Juste avant le tollé soulevé par le reportage diffusé par la chaine américaine CNN sur la vente d’esclaves d’Afrique noire en Libye, nous avions joint Mohamed Morthon Sylla, le consul de Guinée à Tripoli, pour qu’il nous donne des éclairages sur la situation des Guinéens dans ce pays instable et dans une insécurité totale.
Guinee7.com : Monsieur le Consul, quelle est la situation des Guinéens en Libye ? Peut-on connaitre leur nombre ?
Parlant de leur nombre, je ne pourrai pas vous en donner un nombre précis. Pour cause, comme vous connaissez les hommes en général et nos compatriotes en particulier, nous aimons souvent réclamer nos droits mais ignorons nos devoirs. Sinon, le département émetteur des documents de voyage, en l’occurrence le ministère de la Sécurité et particulièrement la Direction Centrale de la Police de l’Air et des Frontières (DCPAF) précise sur tous les passeports et à la dernière page ceci « Le titulaire du passeport doit, s’il se fixe à l’étranger, se faire immatriculer au Consulat de Guinée dans un délai de trois mois après son arrivée dans la circonscription consulaire ». Cependant, dans les ambassades et consulats guinéens en général et l’ambassade de Guinée en particulier, quelques rares de nos compatriotes pour ne pas dire aucun ne se conforme à cette réalité. Le consulat n’est reconnu que lorsqu’il y a des problèmes. Et vu que les portes d’entrée en Libye sont soit en passant vers le Niger (Sabha), soit vers l’Algérie (Agadez), alors nous pouvons estimer à plus de dix mille, les Guinéens sur ce territoire.
Avez-vous été mis au courant de la présence de Guinéens clandestins sur le territoire guinéen ?
Comme répondu dans la précédente question, tant qu’il n’y a pas de problèmes, nous ne serions pas informés de la présence d’un ou d’un groupe de Guinéens sur ce territoire. Vu que ce passage est clandestin, nous ne sommes ni de près ni de loin associés à ce trafic et nous ignorons les points de départ.
Quelle est la situation des prisonniers guinéens en Libye ?
Cette question est complexe puisqu’en plus des centres de détention qui sont sous tutelle du Gouvernement d’Union Nationale reconnu par la communauté internationale, on note aussi les prisons autonomes ou prisons privées gérées par des milices qui ne travaillent pas avec les missions diplomatiques, mais demandent les rançons en contrepartie de la libération des détenus dans les prisons.
Quelles actions engagez-vous pour sauver les Guinéens qui se trouvent dans les prisons en Libye ?
De par le passé et avant la crise politique, ce n’était pas aussi compliqué pour le consulat de délivrer ses compatriotes dans les prisons. Il suffisait d’écrire une lettre officielle et dûment signée pas l’ambassade adressée aux autorités compétentes libyennes. Mais avec la crise suivie de l’avènement de la migration, la liberté des étrangers est conditionnée par le retour de ceux-ci dans leur pays d’origine.
Et suite à une collaboration tripartite entre les services de l’immigration de l’Etat libyen, l’Organisation Internationale pour Les Migrations (OIM/Tripoli) et nous, Ambassade de Guinée à Tripoli, et dès qu’un de ces services ou institutions est informé de la détention des citoyens Guinéens, automatiquement l’information est véhiculée pour les deux autres.
L’ambassade se rend immédiatement dans les centres pour non seulement identifier les ressortissants et aussi émettre les documents de voyage. Après cette étape, elle adresse une lettre à l’OIM demandant leur concours pour le retour volontaire de nos compatriotes.
Il y a plus d’un mois et avec le démantèlement des points de rassemblement à Sabratha, ville située à quelques 70 km de la capitale, nous travaillions presque 7 jours sur 7 sur les dossiers de nos compatriotes et je crois que vous aviez constaté que rien que ce mois de novembre par vol charters, 490 Guinéens ont pu regagner la Guinée.
En ce moment même, à travers cette bonne collaboration tripartite, nous travaillions d’arrache-pied pour le retour imminent d’un groupe de nos compatriotes.
Et tout ce travail avec le soutien du ministère des Affaires Étrangères et des Guinéens de l’Etranger.
Interview réalisée par mél par Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com