Paris, le 4 Octobre 2017 – Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Mamady Youla est arrivé ce matin à Paris pour représenter le Président de la République, Président en exercice de l’Union Africaine, Alpha Condé, au 17e Forum Économique International sur l’Afrique (les 4 et 5 Octobre) organisé par l’Organisation de coopération et de développement économique.
Accueillie par Amara Camara, Ambassadeur de Guinée en France, la délégation gouvernementale conduite par le Chef du Gouvernement planchera autour de la thématique principale qui porte sur « Les entrepreneurs et l’industrialisation de l’Afrique ». Nous vous proposons ci-dessous le discours de Mamady Youla à l’OCDE.
L’honneur m’échoit aujourd’hui de m’exprimer au nom de Son Excellence Professeur Alpha Condé, Président de la République de Guinée, Président en exercice de l’Union Africaine, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du 17ème forum économique international sur l’Afrique.
L’Afrique ne peut que se réjouir devant un tel événement, qui traduit la mobilisation active de la communauté internationale, autour des enjeux de l’industrialisation et de l’entrepreneuriat sur le continent.
Ce thème revêt en effet un caractère central, pour la transformation structurelle de nos économies et constitue un grand défi, pour l’amorce d’un véritable développement durable et inclusif.
Je voudrais exprimer devant cette tribune tout le plaisir et l’intérêt du Président de la République et de son Gouvernement à participer à un sommet qui replace la transformation de l’Afrique au cœur de l’agenda international.
J’aimerais adresser mes sincères remerciements à l’OCDE pour nous avoir invité à prendre part à cette importante rencontre sur le développement du continent.
Je salue la constance de l’institution dans l’organisation annuelle de ce rendez-vous consacré à l’Afrique.
C’est une démonstration de plus du rôle que joue le Centre de Développement de l’OCDE dans le débat sur le développement.
Mesdames et Messieurs,
L’industrialisation de l’Afrique constitue aujourd’hui une absolue nécessité sur les plans économique, sociale et politique pour nous les africains.
Elle représente également un enjeu à caractère multidimensionnel qui s’impose à tous, bien au-delà de nos frontières.
Les enjeux et les défis de l’industrialisation pour l’Afrique sont en effet multiples et complexes dans un contexte marqué par les effets de la mondialisation, de la volatilité souvent insoutenable des marchés pour nos économies, ainsi que la détérioration des termes de l’échange, favorisant la paupérisation de nos populations.
L’industrialisation est un réel défi, mais aussi une véritable opportunité pour l’Afrique.
Il est impérieux que nous y concentrions tous nos efforts.
Le secteur privé doit être placé au cœur de cette transformation.
Et nous devons davantage appréhender l’entrepreneuriat comme un levier pour accélérer le processus d’industrialisation.
Mesdames et Messieurs,
Nous devons changer de paradigme.
En effet, la question centrale du développement ne peut trouver de réponse que dans un véritable processus de transformation structurelle des pays, à la fois économique et sociale.
Les politiques publiques se sont trop longtemps concentrées sur la satisfaction des besoins fondamentaux et pressants des populations pour lutter contre la pauvreté.
Cette approche présente des limites qui contrarient les perspectives de réelle transformation de l’Afrique.
Nous devons nous recentrer, d’abord et avant tout, sur l’industrialisation, seule véritable source de richesses durables et inclusives.
L’Europe, l’Amérique, la Chine, le Japon ou la République de Corée se sont développés en assurant la transformation de leurs économies.
L’Afrique ne peut et ne saurait y faire exception.
L’Afrique se développera par la structuration de ses systèmes de production, le développement de ses chaines de valeurs et son intégration dans les flux d’échanges commerciaux.
Par ailleurs, les stratégies d’industrialisation du 21e siècle doivent se montrer plus innovantes pour une industrialisation « propre ».
Il faut également dépasser les approches traditionnelles se limitant aux seules industries manufacturières, pour couvrir tous les secteurs porteurs de croissance et créateurs d’emplois.
