Censure

La force l’a-t-elle emporté sur le droit en Gambie ? (Par DOUNOH Mory)

Toutes les conditions étaient elles réunies pour une intervention militaire de la CEDEAO en Gambie ?
Quid de la légalité de la prestation du serment du président élu ?
Y’avait elle eu ingérence exceptionnel dans les affaires intérieures de la Gambie ? la CEDEAO a-t-elle été manipulée ou elle a agit délibérément ?
Quand est- il du contentieux électoral ouvert à cet effet ?
Voici des questions qui doivent guider notre réflexion !
Pour comprendre en profondeur la situation de la crise Gambienne il est important de se pencher sur ces différentes préoccupations afin de comprendre qui est selon la loi le Président de la Gambie.

Les instruments juridiques de la CEDEAO notamment le protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité évoque des principes cardinaux qui doivent guider chaque Etat membre pour la stabilité institutionnel et favorisé la paix.
1- De la violation des dispositions des articles 7 et 9 du protocole de la CEDEAO relatif à la gestion des crises.

L’article 17 de la Déclaration de l’Union sur les Principes régissant les Elections démocratiques en Afrique stipule que tout Etat partie doit :

1. Créer et renforcer les organes électoraux nationaux indépendants et impartiaux, chargés de la gestion des élections.
2. Créer et renforcer les mécanismes nationaux pour régler, dans les meilleurs délais, le contentieux électoral.

Le chapitre 5 du protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité est très clair
L’Article 25 parle des conditions de mise en œuvre « Le Mécanisme est mis en œuvre dans l’une des conditions ci-après:
(a) En cas d’agression ou de conflit armé intervenu dans un Etat membre, ou de menace d’un tel conflit;
(b) En cas de conflit entre deux ou plusieurs Etats membres;
(c) En cas de conflit interne qui;
(i) menace de déclencher un désastre humanitaire;
(ii) constitue une menace grave a la paix et a la sécurité dans la sous région;
(d) En cas de violations graves et massives des droits de I’Homme ou de remise en cause de l’Etat de droit;
(e) En cas de renversement ou de tentative de renversement d’un Gouvernement démocratiquement élu;
(f) Toute autre situation que détermine le Conseil de Médiation et de Sécurité ».

L’article 26 nous renseigne du Pouvoir d’initiative pour l’intervention
« (a) Sur décision de la Conférence;
(b) Sur décision du Conseil de Médiation et de Sécurité;
(c) A la demande d’un Etat membre;
(d) A l’initiative du Secrétaire Exécutif;
(e) A la demande de L’OUA ou des Nations Unies ».

L’article 27 définit la procédure de mise en œuvre

« Le Mécanisme est mis en œuvre suivant l’une ou l’autre des procédures ci-après:
(a) Le Secrétaire Exécutif informe les Etats membres du Conseil de Médiation et de Sécurité et en concertation avec le Président en exercice, prend toutes mesures d’urgence.

(b) Le Conseil de Médiation et de Sécurité envisage plusieurs options, et décide de celle la plus appropriée en matière d’intervention. Ces options peuvent porter sur le recours au Conseil des Sages, sur l’envoi de mission d’enquête, de missions politiques et de médiation ou sur l’intervention de I’ECOMOC ».

A la lecture et l’analyse profonde de ces conditions, le point B de l’article 27 susmentionné « Le Conseil de Médiation et de Sécurité envisage plusieurs options, et décide de celle la plus appropriée en matière d’intervention. Ces options peuvent porter sur le recours au Conseil des Sages, sur l’envoi de mission d’enquête, de missions politiques et de médiation ou sur l’intervention de I’ECOMOC » n’a pas été mis en œuvre selon la règle voulu par le même protocole.

Si la CEDEAO a estimé que ce point était applicable à la situation de la Gambie, par contre, les articles 7 et 9 du protocole additionnel A/SP1/12/01 au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ont été systématiquement violés.

Cependant, l’article 7 du dit protocole ouvre la voie aux Etats partis d’instituer un contentieux électoral crédible relatif à l’organisation, au déroulement des élections et à la proclamation des résultats. Pourtant un organe chargé du contentieux électoral existe en Gambie et celui-ci ne sait jamais prononcé malgré sa saisine.

