Lors d’un entretien accordé la semaine dernière à la radio Lynx fm, Mamady Kaba, président de l’INIDH a apporté un éclaircissement sur la crise interne qui mine son institution, avec des plénières qui ne se tiennent même pas. Il est aussi revenu sur le conflit de compétence entre son institution et le ministère de l’Unité nationale et de la citoyenneté concernant la gestion des dossiers liés aux droits de l’homme dans notre pays.
Il y a ce bas de fer en perspective entre votre institution et le ministère de l’unité nationale et de la citoyenneté concernant la gestion de tous ces dossiers liés aux droits de l’homme: droit individuel et droit collectif.
Je dois rappeler quelque chose, je suis un peu triste de voir l’ampleur que prend ce débat-là, notamment dans la presse. Vous savez le gouvernement a toujours la possibilité d’avoir un ministère qui se charge de l’élaboration et de la mise en œuvre de sa politique. Nous institution nationale de Droit de l’Homme, nous ne sommes pas là pour mettre en œuvre la politique du gouvernement. Nous sommes une entité indépendante, une institution de l’Etat guinéen, différente du gouvernement.
Nous ne siégeons pas au conseil des ministres. Nous ne travaillons pas nécessairement avec le gouvernement parce que le gouvernement ne nous donne pas d’instructions. Nous, nous ne donnons que le rapport de nos activités au président de la République pour qu’il en prenne connaissance. Nous ne recevons pas d’instructions du gouvernement. Le gouvernement a sa propre entité, le ministère. On peut l’appeler comme on veut mais le gouvernement peut avoir un ministère chargé de l’élaboration de la mise en œuvre de sa politique. Ce ministère peut nous faire appel, doit travailler avec nous dans l’élaboration de cette politique là pour que nos préoccupations que nous considérons légitimes puissent faire partie de cette politique nationale du gouvernement.
Et c’est le ministère que le gouvernement choisit qui est chargé d’élaborer sa politique et d’appliquer sa politique. Il peut nous impliquer dans l’application de la politique mais si le gouvernement va loin dans notre implication dans sa politique, nous serons caporalisés, nous allons perdre notre indépendance. Donc le gouvernement fait attention pour préserver notre indépendance. Alors sa politique à lui est élaborée par lui-même à travers un ministère et mise en œuvre par lui à travers ce même ministère.
Maintenant, on peut nous impliquer et dans l’élaboration de la politique et dans la mise en œuvre de la politique. Nous en tant qu’institution indépendante, nous faisons nos activités de façon indépendante. Nous ne pouvons pas empêcher le gouvernement de faire le travail tel qu’il entend, le gouvernement non plus n’a pas à s’immiscer dans notre façon de travailler. Il doit juste libérer les moyens qui nous permettent de travailler correctement et nous observer, s’assurer que nous travaillons correctement.
Si on comprend le ministère de l’Unité nationale et de la citoyenneté peut s’occuper des questions des Droits de l’Homme au nom du gouvernement?
Au nom du gouvernement, le gouvernement peut charger le ministère de la Citoyenneté d’exercer toute activité liée aux Droits de l’Homme s’il veut, il charge le ministère de la Justice de faire la même chose, s’il veut, il charge le ministère de l’Action sociale de s’occuper de volets spécifiques ou généraux des Droits de l’Homme. Ça c’est le gouvernement. Cela ne nous empêche pas de travailler. Nous pouvons faire la même chose des fois, c’est-à-dire le gouvernement peut décider faire les états généraux des Droits de l’Homme sans nous, si le gouvernement le veut.
Maintenant, le gouvernement doit seulement nous donner les moyens à nous de le faire si nous voulons. Et nous pouvons inviter le gouvernement à prendre part à nos travaux, le gouvernement nous invite à prendre part à ses travaux par exemple quand nous devons aller à Genève à l’examen périodique dont il s’agit. L’examen périodique, le rapport qui est soumis à l’examen périodique au nom de la Guinée n’est pas rédigé par l’INIDH, il est rédigé par le gouvernement.
Est-ce que justement ce n’est pas à cause de votre liberté de parole que le gouvernement, vous laisse dans votre coin, vous le président, pas tous les membres ?
Je ne sais pas vraiment mais je sais quelque chose, le gouvernement doit nous saisir, doit nous donner du travail en tant qu’institution de l’Etat, doit nous charger de faire des activités de grandes ampleurs. Il a vraiment la liberté de le confier à un ministère mais en tant qu’institution républicaine, ce serait meilleur si le gouvernement confiait le travail au gouvernement avec les moyens qui suivent, à l’INIDH avec les moyens qui suivent.
Je dois être très précis. Le rapport qui est soumis à l’examen périodique n’est pas rédigé par l’INIDH. Il est rédigé par le gouvernement, l’INIDH rédige son propre rapport qu’il soumet, il va à Genève à l’examen périodique et il soumet son propre rapport, ce rapport-là peut être contraire à celui de gouvernement.
Alors vous avez fait une fois?
