Installé dans un bureau sans aucun charme, muni tout juste d’une table et de vieux fauteuils, le siège de l’Association guinéenne de lutte contre l’impunité et l’arbitraire (AGUILUCIA), qui existe depuis 2001, et est situé en face de la Sûreté de Conakry, se trouve dans un état piteux. C’est dans ce cadre que nous avons rencontré, ce mercredi, son président, Moussa lll Bayault Camara, qui nous a parlé des joies et des peines de ladite ONG, à laquelle il ne reste plus que des souvenirs d’un passé radieux.
Guinee7.com : Parlez-nous de votre association.
M. Camara : Je vais commencer par pleurer la mort du père Lansana Conté et du premier fils qui s’appelle Abou Camara, ministre de la Justice. Cette ONG a été créée en 2001. J’ai initié le projet, je l’ai suivi, je suis allé au niveau du ministère de l’Administration du territoire ; là, le dossier a été orienté vers un certain M. Youla, ce dernier a ordonné à ses commis de faire le projet de l’arrêté, et quand ils ont fait cela, et celui-là a vu les objectifs ; parce que le chef de cabinet disait que cela est contraire au régime du président Lansana Conté, et qu’il n’était pas possible de faire signer cela au ministre Solano. Suite à cela, je suis allé voir le ministre Abou Camara, qui m’a rassuré et est allé voir le président de la République, qui s’en est indigné, en disant que ça, ce n’est pas normal, que ce sont des ONG comme ça qu’il nous faut dans ce pays. Un pays africain abandonné à lui-même ne peut servir à rien, il faut que le régime soit tout le temps acculé. Il a appelé le ministre Solano pour lui dire : « Abou ira avec un dossier le matin, qu’il faut immédiatement agréer ». C’est ainsi que nous avons été agréés. Il nous a même donné un bureau équipé dans l’enceinte du ministère de la Justice ; en ce moment, le ministère était à la Cour d’appel.
Un jour, j’ai attaqué les commissaires centraux et j’ai ordonné à Moussa Sampil qui était ministre de la Sécurité, que je ne veux pas les voir à Conakry. L’un a été affecté à Kindia et l’autre à Faranah. C’est à la suite de cela que le président Conté nous a demandé, de quoi nous manquons ? Je lui ai répondu que nous n’avons pas de moyens financiers et aussi, comment avoir accès aux radios et télévisions. Il a appelé le ministre de l’Information et lui a dit, qu’ « à partir de la seconde, je mets et la télévision et la radio nationale à la disposition de Moussa lll, il est libre de dénoncer qui il veut ». Ce qui fait, jusqu’à la mort de Lansana Conté, j’ai embêté les avocats, les juges, les notaires, les huissiers qui trompaient le peuple, qui volaient le peuple.
Quel est présentement votre Lien avec le pouvoir en place ?
Notre ONG a pour tutelle le ministère de la Justice. ? Le ministre français que vous avez ici aujourd’hui, qui est venu de Paris, donc est devenu français, on a tout fait pour qu’il nous reçoive, il refuse, dans les sept ans d’Alpha Condé. On ne peut pas travailler avec ce pouvoir. Nous, notre mission c’est de lutter contre l’arbitraire et l’impunité, les détournements de deniers publics ! Quand je vous donne un exemple, cela va vous effrayer. Comment tu peux concevoir qu’en 6 ou 7 ans de ce pouvoir, le pouvoir a détourné à la Banque centrale 885 milliards ; c’est le gouverneur sortant de la Banque centrale, Chérif Bah qui a dénoncé. C’est grave. Ensuite, ces années, il y a eu un détournement de 12 milliards au Port autonome de Conakry, pour ne citer que ces deux cas, il y a des milliers de cas. Pour vérification, il y a le journal de Chérif Bah, et je l’ai rencontré en personne, il est là, il n’est pas mort. L’ONG est maintenant de nom. Peut-être après ce régime, si la Guinée a la chance s’avoir à sa tête un démocrate, un patriote, un Guinéen ; j’entends par Guinéen, quelqu’un qui aime ce pays, lui il peut reprendre, à l’heure où je vous parle, on ne peut rien.
Quels est votre regard sur l’impunité et l’arbitraire dans notre pays ?
Ça, c’est deux maux contre lesquels on ne peut rien, tant que ce régime est là, nous ne pouvons rien contre l’impunité et l’arbitraire. Parce qu’il faut des décideurs, des gens qui sont là pour la répression, mais si eux mêmes sont à la tête, je répète, Ibrahima Chérif Bah l’a dit durant les 7 ans de ce régime, Alpha et son entourage ont détourné 885 milliards à la Banque Centrale et il n’y a jamais eu de démenti.
Avec ces maigres moyens, dites-nous qu’avez-vous réussi à faire durant cette année dans le cadre de votre mission ?
Vous êtes jeunes, mais en Guinée aujourd’hui on ne peut rien faire sans les moyens ; l’homme a de la peine pour sa survie, comment lui, il peut envoyer des gens, à N’Zérékoré, Mamou, Dabola comme avant, quand c’était le temps de Conté, quand il s’agissait d’envoyer des missions, le ministre met sa main à la poche et donne. Je suis allergique à ce que nous vivons en Guinée aujourd’hui. Les autres ont abandonné par-ci par-là, nous étions 15 membres et il n’y a plus aujourd’hui que 4 qui viennent au bureau, les autres sont découragés. Nous allons nous maintenir jusqu’à ce pouvoir passe.
Nous étions entre de bonnes mains au temps de Conté et d’Abou Camara ; d’abord on nous a chassés de la cour de la justice, puisque nous dénoncions les magistrats tout le temps, dans les radios. C’est ainsi que nous sommes venus loger ici, où nous payions avant 100 mille francs guinéens par mois. Vous voyez comment on est logé ; quand on nous a chassés, nous sommes venus prendre ici et nous cotisons pour payez ici. C’est grâce à un bon ministre, M. Siba qu’on est allé voir et qui nous avait dit de nous adresser au Président Konaté ; qui a dit qu’il est important de soutenir une ONG pareille. Ce dernier a ordonné à Jean Marie Doré d’envoyer une lettre au ministre des Transports de ne plus demander un franc de location. Depuis lors, nous ne payons plus.
En tant qu’acteur de la lutte contre l’impunité et l’arbitraire, quel appel avez-vous à lancer aux autorités et à la population ?
Peut-être à la population, mais je n’ai rien à dire aux autorités, parce que c’est eux-mêmes qui sont à la tête des violations. C’est de dire au peuple de se donner les mains, pour préparer un avenir. L’avenir du pays à travers le départ d’Alpha Condé. Quand Alpha va quitter, peut-être qu’on pourra faire quelque chose, mais maintenant, on ne peut pas.
Propos recueillis par Abdou Lory Sylla pour Guine7.com