L’article 9 du même protocole dispose : « A l’issue de la proclamation définitive des résultats des élections, le parti politique et/ou le candidat battu doit céder, dans les formes et délais de la loi, le pouvoir au parti politique et/ou au candidat régulièrement élu ».

A l’analyse de ces deux dispositions du protocole, il faut dire que le Président sortant après son volte face a décidé de saisir la Cour suprême d’un recours pour l’annulation des résultats provisoires, de ce point de vu, un contentieux est nécessairement ouvert, dans ce cas le président en exercice doit continuer jusqu’à ce que la cour suprême se prononce sur la validité du scrutin ou non.

Pourtant la cour suprême est la seule institution de par la loi habilitée à proclamer les résultats définitifs ; donc de ce point de vu l’article 9 du protocole n’est pas applicable à la situation Gambien d’autant plus que les résultats définitifs n’ont jamais jusqu’à date été proclamés.

Si son mandat expirait le 19 conformément à la loi, il a bénéficié par contre d’une prorogation de 3 mois par l’assemblée nationale ce qui signifie qu’il doit rester Président jusqu’à ce que le contentieux électoral soit totalement vider par l’organe compétent conformément à la Constitution Gambienne et à l’article 7 du protocole signé et ratifié d’ailleurs par la Gambie.

L’autre point concernant le refus du Président sortant de céder le pouvoir au candidat élu selon les résultats provisoires n’était pas justifié d’autant plus que les résultats proclamés par la CENI n’était que provisoires étant donnée que seule la Cour suprême est habilitée à validé ou non les résultats. Dans ce cas d’espèce l’article 9 du protocole a été toujours violé par la CEDEAO.
2- De l’illégalité de la prestation du serment
Le Président élu prête serment devant un juge et après que les résultats provisoires aient été validé par la Cour suprême selon la Constitution.
Or, le président élu a prêté serment sur la base des résultats provisoires proclamées par la CENI et de surcroit devant un auxiliaire de justice c’est à dire un avocat ce qui va en contre sens de la Constitution Gambienne.
A la lumière de tous ces arguments on peut affirmer sans risque de se tromper que le Président légal reste et demeure le Président en exil conformément à la Constitution Gambienne.

3- De la légalité du Président élu
Pour être légal, le président élu doit obligatoirement faire valider les résultats provisoires par la cour suprême seule habilitée à le faire et reprendre la prestation de serment devant un juge conformément aux dispositions pertinentes de la Constitution.
4- De la violation de la souveraineté Gambien
Le Président sortant avait décrété le régime d’exception avant l’expiration de son mandat, or les troupes de la CEDEAO sont rentrées sur le territoire Gambien avant même l’expiration du mandat malgré la prorogation par le parlement élu.
5- Les enseignements à tirés

La médiation dirigée par le Chef de l’Etat Guinéen a eu pour conséquence, de rectifier la violation de la procédure commise par la CEDEAO, au regard des modalités de mise en œuvre et de résolution des crises, la CEDEAO devrait s’assurer que le contentieux électoral ouvert soit vider par la cour supreme, et que celle-ci se prononce sur la recevabilité ou non du recours, elle ne devrait pas mettre en avant les menaces d’intervention de la force malgré le volte face du Président sortant.

Si nous poussons l’analyse plus loin, sur un autre angle le Président sortant a été légitimement élu avant les élections donc, il avait un mandat claire avant le 19 Janvier 2017, si les députés ont eu le temps de le proroger avant son expiration, la CEDEAO devrait s’assurer que les articles 7 et 9 du protocole étaient applicables en l’espèce dans le cas Gambien.

En conclusion c’est la première fois qu’on prête serment sur la base des résultats provisoires donc il est important que les analyses se fondent sur la légalité des choses et de rester dans le factuel nous devons avoir un regard critique et objective sur les événements
je vous remercie
La réalité est que la force l’a emporté sur le droit !

Mr DOUNOH Mory
Consultant en droit de l’homme
628396930

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