Avec le président du Groupe organisé des hommes d’Affaires (GOHA), nous avons évoqué avec lui les tracasseries douanières à Sambailo, localité située le long de la frontière avec le Sénégal, les rapports de son Ong avec le ministre du Commerce, son implication dans la sensibilisation des commerçants, le dédommagement des victimes des violences de 2013 et le fonctionnement du Goha.
Vous dites que les commerçants sont victimes de harcèlement douanier à Sambaïllo, dites-nous ce qui se passe là-bas réellement?
Chérif Abdallah : Oui ! Je confirme ce harcèlement parce que ça vise aussi ma personne. C’est la quatrième fois que je passe à la frontière et que je suis victime de harcèlement de la part surtout de la douane de Sambaïlo.
En première position, c’était dans le cadre de la sensibilisation et le dépôt des kits sanitaires contre la maladie à virus Ebola. Voilà, on était parti avec des kits qu’un chef nous a remis qu’on devait déposer partout vers les frontières en partenariat avec cette institution onusienne donc nous sommes venus là.
La Douane à l’époque précisément le directeur de la douane a voulu nous empêcher. Et partout où on n’est passé, on a été très bien reçu à l’époque même par les douaniers à part aussi à Sambaïlo. A Sambaïlo, ils ont voulu nous empêcher, je ne sais pas ils visaient quoi ? Est-ce ma personne ? Ou bien, ils ne veulent pas que nous passons par là pour connaître un peu ce qui se passe.
Alors, je suis allé au Sénégal. Au retour, j’étais avec ma famille. On partait d’ailleurs à un décès à notre village où une de mes grands-mères était décédée à Sagalé (Lélouma). Quand je suis venu, ce qui m’a surpris, j’ai trouvé des douaniers en grand nombre. J’étais dans ma voiture personnelle, ils ont entouré ma voiture, ils ont fouillé partout comme si j’étais ciblé, comme s’il y’avait eu une information que je devais passer là et qu’on devait me harceler.
S’il soupçonne quelque chose, c’est normal à ce qu’il y ait des fouilles. Ça c’est le travail de la douane. Mais quand cela devient du harcèlement, et surtout les comportements que nous avons déplorés, bon nombre de commerçants nous ont fait cas de ces harcèlements.
Ils nous ont même dit que la douane de Sambaïlo plus précisément le chef de bureau adjoint qui est là-bas personne parmi les douaniers ne l’ose, il s’en fout des normes. Il prend des poses de 13heures à 16heures. Si vous arrivez là à 13H et qu’il n’est pas là, dites-vous qu’il est en pose, vous serrez obligés d’attendre 4heures du temps, pendant que lui, il dort paisiblement dans son appartement, personne n’ose toucher un dossier.
Imaginez maintenant de 13 h à 16 h pour des gens qui viennent de très loin, qui arrivent là fatigués. On vous dit d’attendre encore quatre heures du temps parce que tout simplement, le patron est en pause. Il viole la règle qui dit qu’en Guinée, l’administration travaille de 08H à 16H30. Nous sommes dans quel pays ? On ne voit ça nulle part dans le monde sinon qu’en Guinée.
Voilà ce qui m’est arrivé le 06 Janvier 2017. J’arrive là, le monsieur est là, il m’a vu, à ma grande surprise, il devient plus furieux que d’habitude. Il donne l’ordre de fouiller ma voiture, ils ont fouillé comme ils veulent. Après, ils m’ont dit de patienter en attendant leur chef. Je dis votre chef, c’est qui ? Ils m’ont dit que c’est le chef de bureau adjoint. Je dis, il est parti où ? Ils m’ont dit qu’il revient à 16 heures. J’ai dit, rester ici jusqu’à 16heures, sans vous mentir je ne peux pas rester ici jusqu’à 16heures, ce n’est pas vrai ! Ça ne peut pas aller comme ça. J’ai dit l’administration guinéenne officiellement travaille de 08heures à 16h30. Et celui qui n’est pas disponible à le faire puisqu’il n’est pas la seule personne, dites-moi à qui je dois m’adresser? Pour que je quitte ici, parce que je suis dans les normes, j’ai tous les documents qu’il faut. Donc personne ne peut m’arrêter sur le territoire guinéen. Je suis dans mes droits.
Ils m’ont dit qu’il faut qu’il arrive, j’ai demandé le numéro de téléphone, impossible, personne n’a osé me donner le numéro. Il a fallu que j’appelle un de mes amis professeur qui avait ses bagages dans ma voiture ; c’est lui qui a appelé le directeur de la douane de Koundara pour que celui-là face quelque chose. Je ne sais pas qu’est-ce qu’ils se sont dit là-bas et après qu’on donne l’ordre de me libérer.
Est-ce que ce genre de comportement est normal ? Je vous dis que moi je passe là souvent avec des investisseurs. La fois dernière, je passais là avec un grand milliardaire Iranien, un investisseur du Moyen Orient, il a beaucoup investi dans le tourisme et dans le transport dans beaucoup de pays en Afrique et en Asie.
C’était pour visiter le pays. On venait du Sénégal et de la Guinée Bissau. Si on avait trouvé ces mêmes personnes avec ce genre de comportement, mais c’est terminé.
Pourquoi se foutent-ils de nous ? Il connait parfaitement qui suis-je. Et ce que je représente dans ce pays. Je dirige une institution où tous les opérateurs économiques sont dedans, membres et sympathisants, cela est connu de tout le monde. C’est pour cela que j’ai demandé à tous les commerçants et chauffeurs qui passent là de prendre des images et de nous les remonter comme ça, nous, on va prendre des dispositions qui s’imposent. Celui qui essaye de nous harceler, on va demander son départ, et il bougera.
