Ce jour du 24 Juin 1969, le tyran sanguinaire Sékou TOURÉ reçoit son homologue Zambien, Kenneth KAUNDA. A cette occasion, comme d’habitude toutes les activités économiques et sociales sont suspendues à CONAKRY, sur ordre du P.D.G. Les populations sont « invitées », à vrai dire contraintes de sortir et de s’aligner au bord de la route NIGER pour accueillir un Chef d’Etat dont la venue ne les concernait nullement. Tout le long de cette route NIGER, la foule amassée est en « liesse », sur fond de balafon et de DJEMBÉ. En ce mois de juin à CONAKRY, règne une chaleur moite. Le ciel est nuageux, mais sans pluie.
Le cortège présidentiel et sa suite se dirigent vers la presqu’île de KALOUM. Au niveau du carrefour dit « CONSTANTIN » (pour ceux et celles qui connaissent l’agglomération de CONAKRY), la voiture à bord de laquelle se trouvent le tyran guinéen et son hôte ralentit sa progression, prise d’assaut par une foule débonnaires de citoyens curieux
.Dans la cohue, un jeune homme de trente, ou trente-cinq ans, se précipite sur la voiture présidentielle, en extrait le tyran, pour lui assener quelques coups de couteau dans le but manifeste d’en débarrasser le pays. Il est abattu immédiatement sur place, devant une foule hébétée, tétanisée par la violence inouïe, tant elle s’était convaincue que celui qu’elle nommait le « Responsable Suprême », ne pouvait pas ordonner un assassinat public instantané contre un compatriote, même hostile. Mais la réalité était là, incontestable.
On apprendra quelques heures plus tard, que l’héroïque jeune homme s’appelle Tidiane KÉITA, et que ses vieux parents, originaires de la région de KOUROUSSA, habitaient le quartier MADINA dans une maison dont ils étaient propriétaires, après de longues années de labeur. Monsieur Sékou TOURÉ, en bon tyran revanchard, ne se satisfait pas d’avoir fait tuer publiquement son agresseur. Il fait organiser une interminable vengeance collective contre son clan familial, fait détruire la propriété familiale par une population hystérisée, conduite par un cruel voyou du nom de CHERIF NABHANIOU. Les vieux parents innocents de Tidiane ne survivront pas à cette furie vengeresse que Sékou TOURÉ et son P.D.G. feront abattre sur eux, à CONAKRY, comme au village d’origine à KOURPOUSSA. Une punition collective et sans fin.
Alors pourquoi revenir sur le cas de quelqu’un qui a voulu « tuer » le « Responsable Suprême », me dira-t-on ? Après tout, il a « mérité » son sort. Peut-être. Et d’un point de vue moral, une tentative de meurtre ne devrait pas être célébrée. Du reste, dans le cas précis, il n’y a pas eu de célébration. Grave erreur des patriotes selon moi.
Il me parait inacceptable de laisser croire que Tidiane KÉITA fut un vulgaire assassin, ou un suicidaire. Une autre lecture de son geste est souhaitable, et nécessaire. Car un acte comme celui qu’il a tenté, est loin, très loin d’un fait divers criminel. A mon avis, ce geste du 24 Juin 1969, s’apparente plutôt à un ACTE POLITIQUE lourd, de type historique.
Geste altruiste d’un désespéré héroïque, dans un contexte sociopolitique caractérisé par une interminable tyrannie sanguinaire.
