Censure

Lansana Kouyaté : ‘‘Alpha est un homme politique, pas un homme d’Etat’’

Le président du Parti de l’espoir pour le développement national a fustigé la nomination d’Alpha Condé comme président en exercice de l’Union Africaine dans un entretien accordé à la Radio Espace.fm, à partir de la France où il réside depuis plusieurs mois. Selon Lansana Kouyaté, cette désignation, c’est au détriment de l’économie guinéenne. Il a dénoncé aussi la gabegie financière instituée comme mode de gouvernance de ce régime. Lisez….

 Le président Alpha Condé a été récemment désigné président en exercice de l’Union Africaine. Il a entamé une tournée en Haute Guinée qui est votre fief. Quel sens vous donnez à ce déplacement du président en Haute Guinée ?

Il est libre d’aller où il veut sur son territoire. Cela n’enlève en  rien à  l’idée que les militants du PEDN qui sont une large partie de la population de la Haute Guinée et surtout à Kankan Nabaya en particulier. La confiance qu’ils ont en leur parti et en leurs dirigeants reste totalement intacte. La vérité est que, s’agiter et agir font deux comme le disent les Ivoiriens généralement. Le président aime blaguer les Guinéens.

 La présidence de l’Union Africaine !

Le budget de la Guinée en souffrira parce que d’abord, ce n’est pas un poste électif. Il y a jamais eu des tiraillements très sérieux au tour de cette fonction qui est tournante, c’est une rotation annuelle. On arrive même qu’on demande des gens de faire deux ans parce qu’il n’y a pas des candidats. Parce que ça coûte cher aux Etats.

Au moment où ceux qui avaient l’habitude de financer, paix à son âme, je pense au Colonel Kadhafi ne sont plus, donc il y avait beaucoup de pays à l’époque qui prenaient la présidence parce qu’il y avait la garantie d’être aidé par ces pays, par exemple, l’Afrique du Sud qui est aujourd’hui en difficultés.

Mais lui, il est arrivé, les contextes sont différents. La Guinée n’a qu’à simplement accepter que les charges viennent du budget national au moment où, nous avons d’énormes défis à relever au plan des infrastructures, au plan d’éducation, d’enseignement, de la santé, sur tous les plans, pratiquement, l’économie guinéenne est totalement abimée.

Il recherche toujours l’effet d’annonce, l’impact sur les images. C’est un homme politique mais pas un homme d’Etat.

Votre point de vue par rapport au code électoral qui a tant fait de bruits en République de Guinée en son point 2 ?

Quel que soit le point, vous savez bien la position du PEDN. Nous avons dit que nous participons finalement à ce dialogue mais dès lors que nous voyons qu’il y a des vices cachés, comme on sait le faire, nous ne porterons pas notre signature au bas de l’accord. C’est ce qui fut fait parce que nous avons vu que c’était une violation flagrante du code électoral. Quand on dit que les maires ne seront pas élus mais plutôt désignés de façon proportionnelle, tout cela nous  a paru incongru.

Mais, on est habitué à ça. Ce n’est pas la première fois qu’on viole la constitution. En parlant même de ces communes qu’est-ce que la loi dit. Les conseils municipaux dès lors que le tiers des membres est en défaut constaté par la justice, le président peut prendre une ordonnance et mettre les délégations spéciales dont la durée de mandat ne dépasse deux mois, on est dans la délégation spéciale depuis 2010. La violation de la constitution est constante, donc pour moi, ce n’est pas nouveau. C’est ce qui fait le drame de notre pays, on fait semblant, on s’accoutume, on accepte et finalement, on est dans la situation  de merde.

Un grand soutien du RPG, on pense au chasseur NANBRAMAGNI qui a décidé en fin de compte quitter le navire RPG pour des raisons qui lui sont propres afin de rejoindre PEDN, votre parti politique. Après, il a eu tout le problème du monde, quelques intimidations et convocations comment depuis l’étranger, vous avez accueilli toutes ces nouvelles ?

Je l’ai accueilli avec respectabilité en sachant que d’ailleurs il n’était pas le premier mais le cas de NABRAMAGNI, le premier responsable des chasseurs traditionnels de la Haute Guinée, est anciennement un des piliers du RPG.

Chaque fois qu’il y a eu départ d’un élément du RPG vers le PEDN, il a fait l’objet de harcèlement, ce n’est pas le premier cas. Et lui ce n’était pas simplement de l’intimidation parce qu’il a fait une nuit de prison. N’eut été la mobilisation des militants de PEDN pour aller obtenir sa libération en passant par les voix les plus réglementaires, en faisant appel aux sages de Kankan, probablement Kankan allait être dans la turbulence avant même l’arrivée du président . Donc, il a été libéré. Il n’est pas le seul, je peux vous citer N cas. Il a souffert de cela quand il était dans l’opposition, mais ce qui est étonnant, les autres c’est comme une revanche sur l’histoire qu’il a ce monsieur (Alpha Condé, ndlr).

