Ce n’est un secret pour personne, l’urbanisme de la capitale guinéenne est loin de converger avec la modernité. C’est une réalité, Conakry est mal aménagée avec es quartiers désorganisés, ses routes vétustes, ses constructions anarchiques, des embouteillages qui paralysent les activités économiques.
L’édition « Conakry, capitale mondiale du livre » a mis en exergue sur la face du monde le visage exiguë et latent du centre des affaires de la Guinée. Alors, quels plans d’aménagement faut-il mettre en œuvre pour changer la physionomie désastreuse de Conakry? Les plans antérieurs sont-ils dépassés? Voici quelques idées et pistes de solution issues d’un entretien qu’on a eu avec certains experts de l’urbanisme.
Démographie en porte-à-faux avec l’urbanisation
En 1985, la population guinéenne n’atteignait pas cinq millions d’âmes. Selon les derniers recensements du ministère de plan en 2014, le nombre des Guinéens est passé à 12 millions. A en croire toujours ces données, Conakry seule a franchi la barre de deux millions cent soixante quatre mille deux cent quatre vingt deux (2 164 282) habitants. Une croissance rapide qui ne suit pas le rythme d’urbanisation.
Entre 1999 et l’an 2000, les transversales (T) sont passées de cinq à quatorze. Des transversales ouvertes mais qui, pour la plupart ne sont jusqu’ici pas bitumées ni valorisées. « Ce n’est que maintenant que la T5 et la T6 sont bitumées. Elles auraient pu rendre la circulation plus fluides dans leur zones et conséquemment, l’Etat aurait pu viabiliser les quartiers en question« , constate un spécialiste. « On laisse Conakry évoluer de manière sauvage, dans un désordre total. Les différents plans d’aménagement n’ont pas été respectés et sont aujourd’hui dépassés. D’où une tournante pour régler l’urbanisation de Conakry. De gros efforts seront indispensables« , poursuit-il.
Selon cet observateur, le gouvernement guinéen doit moderniser son plan d’urbanisation en tenant compte de la vision Conakry 2040. Une assertion qui met en évidence l’exemple sur l’Université Gamal Abdel Nasser qui, à l’époque était conçue pour accueillir une centaine d’étudiants. Quelques décennies plus tard, malgré une explosion d’effectif d’apprenant, rien n’est presque fait pour l’extension de ses installations de l’université.
Occupations anarchiques des domaines publics maritimes
Des dangers guettent la presqu’île de Conakry si les occupations des domaines publics maritimes (DPM) ne sont pas réglementées. A l’exception de la résidence 2000 qui a été adoptée par le ministère de l’urbanisme, des immeubles poussent comme des champignons tout au long des côtes guinéennes. Le spécialiste préconise la refonte des DPM de notre capitale. « Les Domaines publics maritimes doivent être rationnellement aménagés. Il faut refaire une corniche et remettre de l’ordre et appliquer la loi et les principes à tout le monde de manière égalitaire. La remise en ordre améliorait l’urbanisation et la beauté de nos DPM« , suggère-t-il. Le programme de la résidence 2000 qui avait été déclassée dans les règles de l’art est un modèle d’urbanisation des domaines publics maritimes.
L’impérieuse nécessité d’aménager de Koloma
En cette période de ramadan, les Conakrykas sont submergés et assaillis au quotidien par les embouteillages souvent monstrueux. Pourtant, il y a 20 ans, sous la clairvoyance de Dr. Alpha Ousmane Diallo, à l’époque ministre de l’habitat, une grande partie de Koloma tenue par des occupants illégaux a été libérée. Ce grand espace devait abriter plusieurs départements ministériels pour désengorger la presqu’île de Kaloum. Malheureusement, le constat est alarmant, les deux millions de dollars payés par l’ambassade des Etats-Unis pour acquérir des parcelles n’ont pas servi à aménager le centre directionnel de Koloma. « Il y a eu un manque de vision, les voies n’ont pas été améliorées en 2×2 ou 2×3 voies (…). Kaloum est un entonnoir où tout le monde descend en même temps et remonte en même temps. Il y a un important flux de véhicules qui augmente chaque jour et il n’y a pas d’espaces réservés comme parking. Donc Kaloum étouffe. Tout est bouché donc on aboutit à des embouteillages partout et toute la journée« , s’alarme l’ancien ministre.
Pour sortir des ces interminables tohu-bohu, le concepteur du projet préconise: d’agrandir les voies et créer des échangeurs; créer des parkings; délocaliser l’administration publique au centre directionnel de Koloma. « Si le centre directionnel avait été réalisé on aurait pas assisté à ce mouvement d’ensemble où tout le monde monte et descend en même temps. C’est une urgence de valoriser Koloma« , martèle Dr. Diallo.
A l’époque quand il avait mis au point le projet de « centre directionnel de Koloma« , il s’était attiré des ennuis. Des mauvaises langues avaient sursauté sur les oreilles du Général Lansana Conté qu’étant Peulh Dr. Diallo chassait les peulhs de Kaporo Rails pour que ceux-ci ne votent pas en faveur du Général-président.
Accaparement des domaines de l’Etat
A Conakry, pour se distraire, les jeunes sont obligés d’occuper les rues notamment pour jouer au football. Par manque d’espaces publics souvent vendus à des particuliers, les jeunes guinéens n’ont pas où se distraire. Des espaces qui devaient abriter des écoles, des centres de santé, des dispensaires, des salles de cinémas sont dans les mains des riches. Laxisme et corruption ont débarrassé l’Etat de ses espaces. Des hommes d’affaires ont profité de leur proximité avec les régimes qui se sont succéder pour s’accaparer des zones réservées. Pour ce spécialiste, l’Etat doit suivre avec accointance la gestion foncière. Dr. Diallo propose: la concession provisoire avec promesse de bail pour trois ; changer en titre de propriété; changements des contrats avec l’Etat et nettoyage des documents.
Solutions durables
Conakry est sale, mal lotie et désorganisée. A cause de l’absence d’une politique d’assainissement pérenne, les ordures et les immondices prennent d’assaut les rues de la capitale. Pour résoudre cet épineux problème, l’expert propose quelques pistes de solutions: l’instauration d’une brigade de la salubrité dans les quartiers qui va remettre de l’ordre et de la discipline; organiser la collecte des ordures et leurs évacuations; réorganiser la circulation et appliquer le code de la route; éduquer les policiers qui créent le désordre.
Ibrahima N’Diaye, journaliste