Nous sommes en 1969, presque dix ans d’ « indépendance ». L’immense majorité des Guinéens, enfermés dans une sorte de camisole par Sékou TOURÉ et son P.D.G., subissent une terrible OPPRESSION, sans oser, ou pouvoir le dire. Le régime s’est encore plus durci. Les « amis » idéologiques africains du P.D.G., sont balayés les uns après les autres par des militaires, ou à la suite d’une insurrection populaire. Le MALI, le GHANA…. et d’autres pays dont les populations ne supportent pas la tyrannie, se sont débarrassés de leurs apprentis-tyrans. La GUINÉE reste le seul pays sous la férule d’une bande criminelle conduite par Sékou TOURÉ. Toute la société guinéenne est bouclée à double tour. Des arrestations, des privations en tous genres, des assassinats politiques gratuits, sans fin. Aucune lueur d’espoir sur aucun plan. Un désespoir absolu pour ceux et celles qui n’adorent pas le P.D.G. et son CHEF, c’est-à-dire l’immense majorité des GUINÉENS. Dans le même temps, la Guinée demeurait un PARADIS pour un groupe ultra-minoritaire, violent, mais entièrement dévoué à Sékou TOURÉ.
Voilà brièvement présenté, le contexte sociopolitique dans lequel M. Tidiane KÉITA décide à son niveau, de débarrasser notre pays de la tyrannie moyenâgeuse du P.D.G., et AU PRIX de sa PROPRE VIE. « Au prix de sa propre vie ». Ce point mérite d’être souligné car en Guinée, les militaires n’ont jamais fait qu’au prix de la vie de leurs compatriotes civiles désarmés et innocents.
Alors, en quoi notre ILLUSTRE compatriote Tidiane KÉITA est-il un HÉRO désespéré qui a commis un acte de portée historique ?
Tidiane KEITA n’est pas un notable, ni politique, ni intellectuel. Juste un jeune homme qui cherchait à vivre, tranquillement comme ceux et celles de son âge. Mais rétif à la tyrannie, à l’injustice quelle qu’en la victime, le régime du P.D.G. ne lui était plus supportable. Sékou TOURÉ a enfermé la Guinée dans un filet aux mailles plus que serrées. Pas d’interstice, aucune possibilité d’action collective concertée. Une tyrannie dont aucun Guinéen d’alors n’imagine pouvoir sortir un jour. La résignation désespérée règne dans toutes les têtes.
Tidiane KEITA, vraisemblablement persuadé que seule une action individuelle déterminée peut mettre fin à cette tyrannie sanguinaire, décide de s’y engager. Il n’ignorait pas que, succès ou échec, il y laisserait sa vie. Malgré tout, il tente le coup, sans rien demander à personne, sans compromettre personne, n’ignorant rien de ce qui lui arriverait, n’obéissant qu’à ce que sa conscience lui dictait.
Tidiane KEITA n’est pas un illuminé, avide de gloire. Il en est même l’antithèse. Tidiane KEITA est un homme humble, un homme de DEVOIR. En cherchant à éliminer le tyran, il a accompli un acte d’un ALTRUISME absolu et TOTAL.
Ici, d’après moi, il faut distinguer l’acte matériel, de ce qui a motivé son auteur. Tidiane KEITA n’attendait rien pour lui-même, n’avait pas d’hostilité personnelle, pas même pour le sinistre Sékou TOURÉ. Encore une fois, c’est le sort réservé à la collectivité à laquelle il appartient (son pays) qui lui semblait intolérable, et d’ailleurs à juste raison. Contrairement à ceux dont le DEVOIR était de préserver leurs compatriotes d’une tyrannie dont le caractère sanguinaire ne pouvait plus être contesté, lui a agi, d’une façon grandiose. Peu m’importe la réussite ou l’échec. Ce jour-là, Tidiane KEITA a lui seul, a été la Guinée toute entière.
Je formule un seul SOUHAIT : qu’on rebaptise désormais le carrefour CONSTANTIN, place « TIDIANE KEITA », et que l’Etat Guinéen restitue à sa famille (descendants, ascendants) les biens dont elle a été injustement spoliée. Ce ne sera que justice.
TIDIANE ! Je ne te connaissais pas. Personnellement, je te tiens pour un authentique héros ALTRUISTE. Tu ne voulais pas tuer. Tu voulais débarrasser ton pays de la TYRANNIE. Repose en paix ! Mon FRERE TIDIANE ! Tu es et demeures le DÉSINTÉRESSEMENT incarné.
Mamadou Billo SY SAVANÉ (France).