Il y a un débat qui agite les esprits ici, c’est celui de troisième mandat. Vous avez suivi certainement l’opposition républicaine qui veut créer un front anti troisième mandat pour le président Alpha Condé. Comment vous apercevez tout ça Monsieur Kouyaté?

J’avais aperçu tout ça bien avant. On était en 2010 quand certains me disaient  qu’il s’est comparé à Mandela et qui ne fera qu’un mandat. Je leur ai répondu qu’il pense déjà au troisième mandat et au quatrième. C’est la direction du pays à la Mugabe que cela soit ressenti par l’opposition républicaine et qui décide de créer un front.  Diantre! Mais créer le front pour ça alors qu’on a d’autres problèmes qui auraient dû nous amener à créer le front. Est-ce que le domaine de l’éducation marche ? Est-ce que la sécurité marche ? Est-ce que la santé marche ? L’économie de façon générale, même quand on prend secteur par secteur, Est-ce que cette économie marche où il faut une véritable révolution et cela ne méritait-il pas qu’on crée déjà un front pour ne pas spéculer sur ce qui n’est d’ailleurs pas encore totalement et ouvertement déclaré.

On n’est habitué de s’abriter de la plus mauvaise des manières aux sujets auxquels on doit s’adresser, ces sujets-là sont présents, sont actuels, c’est la misère, c’est la dégradation des infrastructures. Vous prendrez secteur par secteur et vous verrez que la situation est grave, les enfants sont en congés forcés de deux semaines.

Le divorce est consommé entre vous et l’opposition. La revendication, le front c’est cas même un combat que vous ne trouvez pas légitime parce qu’il y a des velléités par rapport cette histoire de troisième mandat.  Est-ce que ce n’est pas maintenant qu’on doit élever la défense pour la protection de la constitution guinéenne ?

Premièrement, vous dites que le divorce est consommé mais non ! Ce n’est pas un divorce, c’est une question de logique. Il ne faut pas à un moment donné s’accommoder à  ce qui est insupportable. Nous le faisons, nous le respectons depuis le début vous le savez très bien, on n’a la même position.

Cette opposition républicaine qui dit tantôt qu’il faut faire confiance au président de la république, lui faire confiance dans tous les domaines que je viens de citer ? Pourquoi parler de troisième mandat quand on sait que la Guinée a des problèmes. Je vais vous dire quelque chose qui va surprendre, beaucoup ne voient ça que sous l’angle de l’amendement de la constitution. Supposez, un seul instant qu’on fasse comme ils savent le faire les élections communales 2018 en 2019, les élections législatives qu’en 2021, on n’est déjà dans le glissement. On l’a vu dans d’autre pays où le prolongement est obtenu sans amender même la constitution. Je sais qu’il y en a qui savent faire le brique-broque constitutionnel et qui vont lui proposer cela par exemple.

Le combat pour le refus d’un troisième mandant est bien légitime mais je dis à mes frères de l’opposition, les problèmes qui sont ressentis avec acuité, tout ce qu’on a aujourd’hui comme défaillance de cet Etat mérite d’abord la création de ce front à plus forte raison le troisième mandat.

 A vous suivre Monsieur Kouyaté, on a l’impression que vous entrevoyez un scénario à la Congolaise, à la Kabila ?

Bien sûr! On peut prévoir ça, on peut se permettre de tout prévoir. Vous savez qu’on s’agite un peu, après on laisse tomber. Je vous dis que le fossé entre nous et les autres c’est cela. On ne fait pas de concessions à ce régime parce qu’on sait que ce qu’il fait est mauvais, et on ne peut guérir le mal que quand on reconnaît le mal. Mais pourquoi s’accommoder à des moments donnés. Je ne suis pas contre le front contre un troisième mandat. Je suis même pour un front plus encore large que ça : c’est-à-dire qui tient compte de la réalité actuelle dans tous les domaines que je viens de citer dont vous connaissez les détails.

Regardez aujourd’hui même entre le palais du peuple et le port de Conakry, vous voyez l’état de la route. Kissidougou-Kankan, vous voyez l’état de la route qui a été financé à raison d’un million cinq cent mille dollars par Km, alors que la moyenne internationale, c’est de 600 dollars. Mais est-ce que les travaux mêmes ont commencé.

 Alors troisième mandat non ! Vous avez beaucoup insisté dessus à dire que peut être que nous partons à une prolongation, c’est un peu cela ?