Non ! C’est le premier examen périodique que nous allons avoir depuis notre mise en place
Récemment il y a eu un débat sur l’impunité mais vous, vous n’y étiez pas pourquoi?
Justement, c’est là où nous nous posons beaucoup de questions. Les courriers ont été confisqués, nous n’avons pas reçu des courriers.
Qui a confisqué les courriers ?
Je ne sais pas vraiment. Le courrier est adressé au ministère aux Affaires étrangères et c’est le ministère des Affaires étrangères qui diligente les courriers. C’est pourquoi, j’ai saisi ce ministère pour me plaindre, pour demander des explications pourquoi nous n’avons pas reçu le courrier d’invitation pour que nous prenions part sur le débat sur l’impunité à Genève ? Le ministère n’a jamais répondu. Le ministre n’a jamais pris le soin de répondre à ce courrier. Et voilà les questions que nous nous posons, mais nous sommes une jeune démocratie, nous nous battrons pour prendre la place qui est la nôtre dans le dispositif institutionnel de la Guinée.
Mais est-ce que ces problèmes, ces divergences ne sont pas dus au fait qu’il y a une division au sein même des commissaires de l’INIDH. On parle de plénière même cette question de droit de l’homme avec le ministère de l’Unité nationale, certains souhaiteraient qu’il y ait une plénière mais ils disent que c’est vous qui bloquez tout à votre niveau.
Les critiques, je suis d’accord, mais je vais vous dire que l’institution nationale des Droits de l’Homme que j’ai l’honneur de présider, a beaucoup de problèmes. Moi, je suis en train d’écrire un mémoire sur l’institution. Je vais l’achever bientôt. Et je le rendrais public.
Vous nous promettez qu’on fera ça en direct ?
Oui ! Oui ! On fera ça, je vais publier le mémoire et ça permettra au gouvernement de prendre des mesures. Il y a eu beaucoup d’erreurs au départ et dans la commission de ces erreurs, j’ai une responsabilité personnelle. C’est pourquoi, il est important que je l’avoue parce que pour la mise en place de l’institution, pour ce qui concerne les membres de la société civile qui ont été choisis, j’ai été consulté sincèrement et mon avis a été pris en compte. Ça c’est la vérité, c’est-à-dire qu’il y avait une volonté chez le président de la République et le gouvernement d’avoir les membres de la société civile qui répondent aux normes sincèrement. J’ai été consulté pour aider dans ce sens-là. Mon avis a été pris en compte. Malheureusement, c’est plus tard que je me suis rendu compte que j’ai moi-même commis des erreurs dans ce sens.
Vous avez fait une erreur de casting. Vous n’avez pas recommandé les bonnes personnes?
Oui ! Parce que je n’avais pas toutes les informations qui devaient permettre que toutes les personnes qui ont été recommandées soient les bonnes personnes.
Quelles sont les bonnes personnes ?
Bon ce qu’il faut, je vais vous dire il faut des personnes qui n’emmargent pas à la fonction publique. Il faut des personnes qui n’ont jamais été mêlées à la corruption dans ce pays, c’est-à-dire une enquête de moralité assez sérieuse pour s’assurer que ce ne sont pas des fonctionnaires. Que ce ne sont pas des personnes à qui on reproche des faits de corruption etc. Il y a assez de critères, je pense que pour tout début, on trébuche, on est des êtres humains. Tout ne peut pas être parfait au départ. Des erreurs se commettent et cela se corrige au fur et à mesure que les choses rentrent dans l’ordre.
Et deuxièmement, il faut que le nombre de commissaires soit réduit, à neuf, à onze et que tous les membres après une étude de moralité, que ce soit des personnalités de bonne moralité. Je pense que si on a un nombre réduit des commissaires qui sont tous des activistes de droit de l’homme et de bonne moralité, on aura une institution de terrain parce que l’institution de droit de l’homme est différente des autres institutions par le fait que ce n’est pas une institution de bureaucratie, ce n’est pas une institution de chefs. C’est une institution d’activistes. Tout le monde est sur le terrain pour rechercher les violations des droits de l’homme, les combattre, et travailler à les prévenir etc.
Donc, nous pensons et nous estimons qu’une réforme de l’institution de droit de l’homme est indispensable pour que les objectifs, l’esprit même dans lequel l’institution a été créée soit respectée.
Est-ce parce que vous vous êtes rendus compte que ce n’était pas le bon casting, ce qui fait que les plénières qui devaient être mensuelles ne se tiennent pas?
Non la non tenue des plénières ne dépend pas de ma personne. Les plénières sont prévues dans une loi organique, alors que le président de la République pour les plénières doit prendre un décret, pour convoquer la plénière au début de la plénière et prendre un décret pour clôturer la plénière. C’est comme ça normalement que ça doit se faire.
Pourquoi il ne le fait pas?
Je ne sais pas, nous avons plusieurs fois écrit et ça n’a jamais été le cas.
Une synthèse d’Alpha Amadou Diallo (Démocrate)