Censure

Des acteurs sociopolitiques donnent leurs avis sur la réforme de l’INIDH

La question de la réforme de l’Institution nationale indépendante des droits de l’homme (INIDH) commence à défrayer la chronique au sein des instances de défense des droits humains, au-delà même de nos frontières. Car si le président de l’INIDH, Dr Mamady Kaba a réussi contre vents et marées à redonner du souffle à cette institution créée en 2011 par la Loi organique L/008…/CNT/2011, en évitant toute compromission avec le pouvoir « autoritaire » de Conakry, il n’en demeure pas moins que l’INIDH a besoin de subir un grand lifting, en vue de réduire le nombre de ses commissaires, ce conformément au principe de Paris. Notre reporter a recueilli l’avis de quelques acteurs socio-politiques sur la question relative à cette réforme qui s’impose désormais, comme une nécessité, pour sauver l’une des rares institutions de notre pays, très fière et jalouse de son indépendance.

Dr Kouréissy Condé, président African Crisis Group

Est-ce qu’à votre avis, l’INIDH doit être reformée pour être plus performante?

« Il faut renforcer les institutions dans leur indépendance »

« Ah oui, il faut qu’elle soit reformée. Je ne vois aucune raison. Encore une fois, il faut outiller les institutions, il faut renforcer les institutions dans leur indépendance,  et dans leur existence. Et cela nous permet de garantir, de consolider les bases de notre démocratie, parce que ce dont on a besoin, c’est le développement, c’est l’amélioration des conditions de vie de la qualité de nos citoyens. »

Karamo Mady Camara, juriste consultant  

« Il faudrait  donner à l’INIDH les moyens de son action »

« Je ne parlerai pas de réforme, je parlerai plutôt de moyens. Il faudrait lui donner les moyens de son action, parce qu’une ambition sans les moyens est un suicide. Il faudrait à ce qu’on donne à l’INIDH tous les moyens nécessaires pour pouvoir mener pleinement sa mission. Il est vrai que l’institution a été mise en place depuis une ou 2 années, mais elle peine à fonctionner parce que les moyens qui doivent lui être mis à disposition n’existent pas. La question des droits de l’homme exige énormément de moyens. C’est-à-dire que chaque fois qu’il y a des violations, chaque fois qu’il y a des manifestations, il faudrait que cette institution soit présente partout pour constater les différentes violations qu’il y a pour qu’elle puisse faire le portevoix non seulement au près du gouvernement, mais aussi auprès de toutes les autres institutions, afin que les droits humains soient respectés dans notre pays. Malheureusement, elle est reléguée au second plan, peut-être pour des raisons qui sont propres au gouvernement de ne pas lui donner les moyens de sa politique. Mais je pense que si une institution constitutionnelle comme elle, est mise en place, il faudrait qu’elle puisse bénéficier de tous les moyens, de tout l’accompagnement, afin qu’elle puisse jouer son rôle. Je suis très optimiste que dans les prochaines années, évidemment les choses seront améliorées. Mais en l’état actuel des choses, il ne faudrait pas qu’elle encombre parce que cette institution est comme un boulet dans les pieds du gouvernement. »

Elhadj Malal Diallo de L’Ogdh

« L’INDH doit fonctionner  selon le principe de paris »

« Reformer, je ne sais pas. C’est une institution nouvelle, qui vient d’être mis en place, il faut peut-être lui demander de fonctionner normalement. C’est une institution qui vient juste d’être mise en place. Est-ce qu’elle a besoin déjà d’être réformée, ou-bien qu’est-ce qu’il y a? Moi je ne sais pas de quoi il s’agit. Mais nous lui demandons de fonctionner comme une institution nationale indépendante et conforme au principe de Paris. »

Alhousseyni Makanéra Kaké, président du Fnd

« Je crois que l’INIDH est la meilleure institution »

« Je crois que c’est la meilleure institution qui a eu la chance d’avoir l’un des meilleurs présidents des institutions en Guinée. Il ne faut pas reformer, il faut plutôt renforcer le président de cette institution. Il est victime de son honnêteté, il est victime de sa conviction et sa volonté de faire que la loi soit pour tous. C’est sa volonté de défendre les droits des citoyens qui fait que cette institution n’a pas de budget, n’a pas de moyens, n’a même pas la possibilité aujourd’hui de fonctionner normalement. Ce n’est pas la reforme, parce que si vous voulez faire la reforme, c’est l’adapter à la volonté d’Alpha Condé qui a caporalisé toutes les autres institutions. Aujourd’hui la population a besoin de renforcer ce grand homme. Mamady Kaba est l’un des plus grands hommes de ce pays. Je le dis et je le répète pour la simple raison que moi je connais comment il a été choisi. Je sais d’où il est parti, je sais pour quelle mission on voulait le faire jouer, et je sais ce qu’il est en train de faire aujourd’hui. Rares sont les Guinéens qui peuvent le faire. C’est pourquoi moi je pense qu’il faut renforcer cette institution. Il faut faire en sorte que l’argent de l’État, le budget de l’État ne soit pas une propriété privée d’Alpha Condé, qui peut l’orienter en fonction de ses humeurs. Je voudrais que cela soit clair pour tous. Il faudrait que  quand l’Assemblée nationale vote le budget, et qu’il y ait un mécanisme de contrôle pour voir comment le budget est exécuté. Mais on vote le budget à l’Assemblée nationale, une fois le budget voté, on met un comité de trésorerie qui dépasse les prérogatives de l’Assemblée nationale, pour dire qui doit avoir quoi. Si vous, vous n’êtes pas avec Alpha Condé pour tripatouiller la loi, vous n’aurez rien. Et tant que cela continue, on n’aura ni la démocratie, ni le bonheur. »

Dr Dansa Kourouma, président du Cnoscg

L’INIDH fonctionne à peine. Est-ce qu’il n’y a pas nécessité de reformer cette institution ?

« Le président de l’INIDH, lui-même, a proposé de reformer les institutions. Donc, on n’a rien à lui apprendre. Parce qu’il s’est rendu compte qu’en dehors de l’INIDH, les autres institutions de la République, les partis politiques, la société civile, les medias, rien ne fonctionne normalement, parce qu’on ne respecte pas la loi. D’ailleurs, un pays où l’intérêt personnel, la recherche du quotidien devient la préoccupation essentielle au détriment de l’intérêt de la collectivité, c’est un pays condamné à la précarité. L’indépendance d’une institution se matérialise à 60% par l’indépendance des hommes qui l’animent. »

Propos recueillis par Sadjo Diallo (L’Indépendant)

Obtenez des mises à jour en temps réel directement sur votre appareil, abonnez-vous maintenant.