Les modèles de réussite industrielle à travers le monde sont nombreux et doivent inspirer nos politiques, tout en les adaptant à la spécificité du contexte africain et en s’appuyant sur les nouvelles technologies.
Le Professeur Alpha Condé le répète souvent – je cite : « L’Afrique a raté les trois premières révolutions industrielles, il est impensable qu’elle puisse rater la quatrième ».
En effet, l’Afrique doit faire preuve d’innovation et de dynamisme pour réussir à transformer son énorme potentiel par le numérique.
Mesdames et Messieurs,
L’Afrique, riche de sa jeunesse, constitue un véritable vivier d’entrepreneurs pour nos économies, pour lesquelles le secteur informel reste un élément catalyseur, créateur d’emplois et de richesses.
La transition vers le formel reste un important défi pour l’émergence des champions de nos économies.
Cet entrepreneuriat reste cependant trop souvent circonscrit à des micro-entreprises (soit 90% du total des entreprises) et concentré dans les secteurs primaire et tertiaire.
Il est essentiel que les stratégies de développement reposent davantage sur l’émergence d’une classe d’entrepreneurs à fort potentiel qui puisse investir le secteur secondaire.
C’est le cœur de notre débat.
Selon un rapport du Boston Consulting Group, le succès des entreprises africaines performantes repose sur quatre avantages concurrentiels : leur focus sur le marché africain ; leur maîtrise de l’environnement industriel et de la chaine de valeur ; leur flexibilité, notamment en matière de standards et de mode de production ; et leur connaissance des marchés.
Autrement dit, l’Afrique entrepreneuriale présente des atouts pour participer au processus d’industrialisation.
Elle a démontré sa capacité à faire émerger des champions locaux, capables de concurrencer les plus grandes multinationales.
Pourquoi ne sont-ils pas plus nombreux ?
Cette question trouve l’essentiel de sa réponse dans les défis majeurs auxquels sont confrontés les entrepreneurs africains, notamment un accès limité aux financements, un déficit en main d’œuvre qualifiée, un coût élevé des facteurs de production et une étroitesse de leurs marchés.
Mesdames et Messieurs,
L’ampleur et la multitude des goulots d’étranglement sont de nature à très souvent décourager les initiatives en matière d’investissement dans le secteur industriel, qu’il s’agisse d’opérateurs économiques nationaux ou étrangers.
La qualité de l’environnement des affaires, le niveau des infrastructures, le dialogue entre le secteur privé et public, sont autant de freins à l’investissement privé.
Je voudrais mettre un accent particulier sur l’énergie avec quelques chiffres révélateurs :
Selon un rapport de McKinsey, la production actuelle de l’Afrique est de 28 Gigawatts (soit l’équivalent de la production de l’Argentine) pour un potentiel de production est de 1200 GW hors énergie solaire.
Les coupures de courant couteraient entre 2 et 4% de son PIB à l’Afrique.
Par conséquent, l’industrialisation et la transformation structurelle auxquelles nous aspirons est tributaire de notre accès à une énergie propre, abondante, stable et à moindre coût.
A l’instar de la politique menée par le Professeur Alpha Condé, les pays africains doivent apporter une réponse à la fois individuelle et collective au défi énergétique et en faire la priorité des priorités pour notre développement économique.
Les gouvernements ainsi que les partenaires doivent redoubler d’efforts pour créer un cadre propice à l’investissement en améliorant substantiellement l’environnement des affaires et le niveau des infrastructures.
En tant que gouvernements, nous devons reconnaître que le secteur privé constitue le moteur de nos économies et l’impliquer dans l’élaboration de nos politiques d’industrialisation.
Le déficit de concertation entre les gouvernements et le secteur privé local a en effet trop longtemps pesé sur l’efficacité de nos politiques.
Nous devons également promouvoir le regroupement des entreprises pour renforcer leur productivité et leur compétitivité, afin de favoriser leur développement sur les marchés nationaux, régionaux et internationaux.
Cela devra aussi passer par l’accélération de l’intégration de nos marchés.
