De revers en volte-face, Donald Trump a connu un apprentissage tumultueux du pouvoir. S’il a montré sa capacité à évoluer, il n’a pas réussi à établir un « nouveau » Trump, une doctrine, un style présidentiel constant.
A l’heure du cap symbolique des 100 jours, qu’il a franchi samedi, le constat est cruel pour celui qui promettait aux Américains de « gagner, gagner, gagner »: il est le président le moins populaire de l’histoire moderne des Etats-Unis. Même si sa base lui reste, pour l’heure, fidèle.
L’homme d’affaires de 70 ans, dont l’élection provoqua une violente onde de choc à travers le monde, revendique toujours haut et fort une approche impulsive, instinctive, imprévisible.
Mais l’ex-candidat anti-système qui promettait de secouer Washington reconnaît aussi, avec un mélange de naïveté et de roublardise, avoir pris conscience d’une évidence: il occupe un poste extrêmement difficile.
Si la nomination du juge conservateur Neil Gorsuch à la Cour suprême restera sans conteste le grand succès de ses premiers mois, la justice (sur ses décrets migratoires) et le Congrès (sur la réforme de l’assurance-maladie) lui ont infligé des gifles humiliantes.
« Personne ne savait que le système de santé était si compliqué », lâche-t-il au coeur de sa tentative de réforme de l’Obamacare, loi emblématique de son prédécesseur démocrate.
« Après avoir écouté pendant dix minutes, j’ai réalisé que ce n’était pas si facile », lance-t-il après sa rencontre avec le président chinois Xi Jinping en évoquant l’épineux dossier nord-coréen.
– Tweets à l’emporte-pièce –
Les exigences et les contraintes du Bureau ovale –où chaque mot compte– sont de fait profondément différentes de celles d’une estrade de campagne.
Qui écouter ? Qui solliciter ? Quel rapport de force instaurer avec le Congrès, même si, comme c’est le cas, il est contrôlé par son propre camp ? Quelle latitude accorder aux deux mastodontes que sont le Pentagone et le département d’Etat ?
Tous ses prédécesseurs l’ont dit: l’installation au 1600 Pennsylvania Avenue est un choc.
« Il y a quelque chose de très particulier propre à ce travail de président, personne n’y échappe: vous avez une vision en arrivant puis la pression qui pèse sur le poste, les réalités du monde sont différentes de ce que vous aviez en tête », résumait il y a quelques jours George W. Bush.
Au-delà de son goût, qui ne se dément pas, pour les tweets matinaux à l’emporte-pièce, largement guidés par les choix rédactionnels de Fox News, Donald Trump évolue.
Dans le choix des équipes comme dans certains arbitrages, une forme de présidentialisation est en cours, mais elle reste hésitante, maladroite.
Celui qui fut propulsé à la tête de la première puissance mondiale sans l’ombre d’une expérience politique, diplomatique ou militaire, tente d’en faire un atout.
« Je change, je suis flexible, et j’en suis fier », lance-t-il, peu avant de lancer des frappes aériennes contre le régime de Bachar al-Assad en Syrie, accusé d’avoir utilisé des armes chimiques avec de nombreux enfants parmi les victimes.
Sur la Chine, la Russie ou l’Otan, ses virages à 180 degrés ont –dans une certaine mesure– rassuré une partie du pays ainsi que les alliés des Etats-Unis.
« Les volte-face récentes de Trump méritent d’être (prudemment) saluées », résumait d’une étonnante formule le Washington Post dans un éditorial, rappelant le malaise suscité par son discours d’investiture d’une agressivité inouïe.
Mais l’approche comporte aussi des risques.
De la Syrie à la Corée du Nord, quel est le risque d’entraîner les Etats-Unis dans un conflit militaire à l’issue imprévisible contre lequel il a mis en garde pendant la campagne ? Comment le président républicain réagirait-il en cas d’attaque terroriste sur le sol américain ?
– ‘Vocabulaire de 77 mots’ –
Sur la forme et le verbe, nombre d’épisodes rappellent aussi, parfois de manière spectaculaire, que Donald J. Trump est un président à part dans l’histoire de l’Amérique.
Comme dans cet entretien déconcertant accordé au magazine Time fin mars, dans lequel il défendait une à une toutes ses affirmations controversées, farfelues ou carrément fausses: « Que puis-je vous dire? J’ai tendance à avoir raison ».
Plus de trois mois après sa prise de fonction, nombre d’Américains jugent toujours pertinent le portrait au vitriol que l’écrivain Philip Roth esquissait de lui fin janvier dans le New Yorker.
Celui d’un président « ignorant du gouvernement, de l’histoire, de la science, de la philosophie, de l’art, incapable d’exprimer ou de reconnaître une subtilité ou une nuance » et utilisant « un vocabulaire de 77 mots ».
Ses multiples ajustements et renoncements soulèvent aussi des questions sur sa ligne directrice et sur la définition du « Trumpisme », doctrine aux contours flous qui s’articule autour d’un slogan plus difficile à articuler qu’il n’y paraît : « L’Amérique d’abord ».
Une mise en musique d’autant plus délicate qu’elle se heurte à des combats idéologiques au sein même de la Maison Blanche. Au milieu des conseillers, dont le très droitier Steve Bannon, qui redoutent en permanence la disgrâce, un groupe fait exception: la famille, sa fille Ivanka et son gendre Jared Kushner, en tête.
« Personne n’a fait ce que nous avons réussi à faire en 100 jours », assure Donald Trump, sans donner l’impression de tout à fait y croire.
Le 45e président des Etats-Unis, qui évoque régulièrement l’hypothèse d’un second mandat, a encore plus de 1.300 jours devant lui jusqu’à la fin du premier.
Avec AFP