Comme je vous l’ai dit, c’est toute une panoplie

Il y a cette médiation réussi en Gambie, il est auréolé de cette médiation réussie en Gambie. Il y a aussi ce qu’il a fait en Guinée Bissau Il y a également tous qu’il a promis au peuple de Guinée. Les poissons vont être bientôt élevés du côté de la Haute Guinée, il y a une usine de montage de camions, de tracteurs qu’on attend, l’air Guinée est annoncé, sincèrement avec toutes ces promesses, c’est lui-même qui descend à la base rencontrer le peuple. Vous ne craignez pas que vos bases soient fragilisées à l’issue de tout cela ?

S’il y’a un vendeur des rêves et s’il y a un peuple qui achète ces rêves, rappelez-vous ce que j’avais dit à propos de l’électricité, aujourd’hui ça reflète la réalité. Tout ça là, c’est du vent, l’affaire d’air Guinée je sais d’un bout à l’autre comment ça été négocié, comment il essaye d’arranger ça.

Au départ, il voulait aller à Kankan par cet Air Guinée là. Il avait mis des gens en demeure d’organiser. Mais, quand on lui a dit qu’il sera difficile de faire ça avec toutes ces règles, il dit qu’il s’en fout, même s’il faut louer un avion, mettre là-dessus air Guinée pour qu’il atterrisse avec ça à Kankan. Voilà ce, dans quoi on est. C’est que c’est lui qui a cet avion et qui se trouve d’ailleurs à Conakry en réalité parce que c’est un avion qui fait Conakry- Bamako, pour aller prendre l’équipage d’Air France pour venir passer la nuit à Conakry à cause des problèmes, des attentats qu’il y a eu dans les hôtels de Bamako.

Ce monsieur (Alpha Condé, ndlr), on veut le mettre dans des conditions impossibles. Ce sont des rêves et vous parlez maintenant d’usine de ceci et de cela, combien d’usines ont fermé? Bon Dieu !  Combien d’usines ont fermé depuis qu’il est venu ? Combien d’entreprises ont fermé? Il faut détruire pour pouvoir donner un rêve, alors ça, il sait le faire. Chez nous, en Guinée il faut qu’on se réveille, le monde change.

Alors parlons Education et aussi sécurité. On sait en ce moment, les enfants sont à la maison, ils ne vont pas à l’école parce qu’on a un problème d’enseignants. Vous avez sûrement assisté à ces manifestations dans les rues de Conakry et aussi la question de l’insécurité qui y bat son plein.

Vous avez raison ! Ce sont des sujets qui sont fondamentaux. On sait que la Guinée est en total déficit d’enseignement, d’éducation, d’instruction. Il ne faut pas confondre du tout l’éducation à l’instruction. C’est pourquoi d’ailleurs, on appelle éducation nationale, c’est l’éducation de toute une nation. Ce n’est pas universitaire ou scolaire ou pré-universitaire, donc, il y a un véritable problème dans l’éducation

Vous savez ce qui est en train de se passer, mettre les enfants en congés forcés. Les professeurs qui avaient de contrat et aujourd’hui, ils ne bénéficient pas de l’intégralité de salaires qui y correspondent, ce sont des sujets contreversés. L’éducation en Guinée a trop de problèmes. Les bacheliers comme vous le savez, leurs orientations, ne tiennent pas compte de ce qu’ils ont pratiqué au lycée. Le lycée fait partie en réalité de pré-universitaire, c’est de la rentrée directe de l’Université.

Il y en a qui font biologie après on les envoie à la faculté d’histoire. Le problème de non n’alignement qui se pose. Le ministre de l’Enseignement supérieur, demandez-lui s’il a un budget pour les 4 Universités qu’il prévoit de construire, référez-vous à la loi de finances de 2017, il n’en a rien.

L’argent qui a été distribué à Kankan à tour de bras pour faire venir des gens de l’arrondissement, pour faire du pipo, cet argent-là aurait suffi pour agrandir et rénover l’Université Julius Nyéréré de Kankan.

 Un mot sur la crise énergétique dans notre pays.

La crise énergétique, j’ai eu tort d’avoir raison très tôt. Vous-mêmes qui étiez dubitatifs à l’époque, vous êtes aujourd’hui sûrs que ce que j’ai dit était vrai. Ce n’est pas simplement pour avoir raison de mon côté mais il faut être sérieux avec ce projet-là. Je vous ai dit les raisons pour lesquelles, ce projet de Kalété restera un fiasco. Je vous ai bien expliqué et malheureusement beaucoup ne croyaient pas.»

L'indépendant

Une synthèse  d’Alpha Amadou Diallo                                                 

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