En réponse au défi de l’accès au financement, nous devons intensifier nos efforts pour promouvoir les partenariats publics privés, le développement des marchés financiers ainsi que des instruments de financement sur mesure et innovants pour le développement des entreprises et la création de nouvelles activités à fort potentiel.
Nous devons promouvoir notamment le développement du capital risque ainsi que les autres formes de financements modernes des petites et moyennes entreprises.
Sur le plan des ressources humaines, les politiques publiques doivent renforcer les compétences et former une main d’œuvre et des gestionnaires répondant ainsi aux besoins du marché du travail.
Cela devra passer par une éducation qui transcende la théorie afin de dispenser aux élèves une formation technique et professionnelle, adossée à un apprentissage intensif, pour stimuler l’entrepreneuriat dans les secteurs à fort potentiel de croissance.
Pour permettre à nos entreprises d’être plus compétitives, nous devons investir dans l’innovation en mettant un accent sur la promotion et l’appui à la recherche et au développement.
Mesdames et Messieurs,
L’Afrique recèle d’immenses ressources naturelles mais continue à exporter ses matières premières sans transformation.
Il est important de souligner qu’en exportant ces produits bruts, nous exportons l’essentiel de notre potentiel de création de richesses et d’emplois.
La valorisation de nos matières premières reste donc un impératif.
En outre, les vicissitudes du climat et la volatilité des cours des matières premières continuent à affecter les perspectives de croissance du continent, en raison de sa dépendance vis-à-vis de l’agriculture et des exportations de produits de base.
Le besoin de diversifier la production et les exportations devient vital pour le progrès économique, la paix et la cohésion sociale en Afrique.
L’Afrique doit davantage travailler à l‘intégration des chaînes de valeur nationales et régionales, avant même d’intégrer les chaînes globales.
Ceci va de pair avec le besoin de rationaliser les investissements en matière d’infrastructures, notamment dans les secteurs de l’énergie, des transports, en mutualisant les efforts de financement.
Mesdames et Messieurs,
Devant ces grands défis, il est très important que les pays d’Afrique adoptent une approche plus stratégique et inscrivent les politiques d’industrialisation dans un cadre intégré de développement, en réservant une place de premier plan au secteur privé.
Pour plus d’efficacité, il est donc nécessaire d’inscrire l’action publique et privée dans un cadre national, sous régional et régional, capable d’impulser une industrialisation rapide et soutenue.
Nous devons tous retenir que l’avenir industriel de l’Afrique reposera d’abord et avant tout sur l’industrialisation de son agriculture.
Après l’Europe, l’Asie, l’Afrique peut également devenir le troisième pôle de la production manufacturière et se hisser au rang d’une véritable puissance économique.
Dans cette perspective, la promotion de l’entrepreneuriat aura un effet catalyseur pour la transformation industrielle et l’emploi des jeunes, en tirant profit de notre dividende démographique.
Mesdames et Messieurs,
Dans ce contexte de mondialisation, nous devons mieux gouverner nos Etats et nos Institutions et mieux négocier nos partenariats.
En tant que Président en exercice de l’Union Africaine, le Professeur Alpha Condé réaffirme la détermination des leaders africains à conduire une réforme en profondeur de l’Institution et se félicite que l’Afrique parle désormais d’une seule voix.
L’industrialisation et la transformation structurelle de l’Afrique reste tributaire de l’intégration économique du continent que nous appelons de tous nos vœux.
Si nous réussissons à faire converger nos politiques et à contribuer à l’éclosion de véritables espaces sous régionaux, à investir dans le secteur privé en créant les conditions de l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes, l’Afrique économique émergera durablement pour converger vers un développement intégral.
Au nom de Son Excellence Professeur Alpha Condé, Président de la République de Guinée, Président en exercice de l’Union Africaine, je souhaite plein succès aux travaux du 17ème forum économique sur l’Afrique.
Je vous remercie.
Mamady Youla
Premier Ministre, Chef du Gouvernement