à Conakry.

Sinkoun kaba fils, encore vivant et qui a toujours sollicité une confrontation, avec l’auteur, mais en vain,  soutient que cette affirmation  est fausse, « une pure invention de Porthos » qui connaissait les relations intimes du général avec son  père, des amis intimes depuis l’enfance ; Porthos en a profité pour attribuer cette affabulation à son père  puisqu’il sait que celui-là  ne le  verra  plus, du moins ici-bas, pour    démentir ou   confirmer ce mensonge éhonté.

Hadja Andrée Touré a également marqué son mépris quand elle a lu cette version surtout qu’elle connaissait bien l’auteur de cette affabulation. Je vous  renvoie, pour le  détail des deux témoignages, aux pages  179 à   181   de mon livre qui leur sont consacrées.

Mais  j’ai recueilli, le mercredi dernier 30 novembre 2016, le témoignage d’un colonel à la retraite qui m’avait été vivement recommandé depuis longtemps. Selon le colonel Mory Keita, de l’aviation militaire, qui habitait au camp  Almamy  Samory Touré, le 22 novembre 1970 , le  magasinier  qui détenait  les clés de l’ armurerie du     camp   était  venu tardivement à son service ; il a même fallu lui envoyer une commission alors que l’attaque du camp par les agresseurs  avait déjà commencé et que l’attroupement devant le magasin était à son comble ; il ouvrit le magasin dès son retour ; ayant été l’un des premiers à  y rentrer pour s’armer, quelle ne fut pas  la surprise de  Mory Keita   de constater que les armes   qui sciaient  en la circonstance et qu’il avait vues auparavant  avaient disparu ; il n’ y avait plus que certaines armes  intactes donc utilisables et d’autres bourrées de graisse donc non utilisable  puisqu’il il fallait les dégraisser avec du gasoil ou du pétrole  pour pouvoir les utiliser. Or, il faisait nuit et aucune station de carburant n’était ouverte en ce moment-là.

L’étonnement de Mory keita se justifiait par le fait que  cinq  jours avant l’agression, le magasinier lui ayant promis un lit pico,  il  s’était rendu au magasin ; il y avait vu  ces armes, mais en était sorti un peu frustré,  le magasinier ne l’ayant  pas satisfait.

Donc quand il revint le 22 novembre 1970   dans  le même magasin constater le la situation sus -décrite,   Il   sut  automatiquement que des officiers et officiers supérieurs étaient dans une trahison ; que cette disparition était le fait de la hiérarchie militaire et de la complicité du chef des armements  du camp, Boubacar Fofana et de son magasinier, Sidafa dont les comportements lui paraissaient déjà bizarres. Il avait  déjà constaté  la fuite des officiers au premier coup de feu des mercenaires lourdement armés. Le nom Fofana   avait créé un déclic en moi ; j’ai aussitôt décidé de revoir la déposition du général Noumadian Keita   qui  y  affirme que «  le lieutenant Fofana Boubacar, officier d’armement, devait paralyser la distribution des armes et munitions ».

Le  chef d’Etat-major inter- armes,  le   général Noumadian Keita, en grand boubou,  s’était réfugié  à l’infirmerie du camp dès que les envahisseurs attaquèrent le camp; il resta     indifférent de la nuit du  21 au 22 novembre 1970 ; « il n’était pas avec nous dans les mouvements », précise le colonel Mory Keita ; seuls les colonels Namory  keita et Idrissa Condé avaient organisé la riposte au camp pour écraser les rebelles;  c’est quand le colonel Mamadou Diallo, chef d’ Etat-major  adjoint, fut blessé que le général Noumadian Keita a dit de tout faire pour le soigner ; après ça, il n’avait rien dit et  n’avait donné aucun ordre. Il s’était encore réfugié dans son mutisme et ne mobilisa  aucun   soldat pour riposter.   Le Colonel Mory Keita n’avait  vu ce jour-là, comme officiers supérieurs au camp  que   les colonels Namory keita, Mamadou Diallo, adjoint du général  Noumadian Keita qui était blessé  et Idrissa Condé.  Tous les autres avaient fui   ; il ajoute « aucune   délégation de la hiérarchie  militaire ne s’était  rendue  à la Présidence  de la République, ni lejour, ni la nuit. Le général Noumadian Keita n’était d’ailleurs jamais sorti du camp pour aller où que ce soit. Celui qui dit le contraire ment effrontément », me dit-il.  Suivez mon regard !!!

