Selon la fable, la raison du plus fort est toujours la meilleure, comme si cela ne coulait pas de source, ou plutôt de la Fontaine.
La version alphablondesque donne ceci: « La démocratie du plus fort est toujours la meilleure ». Si l’expérience démocratique a montré que cette dernière sentence correspondait à une certaine réalité politique – et tout le monde pensera de fait au continent africain – il n’en demeure pas moins que cette pratique, pour ne pas dire ce mode électoral et cette mode électorale dite « démocratie », renvoie à la première sentence, à savoir que la raison du plus fort est toujours la meilleure. On y perd son latin.
La démocratie n’est qu’un mode de désignation, disions-nous, mais, depuis le fameux discours de la Baule, elle est devenue une mode politique « imposée » au continent noir. Les guillemets sont peut-être superflus car le discours de l’éleveur de labradors – le Mitterrand qui a paradoxalement qualifié les journalistes de « chiens », et qui ont endossé ce qualificatif au nom de la Liberté d’aboyer, preuve peut-être qu’il les adore (l’amour vache version canine) – du haut de son strapontin de chef d’État de l’ex-puissance coloniale, n’était ni plus ni moins qu’un diktat pour les États africains francophones. Francophones évidemment car ceux qui jouent dans la cour du Commonwealth l’auraient envoyé chier. On a beau être « Dieu », il y a des choses que tout le monde ne gobe pas. Le vrai fils du vrai Dieu, version biblique cette fois, en sait quelque chose, lui qui ne parlait ni de démocratie, ni de vaticancrerie. Ça ne l’a pas empêché de subir la loi du plus fort du moment, obligé de faire une… croix sur ses projets terrestres. Mais bon, laissons cela aux ouailles de Mgr Koulibaly. A chacun son fonds de commerce.
Occupons-nous plutôt de Touré, celui par qui récemment les chemins de croix étaient devenus la croix et la bannière. Le Touré-t-‘en question a subi la raison du plus fort au sein de ce qui était jadis une opposition.
Dans ce rapport de force, chacune des parties avait tenté, en effet, d’imposer sa loi, au mépris des lois en vigueur quelques fois. Pourquoi en étions-nous là, obligés de subir cette querelle sans fin ? Because l’homme blanc (encore lui) a décidé de ce qui était meilleur pour l’homme noir (toujours lui). Voilà le noeud du problème. Le plus fort a tracé le chemin; et tant pis si, chemin faisant, ceux qui se suivent et se poursuivent sur ces sentiers battus se mettaient à se battre entre eux pour savoir qui va marcher en tête de file de… l’opposition. Comme si cela avait la moindre importance vu que, de toute façon, c’est quelqu’un d’autre qui devait choisir la voie à suivre.
Ceux qui sont en tête se chamaillent donc pour marcher et bomber le torse, tandis qu’en queue de peloton, l’on a du mal à suivre la cadence. Les têtes de files, les têtes couronnées si vous préférez, ne pensent qu’à filer, ignorant qu’ils filent du mauvais coton, mais surtout ne comprenant pas pourquoi ceux qui sont à la traîne ne font pas écho à leurs maux d’ordre… pardon!… leurs mots d’ordre d’accélérer la cadence vu que c’est cela qui tient lieu d’indicateurs, donc de motivation pour les bonnes notes décernées par les architectes qui se sont amusés à tracer des sentiers aussi sinueux (ça va? tout le monde suit?). Si les traîne-savates restent sourds aux instructions et persistent justement à traîner les pieds, c’est que, précisément, ventre creux n’a ni oreille, ni jambes. Et là, la loi du plus fort n’y peut rien. Cela est heureux car la démocratie, en tant qu’expression de la volonté populaire, doit servir le plus grand nombre. Malheureusement, la démocratie préfabriquée ne sert à rien, sinon à servir ceux qui sont tout sauf le plus grand nombre.
Dans un pays comme la Guinée où peu de gens mangent à leur faim, où la santé pour tous est encore attendue, l’électricité rare malgré Kaléta et l’eau potable reste encore très trouble dans certaines contrées pas si reculées que ça, le budget des institutions républicaines, mécanismes de fonctionnement du gadget de riche made-in-la Baule, coûtent les yeux de la tête. A vous prendre la tête. A-t-on vraiment besoin du 4×4 dernier cri pour que les élus puissent représenter des électeurs dont les enfants ont le ventre ballonné à force de boire des bouillons de têtards dans l’eau de mare? Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Combien coûte une élection? Le budget de l’Assemblée nationale? Pourquoi tant d’argent pour si peu de résultats? A côté de ça, le moindre tampon de coton pour un pansement, même sommaire, au dispensaire vous est facturé. Nous filons du mauvais coton, disions-nous.
La mise en place régulière des institutions républicaines ou les élections communales ne sont pas une fin en soi. C’est de se mettre véritablement au service des populations qui est important. Mais, ça, tout le monde s’en fout. Pourvu qu’on soit bien noté par ceux qui tiennent les cordons de la bourse internationale. C’est eux les plus forts et leur raison est forcément la meilleure. Et c’est malheureusement ce qui sera écrit et mémorisé.
Abou Maco
Journaliste