Battue sans avoir été renversée pour la médaille de bronze, la Guinéenne Koumba Sow rumine sa défaite assise sur le sable de l’arène de lutte africaine des 8es jeux de la Francophonie à Abidjan.
Alpha Yero Diouma, un des lutteurs de la petite délégation guinéenne, lui passe doucement plusieurs fois la main sur le visage faisant mine d’enlever les grains de sable pour permettre à la jeune fille de 19 ans de cacher ses larmes.
« Je suis très déçue. Je perds alors que j »avais des possibilités », confie-t-elle après avoir été éliminée pour trois avertissements face à son adversaire burkinabè Josiane Nabi.
L’apprentissage est difficile pour les Guinéennes qui sortent de leur pays pour la première fois pour un rendez-vous sportif.
« C’est la première fois que je voyage à l’international. C’est une découverte. Les garçons participent chaque année au tournoi de la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest). Avec la Francophonie, on a profité pour pouvoir essayer de se mesurer aux autres », raconte Koumba.
L’argent fait cruellement défaut et l’équipe guinéenne n’a finalement emmené que trois filles et quatre garçons pour les jeux à Abidjan. Conséquence, leurs compétitions par équipes respectives ont été défavorables (5 compétiteurs par équipes, donc des matches perdus d’entrée par forfait).
Autre symptôme de ce manque de moyens, les Guinéens n’ont pu aligner leurs lutteurs pour la compétition en lutte libre (moderne) sur tapis, les licences des athlètes n’ayant pas été enregistrées au niveau international…
« Le tapis à Conakry, le seul du pays, a 30 ans. Et pour les tenues, c’est difficile », souligne Alpha Yero, un des lutteurs.
Outre les problèmes matériels, Koumba a dû faire preuve de caractère pour arriver à son niveau.
« Ma famille n’apprécie pas. Elle n’était pas pour (que je fasse de la lutte). Ils pensent que c’est pour les hommes. La lutte c’est un sport masculin. Mais comme on a la passion de le faire, on continue », assure-t-elle.
75 cents pour la victoire en quart
Culturellement, le sport féminin n’est pas toujours très bien accepté et encore moins les sports où l’on peut découvrir les corps des athlètes.
« Les lutteurs hommes sont torse nus mais les femmes ont un haut qui cache le corps. Il n’y a aucun problème », s’empresse d’expliquer le président de la fédération Mohamed Souleymane Soumah, qui doit régulièrement affronter les préjugés.
Le président dit mettre lui même la main au portefeuille. A Abidjan, après chaque victoire d’un Guinéen, il applaudit bruyamment et félicite en tout cas les athlètes en leur offrant une petite somme d’argent.
Koumba a reçu 500 F CFA (75 centimes d’euro) pour sa victoire en quart de finale contre la Malgache Julienne Rasendrasoa. De quoi acheter un coca…
« Nous manquons de moyens. Mais, on fait ce qu’on peut », confie le président qui salue les « efforts de (ses) athlètes ».
Des efforts que Koumba produit depuis des années et ses débuts.
« Avant quand j’étais petite, je faisais des petites courses, je me mesurais aux garçons. Je voulais faire du sport, je n’ai pas vraiment choisi la lutte. je voulais faire du karaté », se souvient-elle.
« Le coach m’a emmené dans la lutte et m’a bien encouragé et défendu auprès de la famille », dit-elle, racontant ses premiers contacts.
« On était 25 pour l’initiation. Dont 9 filles. Dans le groupe, il ne reste que 3 filles, les garçons ont tous démissionné, vu l’intensité de la préparation… L’initiation ce n’est pas facile: rares sont ceux qui restent », déclare-t-elle fièrement.
La première position fondamentale (courbé vers la jambe debout) ca donne des maux de dos », souligne la jeune femme.
« Koumba peut progresser mais on a besoin de stages, d’envoyer des jeunes en formation pour qu’ils progressent », assure le directeur technique nationale Alpha Oumar Barry.
Koumba rêve, elle, de jeux Olympiques ou de jeux Africains en lutte libre ou africaine. « J’aimerais participer aux grandes compétitions comme ça ».
Avec AFP