Il faut quand  même préciser qu’une grande partie du camp était prise par les assaillants. Aussi, constatant que la situation des loyalistes était de plus en plus difficile,   que le camp risquait de tomber d’un moment à l’ autre  et que tous les officiers  risquait gros dans une éventuelle défaite du camp,  le colonel Namory Keita prit l’initiative,  aux environs de 5 heures du matin du 22  novembre 1970,  de faire  appel au camp Alpha Yaya en y envoyant un chauffeur ; le premier char envoyé tomba en panne devant le camp; le second entra au camp du côté de la mer en enfonçant le mur. Ce fut  la débandade  chez  les mercenaires  et l’abandon des différentes positions attaquées par des troupes loyalistes  cachées derrière le char. Des sous-officiers, officiers et officiers ne sortirent de leur tanière que quand ils apprirent par  des  civils voisins du camp que tous les mercenaires et leurs chefs avaient fui.

A mon insistance  sur le témoignage de Porthos,  le Colonel Mory Keita m’a répondu  sec : «  c’est de la pure invention.  Cette  affirmation   est fausse ; je vous répète que le  général Noumadian Keita  ne sortit pas du camp ni le jour ni la nuit du 22 novembre 1970 ; quant au  commandant  Kékoura Zoumanigui dont il parle, je ne l’ai pas vu au camp   ce jour-là , surtout que chacun des chefs s’occupaient de son camp, lui de la gendarmerie . Nous n’aurons beaucoup de révélations qu’après  », me répéta le colonel Mory Keita,  une dernière fois.

Ce témoignage m’a permis de mieux comprendre l’attitude, décrite par Hadja Andrée Touré, du général Noumadian  keita quand il était  venu voir le Président Ahmed Sékou Touré  pour la première fois le matin où devait se tenir le premier meeting au Palais  du Peuple, après l’agression (Cf. La Guinée de Sékou Touré. Pourquoi la prison du  camp Boiro ? L’Hamattan, 2014,pp.179-181).

C’est dire que

  1. le Président Ahmed Sékou Touré n’avait signé aucun accord avec le Portugal ou le FNLG et que le Peuple avait été plutôt trahi par la hiérarchie militaire.
  2. Il n’avait aucune clé des armureries des camps de Conakry, toutes se trouvaient avec ceux qui devaient les avoir :
  • Le camp Samory Touré avec le lieutenant Boubacar Fofana, chef des armements militaires et son adjoint,  Sidafa, le magasinier.
  • Le camp Alpha Yaya Diallo, avec le sergent-chef Dobo Sovogui depuis 1964.
  1. Il ne s’est prosterné devant aucune délégation de la hiérarchie  militaire, comme le dit Pothos  puisqu’aucun chef d’Etat-major particulier, ni le chef d‘Etat-major général n’avait  bougé de leur camp, même après l’agression,  et n’avait été à la Présidence  de la République où il ne s’y rendait, au moment des crises,  que sur convocation du chef de l’Etat, le Président Ahmed Sékou Touré, particulièrement vigilant.

 

  1. A propos des pendaisons du 25  janvier 1971 

 Le procès  des accusés de l’agression qui s’est déroulé du 18 au 23  janvier 1971 eut un caractère populaire,  le régime estimant  à l’époque que puisque c’est le peuple qui avait été victime, c’était donc à lui de juger.