On vient de mettre un bureau de la section GOHA au grand marché hebdomadaire de Djaoubhé au Sénégal. Tous les commerçants qui passent là, sont membres du GOHA. Ils vont chercher à vérifier tout ce qui se passe là-bas pour nous remonter l’information, comme ça on va agir conséquemment. Ce trafic d’influence-là ne marche pas maintenant avec nous voilà.
Le ministre du Commerce dit avoir incinéré 3 500 tonnes d’aliments impropres à la consommation en 2016. Est-ce qu’en tant que président du GOHA, vous avez pris des dispositions pour dire aux commerçants de ne pas importer des aliments impropres à la consommation?
Nous ne détenons pas les statistiques là de façon officielle, donc on ne peut ni confirmer ni infirmer cette information. Nous n’avons pas été associés. Mais le travail que le GOHA est en train de faire maintenant même avant l’arrivée de ce ministre, c’est de dire aux commerçants que quiconque importe des denrées pourries dans ce pays, on ne va jamais le soutenir. Il sera poursuivi et la rigueur de la loi lui sera appliquée, parce que c’est une violation de la loi. Et si on nous demande, on va appuyer le ministère pour que cela soit nettement détruit. Celui qui le fait n’a pas peur de Dieu et il doit être sanctionné conséquemment.
Est-ce que vous avez pris des dispositions dans ce sens?
Oui, des dispositions sont prises depuis longtemps. Nous sommes en train de sensibiliser nos membres à l’intérieur comme à l’extérieur, d’éviter les produits pourris que ce soit l’alimentation que ce soit les médicaments, que ce soit n’importe quoi. Tout ce qui n’est pas propre à la consommation, d’éviter. Et nous allons accompagner le ministre du Commerce justement dans ce cadre si nous sommes informés.
Pensez-vous qu’il y a des commerçants qui le font ?
Oui, il y a des commerçants qui le font même si ces pratiques ont nettement diminué. Il y a des commerçants qui n’hésitent pas à le faire. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Nous ne défendons pas des malfaiteurs. Nous défendons des commerçants qui travaillent dans la légalité et si on viole leurs droits, on se lève pour les défendre. Même nous, si on arrive à déceler certaines choses, on va dénoncer. Ça, c’est clair !
Moi, l’autre fois, j’ai eu des farines qui étaient pourries dans mon magasin ici et à Labé, j’ai brulé ces farines moi-même parce que j’ai constaté que c’est impropre à la consommation. J’ai pris le service concerné et je suis allé. Qu’est-ce qui est plus normal que ça ? Je n’ai pas attendu que quelqu’un vienne me dire ou m’apprendre que ce que vous vendez n’est pas bon. J’ai pris l’initiative moi-même, j’ai fait les frais nécessaires pour pouvoir incinérer ça et j’ai pris les documents pour les garder. J’ai les documents et les images. J’ai fait ça pour donner l’exemple à tout le monde.
Où en êtes-vous sur le remboursement des commerçants victimes des pillages en 2013 ?
Nous écoutons les politiciens parce que c’est dans les accords de 2016 que ça a été discuté et ils ont décidé de dédommager les opérateurs économiques victimes des pillages de l’année 2013. Et conséquemment, le GOHA a fait une conférence de presse, à l’époque on avait prononcé une déclaration pour dire que nous soutenons ces accords parce que ces accords concernent les opérateurs économiques victimes de pillages. Nous sommes derrière les politiques. Nous pensons qu’ils vont respecter leurs engagements.
Vous êtes sûrs?
Nous, on ne peut pas être sûrs. On est sûrs de rien parce que nous avons vu dans ce pays des promesses non tenues à plusieurs reprises. Mais, si ce n’est pas respecté, on prendra notre disposition.
Vous nous avez présenté un opérateur économique Iranien, qui voulait implanter une société de transports en Guinée. Où en êtes-vous aujourd’hui dans ce projet?
Effectivement, nous avons fait visiter un des plus grands transporteurs du Moyen Orient là-bas pour qu’il investisse dans le transport parce qu’il est capable de le faire. Est-ce que l’environnement l’a convaincu ? Nous, on cherchait à le convaincre sur ce qu’on peut, en tout cas. On garde le contact. Donc, c’est à lui de prendre les décisions, il nous a dit qu’il va réfléchir avec les membres de sa société pour voir ce qu’ils peuvent faire en Guinée.
Vos détracteurs vous soupçonnent de vivre sur le dos des commerçants. Comment votre institution est financée M. Abdallah?
Je mets au défi tous les opérateurs économiques de la Guinée et tous les commerçants et l’ensemble des citoyens, quiconque dit Cherif Abdallah utilise un opérateur ou quelqu’un d’autre pour fonctionner. J’ai dit et je le répète, je n’ai pas besoin de la poche de qui que ce soit pour vivre. J’ai commencé à travailler, je n’avais pas 20 ans. Je ne suis pas milliardaire mais Dieu m’a donné les moyens de vivre. Je le remercie sincèrement pour ça. Tout opérateur qui vous dit qu’il finance le GOHA ou qu’il finance Chérif Abdallah, je vous dis qu’il a menti. Personne ne peut nier cela en République de Guinée, et personne ne peut contester voilà la vérité.
Entretien réalisé par Alpha Amadou Diallo