Censure

Abdoulaye Magassouba, ministre des Mines : ‘‘notre objectif : rendre l’économie guinéenne moins dépendante des mines’’

Belle moisson pour le gouvernement guinéen en Chine : il a décroché un financement des infrastructures guinéennes à hauteur de 20 milliards de dollars contre les revenus miniers pour les 20 prochaines années. Le ministre des Mines, Abdoulaye Magassouba, est l’un des artisans de cette prouesse. Nous l’avons rencontré après la signature de l’accord à Xiamen (Chine). Entretien à bâton rompu.

Guinee7.com : Monsieur le ministre, ce 5 septembre, le gouvernement guinéen vient de signer un accord de financement de nos infrastructures à hauteur de 20 milliards de dollars. C’est un accord qui engage les mines de notre pays. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Abdoulaye Magassouba : Il s’agit pour le secteur minier de jouer son rôle avec la vision du président de la République. C’est que le secteur minier doit être au service des autres secteurs économiques prioritaires. Donc, le pays a besoin d’infrastructures, le pays a besoin d’investissements importants dans certains secteurs de l’économie. Et puisque nous avons la chance d’avoir des ressources minières qui, de plus en plus sont en phase d’exploitation, les revenus miniers futurs peuvent nous permettre de donner l’assurance aux prêteurs que les financements de ces infrastructures-là pourront être valablement remboursés par la République de Guinée.

Donc, nous avons privilégié des projets miniers et avons travaillé avec les différents partenaires pour nous assurer et aller assez rapidement vers la production.

Parallèlement à cela, il y a des discussions avec les différents services de l’Etat pour identifier les infrastructures prioritaires et pour les inscrire dans le cadre du partenariat stratégique global entre la Chine et la République de Guinée lors de la visite d’Etat du président de la République en octobre 2016.

Il y a une première vague de projets prioritaires qui vont très certainement, dans les prochains mois, commencer à être exécutés sur le terrain parce que les études sur la plupart des projets ont été réalisées.

Ensuite, il y aura une deuxième, une troisième vague, ainsi de suite. Donc, l’investissement dans les infrastructures d’un montant total de 20 milliards de dollars est prévu sur 20 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2036. Il s’agit là d’avoir une approche prudente et une approche progressive qui tiennent compte du revenu réel généré par le secteur minier et non basé simplement sur des ressources dont nous n’avons pas forcément bien sûr toutes les connaissances nécessaires.

Il s’agit quand même d’un financement de 20 milliards de dollars, vous pensez que c’est réaliste ?     

L’approche est réaliste parce que dans un premier temps, il y a un certain nombre de projets qui ont déjà été identifiés pour lesquels, les études sont faites et qui vont commencer à s’exécuter dans les prochains mois. Et dès le début de l’année prochaine très probablement.

Ce que nous avons signé, c’est un projet global qui définit exactement comment est-ce que l’accord partenariat stratégique signé en octobre 2016 va se mettre en œuvre. Comment est-ce que les projets vont être mis en priorité.

Et déjà la liste des projets prioritaires en termes de financement des infrastructures et les projets miniers sur lesquels, ces projets prioritaires sont adossés, est faite. Donc, l’approche est réaliste, l’approche est par étape. Il y a une première vague qui est déjà validée.

Est-ce que dans ces 20 milliards de dollars sont inclus les investissements faits par les sociétés minières ?       

Non ! En fait, les 20 milliards c’est juste les prêts dans le cadre du financement des infrastructures prioritaires de l’Etat guinéen. En plus de cela, il y a bien sûr des investissements directs dans les projets miniers qui font l’objet d’accords différents pour les projets qui sont ciblés à date. Ces accords ont déjà été signés : il s’agit entre autres de l’accord que nous avons singé il y a quelques semaines avec Chalco. Cet accord seul dans sa première phase d’exécution va porter plus de 500 millions de dollars d’investissement.

Et bien sûr, ce montant peut aller plus loin quand les autres phases du projet vont se mettre en œuvre. Donc, ces 500 millions de dollars prévus pour le projet Chalco dans sa première phase ne sont pas inclus dans les 20 milliards dont nous parlons aujourd’hui qui porte exclusivement sur les projets d’infrastructure, les projets d’investissements prioritaires de l’Etat guinéen, pas les projets commerciaux.

Les projets miniers commerciaux font l’objet d’accords séparés dont les investissements ne sont pas comptabilisés. Juste pour dire que si nous mettons les investissements directs dans les projets miniers ; et si nous additionnons cela avec les investissements au niveau des infrastructures, nous sommes en train de parler des montants au-delà de 20 milliards sur les 20 ans !

Vous assurez que maintenant c’est le bon départ, les Guinéens vont désormais bénéficier des retombées de nos mines ?         

Nous avons connu des difficultés en termes d’exploitation de notre potentiel minier. Mais ces dernières années grâce aux réformes qui ont été engagées depuis 2011, on a vu un certain intérêt pour les nouveaux projets qui ont déjà créé de l’emploi et entrainé des investissements. L’année dernière, nous étions à 2 milliards et demi d’investissements prévus pour les trois prochaines années.

Ces investissements ont commencé à être exécutés. Donc, il y a certains bénéfices au niveau de la population. Ce n’est pas suffisant pour que les mines jouent véritablement leur rôle comme catalyseur de développement, il faut que les revenus miniers puissent nous permettre d’investir dans l’avenir, d’investir dans les infrastructures économiques de bases, d’investir dans les secteurs sociaux.

Et l’accord-cadre signé aujourd’hui permet de concrétiser cette ambition que le président a toujours eu de faire des mines un support de développement des infrastructures : le développement de l’agriculture, le développement des secteurs sociaux prioritaires.

C’est juste pour dire qu’aujourd’hui, nous avons posé des bases d’une diversification véritable de l’économie guinéenne. Quand nous arriverons à réaliser en tant qu’Etat tous ces investissements-là dans les infrastructures et dans tous les autres secteurs économiques sociaux prioritaires, l’économie sera moins dépendante des mines et ça sera l’objectif final.

Ça peut paraitre paradoxal pour un ministre des Mines de dire cela. Mais, nous agissons dans le cadre du programme de société du président de la République. Il s’agit alors d’aller vers cet objectif commun de diversification. Je serai très certainement le plus heureux ou que je serais en ce moment quand les mines représenteront une partie infime d’une économie largement plus grande que celle que nous avons aujourd’hui.

Interview réalisée à Xiamen (Chine) par Ibrahima S. Traoré, envoyé spécial de guinee7.com                

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