Le 8 janvier 1971,  l’Assemblée nationale s’érigea en Tribunal Révolutionnaire Suprême, siégeant  au Palais du Peuple à Conakry du 18 au 23 janvier 1971. Auparavant toutes les structures  du Parti avaient été impliquées, chacune jugeant les faits et déterminant ses propositions de sentence. On tenait à ce que chaque citoyen se sente  concerné, impliqué et responsable des décisions qui seront prises.

Ainsi :

  • Le 11 janvier 1971, les 8000 PRL (comités de base du parti) tinrent leur congrès.
  • Le 13 janvier 1971, ce fut celui des 210 sections
  • Le 15 janvier 1971, celui  des 30 fédérations et de l’Etat-major de l’Armée
  • Les membres du BPN et du gouvernement intervinrent directement au Palais du Peuple.

Au terme  des débats, certains avaient été condamnés à mort,  d’autres aux travaux forcés à perpétuité et 90 « libérés sans condamnation ».

Ce fut une grande surprise quand les populations de Conakry et des grandes villes se réveillèrent  avec des éléments pendus le 25 janvier 1971, tels ceux du pont du 8 novembre : aucune décision  n’avait été prise encore quant aux modes et  dates  d’exécution des  éléments condamnés à mort.

A ce propos, Il  semble, selon les responsables survivants, que nous avons rencontrés que

le Président Ahmed Sékou Touré et de nombreux  membres du BPN et du gouvernement avaient été surpris. Certains qui n’ y croyaient pas s’y rendirent , telles Hadja Mafory Bangoura et Hadja Jeanne Martin Cissé informées par Emile Condé qui les avaient prises dans sa voiture pour le Pont..

Mais il faut préciser que parmi les éléments  pendus à Conakry,

  1. Certains figuraient sur le film réalisé par Carl Michaël le matin du  22 novembre 1970 au bas de la résidence de l’Ambassade de la Tanzanie surplombant la zone et  où il s’était réfugié avec Miriam Makéba ; les intéressés  communiquaient  par   talki walki avec les 6  bateaux stationnant dans les eaux de Conakry (pour le détail du témoignage cf.mon ouvrage  déjà signalé pp.163-164). Le film avait été donné au feu  Président Ahmed Sékou Touré. Une copie se trouvait encore dans le bureau de feu Président Ahmed Sékou Touré dont les archives étaient très bien classées.

Nous profitons de cette occasion pour demander où sont passées ces archives dont la restitution  rendrait un grand service au Peuple de Guinée ?

2 .Des mercenaires auraient été appréhendés  cachés  au domicile de certains autres.

  1. Un prisonnier, libéré par les envahisseurs du camp Boiro, aurait réussi à s’enfuir dès sa sortie de prison, le 22 novembre 1972, en Sierra Léone à bord  d’un véhicule de service que lui aurait fourni  l’un des pendus.

Selon le capitaine Alpoim Calvao, c’est grâce à cette fuite qu’ils reçurent le premier rapport sur la situation au camp Boiro.

Ce procès avait fait l’objet d’appréciations diverses. A l’étranger, particulièrement en France, tous ceux qui étaient contre la condamnation à mort pour des raisons politiques l’avaient condamné; d’autres le regrettèrent, mais le comprirent  en se rappelant la répression qui frappa les collabos à la fin de la deuxième guerre mondiale en France.

La  régularité du procès était également contestée par certains. Mais là aussi et jusqu’aujourd’hui les divergences persistent, car pour d’autres chaque régime a sa procédure judiciaire compte tenu de son option idéologique et politique. Il suffit de se rappeler l’avis  de feu Jean-Marie Doré, par exemple, affirmant que, le   Tribunal Suprême qui a jugé les accusés « était un Tribunal régulier. Les actes  engageaient les citoyens … Ceux qui ont prononcé le jugement du temps   de Sékou Touré étaient habilités par le Parlement guinéen à l’époque ».

