Censure

La chronique de Mamadou Dian Baldé : 7 ans d’une politique au fil de l’eau

Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce dimanche aux 7 ans de gouvernance du président Alpha Condé, 7 ans durant lesquels, les attentes des Guinéens n’ont pas été comblées. Cette chronique est servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ». 

Bonjour Mamadou Dian. Alors en ce début d’année, ce premier dimanche de l’année 2018, vous nous revenez avec une chronique dont le titre c’est « Alpha Condé, 7 ans d’une politique au fil de l’eau. »

Oui, je dirai qu’à l’occasion du Nouvel an 2018, le chef de l’Etat comme le veut la tradition républicaine, a adressé ses vœux aux Guinéens. Ce discours de vœux n’a malheureusement pas été suivi par bien des citoyens, au moment de sa diffusion sur le petit écran de la télévision d’Etat, à cause des coupures intempestives de l’énergie électrique, qui affecte depuis un certain temps le réseau de distribution électrique d’EDG. Et ça fait plusieurs jours que Conakry broie du noir. De quoi déprimer davantage  les populations  qui sont déjà victimes d’une paupérisation extrême.

Il faut d’ailleurs se demander ce que peut valoir un discours de vœux aux yeux des Guinéens qui  ont le blues, s’il ne fait que ressasser la même rengaine qu’on entend depuis 7 ans.

Cette allocution n’aura fait qu’en rajouter à la longue liste de vœux pieux,  faits par le président de la République depuis 7 ans. Et pour ce nouvel an d’ailleurs, les annonces d’Alpha Condé, qui n’a fait que verser dans l’autosatisfaction, n’ont été que des redites.

L’opposition n’y a vu  qu’un discours soporifique.

Pour un président qui aime dire que la finalité de son action consiste à donner à chaque guinéen ‘’la possibilité d’être formé, de se nourrir, de se soigner, d’avoir un logement décent, d’accéder à l’eau potable et à l’énergie’’, je dirai qu’on est loin du compte. Cela 7 ans, après son accession à la magistrature suprême. Ce ne sont pas là de simples  chicaneries. Les Guinéens ont plutôt tendance à comprendre que les discours lénifiants de ce pouvoir ne servent qu’à brasser l’air.

Un pouvoir qui s’est surtout illustré par une politique au fil de l’eau, qui consiste à gérer les crises dans l’urgence.

Gardons-nous cependant de tout peindre en noir de ce magistère, car cette démarche consisterait à jeter le bébé avec l’eau du bain.

M. Baldé, parlant de ces 7 ans que vous décryptez « au fil de l’eau », vous nous diagnostiquez une « hyper présidence et une erreur de casting qui s’entremêle. »

Oui, le président guinéen se distingue par son omniprésence sur tous les dossiers et sur tous les fronts, limitant le rôle des ministres et du Premier ministre à de simples figurants, à l’image de ce qu’était Nicolas Sarkozy en France, de 2007 à 2012. Sauf qu’en France, le Président ne peut pas mettre les Institutions sous le boisseau, en empiétant sur leurs attributions et leurs rôles respectifs. Ce qui est pourtant le cas en Guinée, où le chef de l’Etat régente tout. Même les médias sont contraints de passer sous les fourches caudines du palais, au grand d’âme de la liberté d’expression.

Dr Makalé Traoré, ancienne directrice de campagne du Président Alpha Condé a déploré récemment cet exercice solitaire du pouvoir par Alpha Condé, par cette formule lapidaire : ‘’il décide de tout, il sait tout’’,  fin de citation.

A cette allure, c’est le peuple qui trinque. Les erreurs de casting relevées le plus souvent dans les nominations à des postes de commandement, sont sans doute à imputer à cette obsession du Président à tout contrôler.

Bien. Ça  c’est les aspects « hyper présidence et erreurs de casting ». A présent, vous vous penchez sur la gouvernance économique qui selon vous se fait « à la petite semaine »…

Sur le tableau de bord de l’économie guinéenne, les signes plaident en faveur d’une embellie pour cette année 2018. Ainsi, selon le FMI, la Guinée afficherait une croissance de 6.7% au terme de 2017 avec une inflation modérée de 8.2%. Cette reprise intervient après le ralentissement enregistré pour cause d’Ebola, grâce à des investissements consentis dans le secteur minier. Ce qui en termes d’emploi, pourtant aurait peu d’impact. Et sans emplois créés, les ménages vont continuer à sombrer dans la pauvreté. Le gouvernement pour renflouer ses caisses, n’a trouvé mieux que  d’augmenter la RTS, mesure  qui a suscité le courroux des partenaires sociaux. Les medias aussi ont été frappés aux portefeuilles, avec des prélèvements de 10% prévus sur les annonces publicitaires, diffusées à partir du 1er janvier de cette année.

Face aux clameurs indignées des associations de presse, le gouvernement pourrait faire volteface et renoncer à cette taxe perçue comme étant une taxe de trop.

Nos économistes ignorent sans doute que la baisse d’impôt stimule la croissance. Et pendant qu’en Guinée, le pouvoir se paie sur la bête, du côté de la lagune ébrié, le président Ouattara a réussi, à réaliser des projets mirifiques. Ainsi depuis 2012, près de 5 000 logements sociaux ont été construits et affectés à des citoyens, dans le cadre d’une politique du logement.

Tout à fait, alors puisque déjà vous évoquiez le sujet de la presse, et vous chutez dans cette chronique sur « la mise à l’épreuve de la liberté de la presse au compte de l’année 2017 »

Le président Alpha Condé a profité du déjeuner offert aux medias, vendredi à son palais pour leur passer une soufflante.

« On change partout en Afrique, sauf les journalistes guinéens. Je me demande parfois si ces journalistes sont des patriotes », a rouspété le chef de l’Etat, face au parterre de journalistes présents à ce déjeuner. Qualifiant au passage les professionnels des medias de « nuls politiques », dont le seul but est d’attirer l’attention du palais sur eux, pour des espèces sonnantes et trébuchantes.

Il faut toutefois rappeler que cette rebuffade a été précédée d’un clin d’œil du président à la presse, dans son fameux discours de vœux du 31 décembre dernier.

Il faut dire cependant que ceux qui avaient pensé que ce déjeuner allait permettre de purger le contentieux qui oppose la presse et le pouvoir public ont été désabusés, par le flot de propos hostiles du chef de l’Etat à l’endroit des journalistes.

Pour  ceux de la corporation qui rêvaient aussi que l’arrivée de Tibou Camara, ministre d’Etat, conseiller personnel du président, puisse conduire à une relation présidentielle apaisée avec la presse, il faut dire qu’ils en ont eu pour leur grade.

Dans un tel contexte fait de tension, à quoi peut-on s’attendre, durant les états généraux de la presse, initialement prévus le 16 janvier, puis reportés sine die.

Comme pour dire qu’entre les princes du jour et le contrepouvoir qu’est la presse, le bras de fer continue.

Pour ne pas perdre la face dans ce duel aux couteaux, les medias doivent  se serrer les coudes, et jouer serré, face à un pouvoir jusqu’au-boutiste.

 

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