Censure

Troisième mandat … Guillotine … ou pas guillotine ? (Par Ousmane Boh Kaba)

Le 15 mai 2016, le président Alpha Condé, répondant à la question de savoir si le fait pour lui de fréquenter des pays à démocratie douteuse n’augurait pas de son ambition à se maintenir au pouvoir au-delà du délai constitutionnel, déclarait : « Dans un pays, ce n’est pas à vous de décider, c’est le peuple. Personne, je dis bien, personne ne me dira ce qu’il faut faire, excepté le peuple de Guinée. J’ai un programme de cinq ans que j’applique pour satisfaire le peuple de Guinée. Je ne rentrerai pas dans ce débat de limitation de mandats».

Le 24 novembre 2016, en séjour dans la région forestière, le patron de la Police nationale, Bangaly Kourouma s’est exprimé sur un troisième mandat du Président Alpha CONDE en ces termes : « La Guinée ne connait pas d’anciens présidents, Sékou Touré a fait 26 ans et c’est après sa mort qu’il y a eu un coup d’Etat, le Général Lansana Condé a fait aussi 24 ans et c’est après sa mort que les militaires ont pris le pouvoir. Alors, vous voulez qu’Alpha Condé s’arrête à deux mandats? Nous avons voté pour qu’il soit notre président et non pour un ou deux jours. Le jour qu’il va mourir, celui qui viendra c’est ce que Dieu aura prédit  ».

Le 21 janvier 2017, c’est Hadja Nantou Chérif, la Coordinatrice du parti présidentiel RPG Arc-en-ciel, qui s’inscrivait en promotrice d’un troisième mandat du Professeur Alpha Condé en affirmant ceci : « Ecoutez bien vous les journalistes ce que je vais dire, c’est le peuple qui va lui demander son troisième mandat, n’en déplaise aux détracteurs. Ce n’est pas notre affaire, c’est le peuple qui va lui demander  parce qu’il travaille ».

Le Professeur Alpha Condé est au pouvoir depuis l’organisation de la première élection libre et transparente en Guinée, en décembre 2010 et réélu tout aussi triomphalement en octobre 2015. La Constitution guinéenne lui interdit un troisième mandat en son article 27 qui dispose qu’ « en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non ». Mais à l’instar de plusieurs chefs d’État africains, comme l’ex-président burkinabè Blaise Compaoré, il est soupçonné de vouloir modifier les règles pour se maintenir. Au Burkina Faso, la population a réagi en chassant du pouvoir le président.

Il est évident de reformuler les lois qui régissent le peuple. La constitution française de 1789 ne postulait-elle pas que « la nation a le droit imprescriptible de changer sa constitution » ? Généralement, en Afrique, la révision tourne autour du statut du chef de l’Etat, de la dévolution, de l’alternance politique ; plus exactement elle porte sur la prolongation ou non du mandat présidentiel. À ce niveau deux tendances apparaissent : la première se situe dans la trajectoire du renouvellement ou de l’allongement du mandat arrivé à terme au bout de deux mandats successifs ; la rééligibilité ne se faisant qu’une seule fois. C’est le cas du Cameroun, et de bien d’autres pays africains. La deuxième tendance, elle, se démarque par le jeu de l’abandon du pouvoir après l’exercice de deux mandats consécutifs, respectant l’esprit et la lettre de la constitution. C’est le cas des présidents Konaré du Mali, Rawlings et Kuffor du Ghana.

Seuls deux procédés de modifications sont possibles : la révision par voie référendaire et celle effectuée par le parlement en exercice. Cette dernière formule est la plus utilisée. La raison en est simple : la majorité présidentielle coïncidant avec la majorité parlementaire.

Si rien n’interdit à ce que le législateur modifie, complète ou abroge les dispositions législatives antérieures, le droit de l’État, cependant, doit se concilier avec l’Etat de droit. En principe, la souveraineté du peuple ne peut être remise en question que par le peuple lui-même. Ce que le peuple a fait, il lui appartient aussi de le défaire. C’est donc au « peuple guinéen qu’il faut demander s’il serait prêt à changer » la constitution.

Si le peuple décide de limoger son président, ce dernier ne pourra qu’accepter cette volonté. Mais certains au pouvoir veulent le conserver jusqu’à leur mort.

Pourtant, si la loi du peuple doit s’appliquer, alors on accepte que les révolutionnaires français de 1793, après avoir voté la déchéance de leur roi, lui ont coupé la tête. Ainsi le roi de France est resté, comme dans certains pays africains, maître jusqu’à sa mort. Que fera donc le peuple guinéen de son roi-président ?

Par Ousmane Boh Kaba

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