  1. De la présence des ambassadeurs étrangers dans le cortège de l’association des victimes en janvier 2016

Ah ! Le sous-développement, quand tu nous tiens !

C’est la première fois que je voyais  cela en Guinée. Même ceux qui ont pris le pouvoir le 3 avril 1984  et durant leur règne alors qu’ils appuyaient tout mouvement anti-Première République n’avaient accepté un tel acte inadmissible malgré la pression de leurs « amis qui les avaient aidés à prendre le pouvoir» (Première interview du Gl Facinet Touré à la radio Djolba). Aussi ai-je  été choqué en tant que patriote. Pour moi, c’était de la   de la foutaise.

A-t-on-vu des ambassadeurs en général et africains en particulier se permettre  de participer à la manifestation  d’une catégorie sociale en Europe, même des victimes d’une guerre  ou  se mêler des  contentieux européens ? On les expulserait  aussitôt.

Nous ne devons pas accepter, quel que soit le pois décisif de l’aide qu’ils nous nous accordent, que des bailleurs de fonds en profitent pour se mêler à nos problèmes et bafouer  notre souveraineté. Ce que nos diplomates ne peuvent se permettre de faire dans les pays où ils sont accrédités, ceux qui représentent leurs pays ou une institution en Guinée ne doivent pas être autorisés à le faire en Guinée. Ils peuvent être consultés, mais pas en faire des  arbitres de nos contentieux ou nos directeurs de conscience ou nous imposer leur définition du mot « victime ».

Moi j’ai toujours pensé que  les diplomates étrangers accrédités en Guinée doivent  plutôt se battre à nos côtés pour que les archives de leurs pays relatives aux rapports   avec la Guinée soient accessibles aux chercheurs, au moins sur la période 1958-1984 ; militer pour  une vraie réconciliation nationale entre les  Guinéens en s’inspirant des contentieux historiques que leurs pays ont eu à résoudre ; une vraie réconciliation parce que définitive sur la base de la vérité historique et non  aggraver les divisions sociales,  prendre cause  pour une catégorie sociale.

Il est vrai que la plupart de ces pays étaient impliqués dans les actions de déstabilisation contre la Guinée de la Première République l’empêchant  de se consacrer à son développement. Mais cela ne doit pas continuer,  même sur une base amicale.

Quant au ministère dit de la réconciliation, je ne  saisis pas bien son approche    pour favoriser ou atteindre cet objectif d’autant qu’on ne peut pas réconcilier si on prend parti avant de réunir les protagonistes ne serait-ce que pour connaitre  leur objectif de combat.

Il est vrai que, et je le répète,   dans ce pays  d’intrigues, de mensonges et d’ingratitude   tout est possible.

Mais ce département devrait  tirer les leçons du sort de toutes les structures même provisoires recommandées ou mises en place depuis le 3 avril 1984 : elles ont toutes échoué parce que les approches étaient toutes mauvaises. Tant qu’un débat national,  public et  contradictoire ne sera pas organisé en Guinée, la réconciliation sincère et définitive ne sera pas possible parce qu’on voudra l’imposer par  le mensonge et la tricherie. Ceux qui  ont suivi la radio Evasion  depuis quelque temps  savent désormais que nombre de témoins  sont   prêts, pour ce qui est de la période 1958-1984, à faire disparaitre les  fables et ragots des pages de l’histoire récente de notre chère patrie, la Guinée.

Il est vrai que vu la peur d’être livré à la vindicte populaire qui anime certains cadres et les engagements pris par d’autres, l’on m’a souvent dit que ma  position est utopique dans un pays où dire ou la défendre  la vérité est un crime. Mais je  suis  convaincu  que seul le débat national, public et contradictoire permettra une réconciliation définitive et la réhabilitation des vrais innocents. C’est autour de cet objectif  que les vrais patriotes, ceux qui n’ont rien à se reprocher dans les actions de déstabilisation contre notre pays depuis 1958, doivent se mobiliser. Les innocents et les traitres doivent être identifiés pour faciliter la réhabilitation des premiers  comme  des pays d’Europe et d’Amérique l’ont fait.

