La balkanisation de l’Afrique par l’Europe colonisatrice a eu lieu à la conférence de Berlin en 1885. Il a fallu attendre 75 ans pour voir sonner l’heure des indépendances en Afrique. N’était-ce pas alors le moment propice pour les leaders africains de mettre fin à la balkanisation en créant un immense Etat fédéral à l’image des Etats- Unis d’Amérique ?
Mais non, les esprits n’étaient pas mûrs pour le faire, la guerre des égos ou la soif d’être le premier magistrat chez- soi ont triomphé, et c’est l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation qui a eu force de loi, une manière de perpétuer et cimenter la balkanisation cette fois par les Africains eux –mêmes.
Dans un tel contexte, chaque chef d’Etat devait régler au coup par coup ses éventuels conflits frontaliers avec les pays voisins. Aussi feu Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal indépendant, se posait des questions sur l’épineuse situation géographique de la Gambie presqu’entièrement engloutie dans le Sénégal. Il dépeindra cette situation à la tribune des Nations Unies en parlant de « la Gambie, ce pistolet braqué sur le ventre du Sénégal. » Nous comprenons que la formule n’était pas que poétique, elle était révélatrice d’un conflit potentiel à terme.
Et voilà que la prédiction s’avérera exacte. En 1994, un jeune officier gambien détrône Daouda Kairaba Diawara, le président civil ; on le découvre sous le nom de Yahya Jammey. Il se posera en deux décennies en un despote redoutable pour le peuple gambien et pour le pouvoir sénégalais. Son soutien actif à la rébellion casamançaise n’était qu’un élément de plus dans les rapports conflictuels entre les deux Etats.
Aujourd’hui nous sommes à la phase où le « pistolet braqué » est en train de se désamorcer. Le dictateur a perdu la dernière élection présidentielle organisée par lui-même, il a d’abord reconnu sa défaite avant de se raviser pour se cramponner au pouvoir. Il a donc fallu une pression agissante, à la fois diplomatique et militaire, pour lui faire lâcher prise, le voilà atterrir en exil auprès d’un autre dictateur, Téodoro Obiang Nguema de la Guinée équatoriale.
Maintenant que reste – t-il à faire à Adama Barrow le nouveau président gambien et Macky Sall le président sénégalais ? Les deux chefs devraient faire preuve de beaucoup de sagesse et de sagacité pour renouer les fils de la fraternité et de l’entente longtemps distendus. Ils pourraient aller plus loin, créer un Etat fédéral, le rêve de Senghor qui le premier avait lancé l’idée de la Sénégambie. Quant à Yahya Jammey en exil , faut pas qu’il croit qu’il s’en est tiré à bon compte, tôt ou tard il répondra de ses forfaitures à la Cour pénale internationale.
Walaoulou BILIVOGUI