Le président algérien Abdelaziz Bouteflika souffle jeudi ses 80 bougies sur fond d’interrogations persistantes sur sa santé chancelante qui l’éloigne de la scène publique depuis des années.
Les spéculations ont été relancées de plus belle avec l’annulation à la dernière minute de la visite prévue le 20 février à Alger de la chancelière allemande Angela Merkel.
« Le président ne s’est pas adressé directement aux Algériens depuis 2012. Aucun Algérien ne peut croire qu’il n’y a pas une vacance de pouvoir », estime Ahmed Adhimi, professeur en sciences politiques à l’université d’Alger.
Il fait allusion à un discours prononcé le 8 mai 2012 à Sétif dans lequel M. Bouteflika laissait entendre qu’il allait renoncer au pouvoir au terme de son troisième mandat en 2014. « Pour ma génération, les carotte sont cuites », avait martelé en arabe le président devant une salle bondée de jeune gens.
Mais contre toute attente, il a ensuite rempilé pour un quatrième quinquennat, qu’il a remporté haut la main.
Après sa réélection face à son éternel rival, l’ancien chef de gouvernement Ali Benflis, M. Bouteflika avait prêté serment en fauteuil roulant et d’une voix hésitante. Il n’avait pas pu lire l’intégralité de son discours, se contentant de quelques paragraphes.
Depuis, il ne fait que de rares apparitions à l’occasion de la visite de chefs d’Etat ou de gouvernement étrangers qu’il reçoit dans sa résidence d’Etat de Zeralda, à l’ouest de la capitale.
Doutes
« Boutef », comme l’appellent familièrement ses compatriotes, est né le 2 mars 1937 à Oujda (Maroc) d’une famille originaire de Tlemcen, dans l’ouest algérien.
Au pouvoir depuis 1999, ce vétéran de la guerre d’indépendance est confronté depuis une dizaine d’années à des ennuis de santé qui l’ont contraint à de longues périodes d’hospitalisation à l’étranger.
Il avait été opéré d’un ulcère hémorragique en novembre-décembre 2005 à l’hôpital parisien du Val-de-Grâce. Depuis il multiplie les séjours hospitaliers, notamment en France.
En avril 2013, il a été frappé par un AVC qui l’a éloigné de l’Algérie pendant 88 jours. Il y est revenu dans un fauteuil roulant, incapable de marcher et éprouvant des difficultés d’élocution.
Ses adversaires ont sauté sur l’occasion pour tenter de proclamer la « vacance du pouvoir » à la tête de l’Etat.
En guise de réponse à ses détracteurs, M. Bouteflika a opéré de profonds changements au sein de l’armée et des services de renseignements. ll a notamment écarté le patron de l’antiterrorisme, le général Hassan (Abdelkader Ait Ouarabi de son vrai nom). En septembre 2015, il congédie le tout puissant patron des services secrets, le général Mohamed Mediene dit Toufik, à son poste depuis 25 ans.
Le 20 février, la présidence avait expliqué le report de la visite de Mme Merkel par une « bronchite aigüe ». Moins d’une semaine plus tard, le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN, dont M. Bouteflika est président), a assuré que le chef de l’Etat se « portait bien ».
« La maladie de Bouteflika n’est pas un problème en soi », analyse Redouane Boudjemaa, professeur à la faculté de l’Information d’Alger. « Le vrai débat ne doit pas porter sur le départ ou le maintien du président, mais sur le sort de ce système » qui est « gangréné, rétif à tout changement et prêt à le maintenir président à vie ».
Mourad, un retraité de près de 70 ans, affirme « être convaincu que c’est l’armée qui dirige le pays depuis l’indépendance du pays en 1962 ».
« Il m’arrive de mettre en doute l’authenticité des images diffusés par la télévision (publique) montrant le président Bouteflika en train de recevoir ses hôtes étrangers. Nous savons que ce sont ses proches qui décident », ajoute Mourad, qui peine à faire face à la cherté de la vie avec une retraite dérisoire.
En revanche, Djamel, un employé de la société publique des chemins de fer estime que « le président a fait beaucoup pour l’Algérie pour laquelle il s’est sacrifié. Il a accepté un quatrième mandat pour achever les projets qu’il a lancés », explique-t-il.
Avec AFP