Comme je l’avais écrit en 1993, et nous vivons la même situation, beaucoup de Guinéens semblent se cacher encore et refuser de rendre témoignage à la vérité.

Mais ceux qui sont déterminés doivent savoir que  la vérité    est au-delà du vrai et du faux. Elle est seule pérenne et conciliatoire. Aussi se suffit-elle à elle-même. Faisons donc d’elle notre guide et laissons  les menteurs s’égarer. Nous le savons tous: Les faits historiques sont têtus ; ils se révéleront  au moment où l’on s’attend le  moins. Il suffit d’être patient comme certains l’ont toujours  été jusqu’ici. Les bouches s’ouvrent désormais…

  1. Du Rapport et des recommandations de la commission provisoire de réflexion sur  la réconciliation nationale (CPRN)

Evasion

Que pensez-vous du rapport de la Commission provisoire sur la réconciliation nationale, surtout qu’on vous a vu à la séance de restitution et à la cérémonie de remise officielle au Chef de l’Etat ?

Réponse

J’ai fini par le lire intégralement. Et j’ai compris alors pourquoi ma longue  lettre du 21 septembre 2011 que j’ai moi-même déposée  au secrétariat de Mgr Koulibaly qui l’ a reçue et au domicile de l’Imam Saliou Camara, les co-présidents de la CPRN, n’a pas été répondue ; que   toutes les demandes souvent répétées de tiers, membres des  sous commissions de la CPRN et de l’ONG « Plus Jamais d’Agression contre la Guinée » de  m’inviter aux différentes séances de travail, aux  ateliers ad hoc en particulier, ont été  systématiquement refusées par la CPRN.

Pour ce qui est de ma présence aux deux cérémonies suscitée, les organisateurs voulaient certainement tromper l’opinion publique nationale  et  internationale en voulant montrer que même Sidiki Kobélé Keita a participé aux différentes séances de travail.

La lecture des pages 32 à 60, 202 à 228 m’a surtout permis de comprendre pourquoi certains citoyens qui ont participé à la confection de ce rapport et des recommandations se sont montrés satisfaits : c’est la reprise, depuis le 3 avril 1984, en particulier sur la période 1958-1984 des mêmes sources d’information au bas de chaque page donc des mêmes inepties, des mêmes affabulations, des mêmes propositions suite à  des analyses orientées, parfois édulcorées pour qu’on les avale facilement. La bibliographie qui suit à partir de la page 229 donne l’impression que d’autres ouvrages ont été lus et exploités. Ce qui ne se vérifie nulle part dans ce document fourre-tout

Pauvre Guinée ! Nous continuons à perdre du temps et de l’argent ; nous cherchons  plutôt   faire plaisir à certains  bailleurs de fonds.

Evasion

Mais  que dites-vous des recommandations ?

Réponse

Voyez-vous, la réconciliation nationale est une entreprise délicate et  de longue haleine tant les contentieux sont sérieux et profonds. Le danger serait d’opter pour une réconciliation politicienne. Ce serait comme si nous  masquions  une plaie. Or, nous le répétons, une plaie masquée n’est pas une pleine guérie. Je suis de ceux qui sont convaincus que le chef de l’Etat veut une  réconciliation  réelle et définitive et qu’il n’acceptera pas des approches faciles et inspirées de l’extérieur au détriment des intérêts du peuple de Guinée. Pour lui chaque Guinéen doit se sentir concerné et responsable des solutions dégagées.

Les recommandations sont les mêmes sauces  qui changent de structure de support ; elles  ne sont    ni  appropriées, ni nouvelles, ni  innovantes. Elles satisferont peut-être une partie des Guinéens, mais pas la Guinée. La plupart sont de vieilles propositions dont les auteurs sont connus pour leur hostilité maladive envers le Président Ahmed Sékou Touré et à « son » régime.

A mon avis ce qui urge, c’est la mise en place d’une véritable commission nationale  qui se consacrera  à des approches plus conséquentes parce que guinéennes, quitte à statuer sur les « recommandations » préconisées par  la  CPRN.

L’échantillonnage de Guinéens consultés, suivant  les statistiques du rapport, demande en majorité la vérité et un débat public national contradictoire. La lecture dialectique des  chiffres  établis aboutit à cela.  Toute précipitation donnerait à l’objectif visé un caractère politicien, donc provisoire. Or, nous voulons une réconciliation nationale définitive qui nous permette de nous atteler enfin, autant que possible unis, au développement intégral, effectif et harmonieux  de notre chère  Guinée.

Ne  cherchons surtout  pas  à faire plaisir seulement aux  bailleurs de fonds, dont certains sont parties prenante dans nos contentieux. Agissons froidement et sérieusement dans une perspective historique pour que de tels contentieux ne se produisent  plus.

Evasion

Que pensez-vous de la journée de repentance proposée, le 28 septembre de chaque année ?

Réponse

Je ne suis pas surpris vu la composition de la commission provisoire de réflexion et la nature des contentieux à examiner et don certains n’ont pas été examinés, en particuliers  ceux qui sont jusqu’ici  à l’origine de l’hostilité de la hiérarchie catholique envers le Président

A mon avis, la date du 28 septembre proposée pour   la  repentance (?)  entre  dans les tentatives de réécriture orientée de l’histoire de la Guinée depuis le 3 avril 1984. Il s’agit surtout d’effacer certains faits historiques  de patriotes qui dérangent et rappellent  de mauvais souvenirs à certains citoyens guinéens et  à des étrangers. Ceux qui doivent se repentir sont connus de certains. Mais le peuple ne les connaitra effectivement  qu’après le débat voulu par la majorité des Guinéens et devant instaurer définitivement la paix en Guinée.

Et puis,  ce ne sont pas des jours qui manquent dans un mois, pouvant   devenir des journées historiques évoquant des faits majeurs d’une Nation.

Le 28 septembre doit rester le jour où le peuple de Guinée uni a dit « Non » au général de Gaulle  et à son projet de néo-colonisation, la « communauté française », c’est-à-dire  le jour où il a dit  « oui » à l’indépendance de notre pays. Une journée de joie et de diverses réjouissances et non de tristesse. Donc une journée sacrée  comme toute journée  d’indépendance dans un pays  jalouse de sa souveraineté  et de sa liberté, un pays  qui se respecte, où le patriotisme est une réalité ; personne ne doit   souiller ou  retenir cette journée pour commémorer un autre fait historique, si important  soit-il.

Les Niçois peuvent-ils demander de choisir le 14 juillet de chaque année non  pour commémorer la Révolution de 1789, mais l’attentat qui les frappa un 14 juillet de 2016 ? La France n’a-t-elle pas choisi un autre jour pour rendre hommage aux victimes de cet ignoble attentat ? Le 14 juillet c’est la fête nationale française.

Quand on est  véritablement patriote, on ne touche jamais à certains symboles. Le 28 septembre est de ceux-là.

C’est dire que la répression du 28  septembre 2009  est certes condamnable et les auteurs quels qu’ils  fussent doivent être sévèrement sanctionnés. Mais elle ne doit pas être  commémorée  à la place du 28 septembre 1958 parce qu’elle n’a pas un caractère national et suscite  trop d’interrogations non encore  élucidées.

Question

Votre dernier mot ?

Réponse

Toujours le même depuis le  3 avril 1984 : la tenue d’un débat national public et contradictoire.

Sidiki Kobélé Keita

Enseignant-chercheur

Conakry, le 8 décembre 2016

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